Au cours de la seconde guerre mes Britanniques avaient accumulé une avance très importante dans la manière de mener ce qu’on appelle aujourd’hui la guerre de l’information. Ils considéraient ce savoir comme d’autant plus important qu’ils le rendirent quasi inaccessible. Les archives les plus sensible ne sont toujours pas consultables. Les ouvrages sur le sujet traduits en français ne sont pas nombreux. Les deux plus connus sont ceux d’Anthony Cave Brown (1) et de Frances Stonor Saunders (2).
Le premier décrit avec un maximum de détail certaines des facettes de cette guerre de l’information qui visa à tromper Hitler sur les lieux de débarquement. Il aborde aussi les opérations d’intoxication de la population allemande par la diffusion de nouvelles sur des radios « noires » conçues à cet effet. Il est intéressant de noter que l’organisation (3) de cette guerre de l’information a déclenché une crise au sein du système de renseignement britannique. Le SIS (ex MI6) ne supporta pas de voir apparaître une telle démarche offensive hors de son périmètre. Il réussit par des méthodes fortement critiquables (4) à reprendre la main sur le Special Opération Executive (SOE).
La seconde a traité de la contre-offensive informationnelle menée par les services américains et britanniques (CIA et SIS) pour limiter l’influence soviétique durant la première partie de la guerre froide. L’élément de surprise révélé par cet ouvrage est la diversité du champ couvert par cette expérience qui dura de 1947 à 1974. Les opérations clandestines côtoyaient les opérations ouvertes. C’est cette imbrication pour le moins judicieuse qui permit au camp occidental de reprendre l’initiative sur le front politique, éducatif et culturel.
En revanche, il est très difficile d’identifier des écrits sur les trente dernières années. En août 1980, le Monde diplomatique rappela l’importance de ce savoir-faire dans la conduite des opérations en Irlande pour contrer la lutte armée pratiquée par l’IRA provisoire : » Pour gagner la guerre psychologique, il proposait que les moyens de communication de masse soient étroitement associés aux opérations de « pacification ». Il estimait, d’autre part, que la création d’un « mouvement pour la paix » couperait l’herbe sous le pied aux nationalistes irlandais, les condamnant à l’isolement. Un tel mouvement émergea effectivement en 1976, et Roger Faligot fournit à ce propos des documents montrant le rôle des services spéciaux britanniques dans sa naissance et le soutien financier qu’y apportèrent certaines sociétés multinationales, notamment par l’entremise de la C.I.A ».
Les Britanniques firent reparler d’eux à propos des Armes de Destruction Massive, qui ont été utilisées comme prétexte pour permettre aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne de déclencher une guerre contre l’Irak de Saddam Hussein. Mais cette manipulation ne fut pas le fait des services britanniques mais de communicants peu scrupuleux au service des néoconservateurs qui tenaient la Maison Blanche à cette époque-là.
A la fin des années 2000, l’Ecole de Guerre Economique a croisé, par l’entremise de Philippe Baumard, un officier supérieur de l’armée britannique qui était le patron de l’ARAG. Mas Intosh était un des représentants typiques de cette culture du combat. Il était l’auteur d’une thèse sur Michel Foucault et avait participé à plusieurs opérations sur des théâtres d’opération extérieure au sein des forces spéciales de sa Majesté (en particulier les SAS). Il nous avait permis d’identifier un site consacré à la guerre de l’information qui a été fermé par la suite. Les échanges ne furent pas fructueux dans la mesure où les Britanniques se tinrent plutôt dans une posture attentiste et étaient à accuiellir un ou deux stagiares frnaçais mais pas aller plus loin.
Dernièrement, un intervenant de l’EGE nous a signalé une initiative originale conjointe de l’université de Cambridge et du Ministère de la Défense britannique. Selon le site les crises, « c’est un article du quotidien local étudiant Varsity qui a mis l’université de Cambridge sur la sellette en février 2019. Le journal en ligne dévoilait alors le programme “Capacité de recherche en sciences sociales humaines (HSSRC)” — en partenariat avec le ministère de la Défense — qui avait comme objectif “la manipulation ciblée de l’information dans les domaines physiques et virtuels pour façonner les attitudes et les croyances dans le domaine cognitif“. Cette pointe émergée de l’iceberg est intéressante car elle démontre qu’il n’est pas simple de tracer le dispositif britannique. Une indélicatesse étudiante nous a permis d’en avoir un rapide aperçu.
Christian Harbulot
- CAVE BROWN Anthony, La guerre secrète, (1) Poche, Tempus, 2012.
- SAUNDERS Frances Stonor, Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, éditions Denoël, 2003.
- La direction de la guerre politique (Political Warfare Executive), créée par Winston Churchill en août 1941, devait conduire les actions de propagande politique et psychologique dans les pays occupés. Les principaux moyens d’action sont la diffusion radiophonique et diffusion de matériel imprimé (cartes postales, brochures, tracts). LeLes radios noires avaient pour nom : Gustav Siegfried Eins, Soldatensender Calais et Kurzwellesender Atlantik.
- Il fit en sorte de faire tomber le premier réseau de résistance mis en place sur le sol français par le bais du SOE afin de démontrer qu’il fallait confier cette tâche à des professionnels du renseignement.
- L’ARAG a été une structure interministérielle fondée après les attentats du 11 septembre lorsque Tony Blair était premier Ministre.
https://www.les-crises.fr/royaume-uni-luniversite-de-cambridge-et-le-ministere-de-la-defense-ont-travaille-sur-un-programme-de-guerre-psychologique/
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