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Les instapoètes

Publié le 22 mars 2019 par Jacquesmercier @JacquesMercier

Merci à Vanessa de m'avoir fait suivre l'article ci-dessous (à la fin vous trouverez aussi le lien original), qui explique aussi l'engouement récent pour les haïkus sur Instagram. Je la remercie d'autant plus que ma propre démarche matinale sur Instagram, Twitter, FaceBook et LinkedIn a été spontanée, sans savoir que je m'inscrivais dans ce nouveau courant. C'est le moment donc d'en parler, puisque nous sommes dans la Semaine de la Langue française ! (Et si vous voulez me suivre c'est : jacquesmercier16 - @JacquesMercier et FB : Jacques Mercier...

Comment la poésie devient une arme d'expression massive aux États-Unis

À l'occasion de la Journée mondiale de la poésie, le 21 mars, détour par les États-Unis où l'on croyait cette forme littéraire presque enterrée. Mais la poésie fait un retour en force dans l'Amérique de Trump. Premiers acteurs de ce renouveau : les jeunes et les femmes, qui s'expriment en nombre sur les réseaux sociaux.

En avril 2015, le Washington Post publiait un article qui alliait l'injure aux statistiques avec une efficacité redoutable. Intitulé "La poésie au bord de l'extinction", cet article - publié, pour comble, au plus fort du Mois national de la poésie - se fondait sur les résultats les plus récents de l'enquête que le National Endowment for the Arts, le NEA mène tous les cinq ans. Cette enquête visait à mettre en lumière, par des chiffres, la relation qu'entretiennent les Américains avec un genre littéraire qui représente, pour reprendre les mots [du poète moderniste américain] Wallace Stevens, "le renouvellement de l'expérience".

Pour ceux qui s'intéressent à la poésie, les informations très fouillées réunies dans le cadre de l'enquête étaient tout à fait décourageantes. Les courbes plongeantes que le Washington Post avait réalisées pour illustrer l'article enfonçaient le clou. "Depuis 2002, la part des lecteurs de poésie s'est réduite de 45 % - soit la plus forte baisse jamais enregistrée pour un genre littéraire", affirmait l'enquête, citant des données de 2012. Le journal résumait les choses ainsi : "Depuis vingt ans, la tendance à la baisse est presque parfaitement linéaire - et ne montre aucun signe de ralentissement."

Un art qui vient se nicher partout

Depuis, il s'est produit quelque chose d'étonnant. Lors de sa dernière étude, menée en 2017 et publiée en 2018, le NEA a découvert que la poésie, loin d'être en chute libre comme l'indiquaient les précédentes enquêtes, renouait avec une popularité record. Bref, les rumeurs concernant sa mort étaient très exagérées. Le nombre de lecteurs déclarés de poésie aux États-Unis a doublé entre 2012 et 2017, d'après l'enquête. Et si la lecture de ce genre littéraire repart à la hausse dans toutes les catégories de population étudiées, dans les milieux urbains comme ruraux, ce sont les jeunes adultes qui présentent l'augmentation la plus importante et la plus forte : la proportion des lecteurs de poésie parmi les 18-24 ans a plus que doublé, passant de 8,12 % en 2012 à 17,5 % en 2017. Les femmes et les personnes de couleur contribuent pour une large part à ce retour en force.

Une enquête aussi poussée que celle de la NEA pose un problème de définition : qu'appelle-t-on en réalité "poésie" ? Doit-on se limiter aux mots imprimés sur une page, soigneusement rangés dans le rayon Poésie de [la chaîne de librairies] Powell's Books ? Ou s'agit-il d'un phénomène plus large, plus viral, plus musical, culturellement plus vaste, donc bien plus difficile à définir - et dont, par conséquent, on imagine mal qu'il puisse disparaître ? Avec ses vers accompagnés d'illustrations sur Instagram, qui lui ont valu le surnom d'"Instapoète", Rupi Kaur est parmi les poètes les plus populaires du monde, quels que soient les critères de diffusion auxquels on se réfère.

Les instapoètes

On les appelle des "instapoètes". Jeunes, souvent autodidactes, ils "partagent sur Instagram des compositions [poétiques] soignées qui évoquent des selfies littéraires, souvent mis en scène avec des polices un peu rétros, à la façon d'une machine à écrire encrassée", décrit The Washington Post. Au premier rang des stars de cette nouvelle vague, on trouve l'auteure canadienne d'origine indienne Rupi Kaur, dont le compte est suivi par plus de 3 millions d'abonnés. "Deux ou trois fois par semaine,explique le journal, elle poste un bref poème aux accents élégiaques illustré par un dessin très simple au trait noir, dont son public se délecte."

Le réseau de partage de photos n'est pas seul à offrir une fenêtre de visibilité aux aspirants poètes. "La forme ramassée de la poésie fait qu'elle se prête souvent bien à une mise en scène compacte, destinée à être partagée sur Twitter, Facebook et Instagram", notait dès 2016 le magazine The Atlantic. Pour The Washington Post, en changeant "la façon de lire et d'écrire de la poésie, [...] les réseaux ont servi de défibrillateurs pour faire revenir à la vie l'art ancien de la poésie".

Paroles de femmes

Les femmes sont particulièrement représentées dans ce mouvement : les poèmes des réseaux sont, toujours d'après The Washington Post, " en grande partie composés par des femmes - jeunes - pour un public de jeunes femmes. [Leurs] poèmes sont des messages très personnels qui ont pour sujet l'estime de soi et l'émancipation, et qui puisent dans ce refus très moderne de se taire - prenant pour cible les pervers, les petits amis qui les font souffrir, et tous ceux (en majorité des hommes) qui les empêchent de s'épanouir, que ce soit dans la chambre à coucher ou au travail."

Cette tendance des instapoètes n'a pas échappé aux éditeurs, alléchés par les ventes de Rupi Kaur (ses deux recueils parus, dont Lait et miel, publié en français aux éditions Charleston, se sont écoulés à des "millions d'exemplaires"). Ainsi que le souligne une poétesse citée par le journal: "Aujourd'hui tout le monde veut son instapoète."

https://www.courrierinternational.com/article/litterature-comment-la-poesie-devient-une-arme-dexpression-massive-aux-etats-unis
Les instapoètes

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