Cet arrêt juge que que la création d'une vue plongeante sur la propriété qui était agrémentée d'une piscine, créait un préjudice lié à la dévalorisation en résultant et que la cour d'appel a souverainement apprécié la consistance du préjudice et le montant des dommages-intérêts d'un montant de 20 000 €.
"Attendu, selon les arrêts attaqués (Aix-en-Provence, 10 septembre 2015 et 30 novembre 2017), rendus sur renvoi après cassation (3e Civ., 29 janvier 2014, pourvoi n° 12-24.156), que M. M..., propriétaire, depuis le 15 décembre 2004, d'une maison individuelle située dans un lotissement dénommé " [...] " et créé par arrêté préfectoral du 16 mars 1977, a réalisé des travaux d'extension de celle-ci après obtention d'un permis de construire ; que MM. O... et U..., contestant la conformité de la construction au règlement du lotissement, ont, après expertise, assigné M. M... en démolition de la nouvelle construction et en indemnisation ;Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 10 septembre 2015, contestée par la défense :
Attendu que M. M... soutient que le pourvoi formé contre l'arrêt du 10 septembre 2015 plus de deux ans après son prononcé est irrecevable ;
Mais attendu que l'arrêt attaqué sursoit à statuer sur la demande de dommages-intérêts fondée sur la responsabilité délictuelle jusqu'à la décision de la juridiction administrative à laquelle il transmet la question de la légalité du permis de construire ; que, dès lors qu'il ne tranche, dans son dispositif, qu'une partie du principal, les dispositions de l'article 528-1 du code de procédure civile ne sont pas applicables ;
D'où il suit que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen :
Attendu que MM. O... et U... font grief à l'arrêt du 10 septembre 2015 de dire que les dispositions du règlement de lotissement n'ont pas été contractualisées et que leurs demandes ne peuvent prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle, alors, selon le moyen, que les colotis peuvent, lorsqu'ils décident de maintenir des règles d'urbanisme au sein du lotissement pour échapper à la caducité de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, leur conférer un caractère contractuel ; qu'en se bornant à énoncer en termes généraux, pour juger que les dispositions du règlement du lotissement n'avaient pas été contractualisées, qu'en exerçant la faculté donnée par l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme de maintenir le règlement du lotissement pour échapper à sa caducité automatique, les colotis ne manifestent pas leur volonté de le contractualiser, sans rechercher, somme elle y était invitée, si, en l'espèce, cette volonté ne résultait pas des termes mêmes du procès-verbal d'assemblée générale du 24 octobre 1987 ayant décidé du maintien de ces règles et par l'adoption d'un cahier des charges complémentaire ayant amendé ultérieurement les règles ainsi maintenues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige ;
Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que, en exerçant la faculté que leur donne l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme de maintenir le règlement du lotissement pour échapper à sa caducité automatique, les colotis ne manifestent pas leur volonté de contractualiser les règles qu'il contient et relevé que, s'il était mentionné dans l'acte de vente du 25 décembre 2004, d'une part, que les pièces visées à l'article L. 316-3 du code de l'urbanisme avaient été remises à M. M..., d'autre part, que celui-ci reconnaissait avoir pris connaissance de tous les documents du lotissement et être tenu d'en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu'elles s'appliquaient au bien vendu, cette clause ne suffisait pas à caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes ou qui ne lui étaient pas demandées, en a exactement déduit que, la contractualisation alléguée par MM. O... et U... n'étant pas établie, leurs demandes ne pouvaient pas prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle et a ainsi légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que M. O... fait grief à l'arrêt du 30 novembre 2017 de limiter à la somme de 20 000 euros la condamnation de M. M... à des dommages-intérêts ; Mais attendu qu'ayant relevé que la création d'une vue plongeante sur la propriété de M. O..., qui était agrémentée d'une piscine, créait un préjudice lié à la dévalorisation en résultant, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement apprécié la consistance du préjudice et le montant des dommages-intérêts propres à le réparer, et a ainsi légalement justifié sa décision ;PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. O... et U... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour MM. O... et U...
