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Dragons 3. La fin d’un monde

Par Balndorn

Dragons 3. La fin d’un monde
Résumé : Harold est maintenant le chef de Berk au côté d’Astrid et Krokmou, en tant que dragon, est devenu le leader de son espèce. Ils réalisent enfin leurs rêves de vivre en paix entre vikings et dragons. Mais lorsque l’apparition soudaine d’une Furie Éclair coïncide avec la plus grande menace que le village ait jamais connue, Harold et Krokmou sont forcés de quitter leur village pour un voyage dans un monde caché dont ils n’auraient jamais soupçonnés l’existence. Alors que leurs véritables destins se révèlent, dragons et vikings vont se battre ensemble jusqu’au bout du monde pour protéger tout ce qu’ils chérissent.
Dragons 3 : Le monde caché conclut en beauté la trilogie DreamWorks. Toutefois, la morale qu’il présente détonne par-rapport à celle prônée dans le deuxième volet. Rupture ? ou plutôt adaptation de la saga à son contexte historique ?
La saga Dragons, métaphore des mouvements écologistes
Osons une hypothèse. Si l’on considère Dragons comme une métaphore des mouvements écologistes contemporains, alors il faut recontextualiser chaque opus d’une saga échelonnée sur neuf ans à l’intérieur d’une décennie agitée de soubresauts révolutionnaires aux quatre coins de la planète. En 2010, lorsque sort le premier volet, l’insurrection is coming : à la fin de l’année, Mohammed Bouazizi s’immolera devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid, étincelle qui déclenchera la révolution tunisienne et par la suite, les printemps arabes. Au regard des deux œuvres qui suivront, marquées du sceau de l’insurrection, Dragons est encore dominé par la rhétorique de la non-violence écologiste. C’est pour ramener la paix et abolir la guerre que Harold pousse Beurk à changer de philosophie envers les dragons.En 2014, date de sortie de Dragons 2, l’atmosphère mondiale a changé du tout au tout. D’Occupy Wall Street aux printemps arabes en passant par les Indignados et la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, l’insurrection généralisée a gagné les esprits et poussé la saga à questionner l’écologie qu’elle défend. La violence ayant gagné les défenseurs d’un autre mode de vie face à une répression politique toujours plus grande, Beurk entre à son tour dans la résistance armée contre l’impérialisme militaire de Drago Mortepoigne. À bien des égards, l’utopie beurkienne s’apparente à une ZAD que tenterait d’étouffer – sans succès – le système militariste dominant.Qu’en est-il début 2019 ? Certes, çà et là les résistances locales perdurent, toujours plus réprimées : Loi Travail, ZAD et Gilets Jaunes en France, Standing Rock aux États-Unis, Rojava en Syrie, etc… Mais il semble, d’une part, que la grande vague révolutionnaire du début de la décennie ait reflué – du moins dans son entreprise de conquête du pouvoir – et d’autre part, que les frustrations sociales aient trouvé dans l’autoritarisme national-populiste (Orban, Erdogan, Trump, Bolsonaro…) un autre exutoire. C’est donc entre nostalgie et déception que se love Dragons 3.
Penser des alternatives à l’écologie défensive
Replacée dans son contexte de production, la décision de Harold, a priori en contradiction avec les enseignements ultérieurs, de séparer humains et dragons pour protéger ces derniers dans le monde caché prend tout son sens. Une certaine désillusion post-révolutionnaire, née de l’effarement face à la cruauté humaine, gagne le film et contamine l’énergie joyeuse qui caractérisait jusqu’alors la saga.On peut néanmoins objecter au film – une grosse production, rappelons-le – son incapacité à penser le devenir des alternatives au capitalisme spéciste. Face aux braconniers, les dragonniers de Beurk se livrent à des opérations de libération des créatures emprisonnées. Cependant, pour efficaces qu’elles soient, de telles opérations sporadiques n’affectent pas en profondeur le commerce des dragons et le système socio-politique, fondé sur la marchandisation ou l’extermination de ces créatures, qu’il alimente. Tout au plus agacent-elles des conquérant·e·s (dont on ignorera le nom et les motifs, sinon de dominer le monde) qui s’empresseront de détruire Beurk pour augmenter leur marge de profits. En somme, Beurk ne conçoit la violence qu’en termes d’autodéfense et n’envisage pas d’actions dé-territorialisées, connectées à d’autres lieux de résistance, à même de provoquer l’effondrement du système antagoniste. Le dilemme entre autodéfense du territoire et destruction de l’ordre ennemi se posait dans les mêmes termes à la fin de La Zone du Dehors. Les personnages y répondaient logiquement que même avec toute la bonne volonté du monde, on ne pouvait défendre indéfiniment un territoire alternatif face à une répression continue sans tenter de détruire le pouvoir oppresseur.
Chant du cygne et être-animal
En dépit de (ou grâce à) cette désillusion nostalgique, Dragons 3représente un magnifique chant du cygne. En ce sens, le film accomplit bien des promesses de l’imagerie numérique. On songe bien entendu aux merveilles chatoyantes dissimulées dans le monde caché. Surtout, à la différence d’œuvres comme Mortal Engines ou Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald qui dissocient l’esthétique de la narration, reléguant la première au rang d’accessoire, Dragons 3pense ensemble esthétique et projet politique. En somme, une vraie est-éthique. Les séquences sensorielles n’ont pas une fonction accessoire en marge du récit ; elles créent en son sein des brèches, des espaces alternatifs où s’éprouve un véritable être-animal. Pensons à la parade nuptiale entre Krokmou et la Furie éclair. On ne la ressent pas en tant qu’être humain, mais, dans le continuum affectif qui tisse l’ensemble du vivant, en tant qu’animal. À défaut d’un espoir révolutionnaire, voilà ce qu’aura apporté l’ultime volet de la trilogie DreamWorks : l’utopie de revenir, le temps d’un film, aux instincts animaux qui nous replongent au sein du vivant.
Dragons 3. La fin d’un monde
Dragons 3 : Le monde caché, Dean DeBlois, 2019, 1h44
Maxime
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