PREMIER MOYEN DE CASSATION
M. C... O... et M. G... U... font grief à l'arrêt attaqué en date du 10 septembre 2015 d'avoir dit que les dispositions du règlement du lotissement " [...] " n'avaient pas été contractualisées et que leurs demandes ne pouvaient prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;
AUX MOTIFS QU'en exerçant la faculté que leur donne l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme pour échapper à sa caducité automatique, les colotis ne manifestent pas leur volonté de contractualiser les règles qu'il contient ; que s'il est mentionné, dans l'acte du 15 décembre 2004, d'une part, que les pièces visées à l'article L. 316-3 du code de l'urbanisme ont été remises à M. M..., d'autre part, que ce dernier reconnaît avoir pris connaissance de tous les documents du lotissement et sera tenu d'en exécuter toutes les stipulations, charges et conditions en tant qu'elles s'appliquent au bien vendu, cette clause ne suffit pas à caractériser une volonté non équivoque des colotis de contractualiser le règlement du lotissement ou certaines de ses dispositions, auxquels il n'est d'ailleurs fait aucune référence explicite ; que la nature contractuelle d'une disposition d'un règlement du lotissement ne peut, par ailleurs, résulter de son seul contenu ; qu'il s'ensuit que la contractualisation alléguée par M. U... et M. O... n'est pas établie et que leurs demandes ne peuvent prospérer sur le fondement de la responsabilité contractuelle (...) ;
ALORS QUE les colotis peuvent, lorsqu'ils décident de maintenir des règles d'urbanisme au sein du lotissement pour échapper à la caducité de l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme, leur conférer un caractère contractuel ; qu'en se bornant à énoncer en termes généraux, pour juger que les dispositions du règlement du lotissement " [...] " n'avaient pas été contractualisées, qu'en exerçant la faculté donnée par l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme de maintenir le règlement du lotissement pour échapper à sa caducité automatique, les colotis ne manifestent pas leur volonté de le contractualiser, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en l'espèce, cette volonté ne résultait pas des termes mêmes du procès-verbal d'assemblée générale du 24 octobre 1987 ayant décidé du maintien de ces règles et par l'adoption d'un cahier des charges complémentaire ayant amendé ultérieurement les règles ainsi maintenues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION subsidiaire
M. C... O... fait grief à l'arrêt attaqué en date du 30 novembre 2017 d'avoir cantonné la condamnation de M. F... M... à lui verser la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS QU'il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; qu'il résulte, par ailleurs, de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme que le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative ; qu'en l'occurrence, l'extension à R + 1 de la maison d'habitation de M. M..., autorisée selon un permis de construire délivré le 14 septembre 2006 par le maire de Bandol, correspond à une surface hors oeuvre nette créée de 163 m² pour une longueur de 5,02m par rapport à la construction initiale, laquelle était d'une longueur de 15,75m et orientée Est-Ouest ; sachant que les propriétés respectives des parties sont situées dans un lotissement créé en 1977 et constitué à l'origine de 87 lots d'environ 1.000 m² chacun, sur une colline dominant Bandol avec une vue lointaine sur la mer ; (...) que l'expert a (...) relevé, s'agissant de la situation de la villa de M. O... par rapport à l'extension litigieuse, qu'il existe une dénivelée naturelle entre les deux propriétés, que les ouvertures sur la façade Est de l'extension de la maison de M. M... se trouvent à 9m de la limite séparative et que la végétation existante peut néanmoins être développée, du côté du fonds O..., pour assurer une meilleure protection visuelle ; que les photographies annexées au rapport d'expertise et à un procès-verbal de constat, plus récent, établi le 3 août 2012 par Me E..., huissier de justice, montrent que les propriétés concernées par le présent litige sont implantées dans un lotissement fortement urbanisé et construit à flanc de colline, dans un secteur arboré ; que dans ces conditions, il ne peut être considéré que (...) la vue plongeante créée sur la propriété de M. O..., distante de 9m de la limite séparative (doive être considéré comme un trouble excédant les limites des inconvénients normaux du voisinage) ; qu'une autorisation de lotir, délivrée le 27 avril 2004 par le maire de Bandol, a conduit à la restructuration des lots 16, 17 et 18 en deux nouveaux lots 88 et 89, conduisant à une réduction de Shon de 265 m² (la Shon de l'ancien lot 18), le nouveau lot 88 étant affecté d'une surface de plancher hors oeuvre constructible de 270 m² pour une surface d'emprise au sol de 165 m², les zones d'implantation précisées dans le plan de masse au 1/500 du lotissement n'étant pas modifiées ; qu'il ressort des investigations de l'expert que si l'extension litigieuse est conforme aux dispositions du plan d'occupation des sols de la commune, son implantation excède, en revanche, de 1,77m la zone d'implantation prévue dans le plan de masse (20,77 - 19), dépasse de 146,63 m² la surface hors oeuvre autorisée par le règlement du lotissement (416,63 - 270) et excède également de 67,46m² la surface d'emprise au sol autorisée (232,46 - 165) ; qu'aux termes de l'article 9 du règlement du lotissement : " il ne peut être édifié sur chaque lot qu'une seule construction principale comportant un seul logement. Chaque construction doit s'inscrire à l'intérieur des zones d'implantation figurant sur le plan de masse du lotissement (voir annexe IV du règlement). Ce plan a pour but de définir à l'intérieur de chaque lot une zone d'implantation, avec obligation de construire sur un alignement donné ou angle d'implantation figurant sur le plan (....). La surface développée de plancher autorisé sur chaque lot est indiquée en annexe I. Elle est calculée sur la base des surfaces cumulées de plancher comptées hors oeuvre " ; que dans son jugement du 29 novembre 2016, devenu définitif, le tribunal administratif de Toulon a considéré que le permis de construire délivré le 14 septembre 2006 à M. M... se trouvait entaché d'illégalité en raison précisément du non-respect de l'article 9 du règlement du lotissement, imposant l'édification des constructions dans des zones d'implantation déterminées dans le plan de masse du lotissement et dans les limites d'une surface de plancher hors oeuvre constructible et d'une surface d'emprise au sol, précisées dans une annexe I au règlement ; que la faute commise par M. M..., tenant au non-respect des règles d'urbanisme contenues à l'article 9 du règlement, dont les colotis avaient décidé le maintien par une délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 24 octobre 1987, est directement à l'origine des préjudices subis, du fait de l'extension litigieuse, par (M.) (...) O... lié (...) à la création d'une vue plongeante sur sa propriété (...) ; que l'intéressé a, dès lors, engagé sa responsabilité délictuelle et doit donc être condamné à des dommages et intérêts compensatoires des préjudices subis conformément à l'article L. 480-13 susvisé, l'illégalité du permis de construire du 14 septembre 2006 ayant été constatée par la juridiction administrative ; (...) que (M.) (...) O... ne (fournit) pas d'éléments, comme par exemple, des avis de valeur établis par une agence immobilière, permettant d'apprécier la valeur vénale actuelle de (sa) propriété (...) et l'incidence, en termes de moins-value, de l'extension de la maison de M. M... ; que l'expert, M. N..., indique cependant que la propriété de M. U... a été acquise au prix de 643.550€ le 19 novembre 2005 ; que quant à la villa de M. O..., qui est agrémentée d'une piscine, sa valeur est comparable, de l'ordre de 600.000€, au vu des photographies produites aux débats ; que (...) la création d'une vue plongeante sur la propriété de M. O... (crée) nécessairement (un) préjudice lié à la dévalorisation en résultant, qu'il y a lieu de fixer, conformément d'ailleurs à l'avis de l'expert exprimé aux pages 21 et 22 de son rapport, (à la) somme de 20.000 euros ;
ALORS QUE les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en retenant, pour limiter la condamnation de M. M... à verser à M. O... à la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, que la construction de M. M... qu'il avait édifiée en violation de l'article 9 du règlement du lotissement créait une vue plongeante sur la propriété de M. O... et avait par conséquent pour effet de dévaloriser cette dernière, sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette construction ne créait pas, en outre, une perte d'ensoleillement également préjudiciable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil."