L’intestin des enfants nés par voie basse et allaités, est colonisé par une flore microbienne où domine les Bifidobacterium bifidae. Une antibiothérapie pour suspicion d’infection néonatale précoce perturbe cependant l’installation du microbiote intestinal « normal », sans que l’on sache toutefois l’impact de la durée de ce traitement.
Afin d’approfondir cette donnée, une étude observationnelle a été menée chez 15 nouveau-nés légèrement prématurés (35-37 semaines), nés par voie basse et alimentés avec principalement du lait maternel. L’analyse de leurs selles a été effectué une fois par semaine pendant les 6 premières semaines de vie, par étude de l’ADN du microbiote (technique de reconnaissance des différents germes par PCR quantitative).
Dix nouveau-nés ont reçu une association antibiotique d’amoxycilline + ceftazidime par voie IV pour une suspicion d’infection néonatale précoce, soit pendant 2-3 jours parce que l’infection n’était pas confirmée (5 traitements courts), soit pendant 5-7 jours (5 traitements longs). Le dernier groupe des 5 autres nouveau-nés, non traités, ont servi de témoins.
La double antibiothérapie de cette 1ère semaine de vie a perturbé la mise en place du microbiote intestinal normal. Par comparaison avec les sujets non traités, elle a fait disparaître Bifidobacterium bifidae, pour les deux cas de traitement court ou long, ceci dès la fin du traitement jusqu'à la 3e semaine de vie. Elle a supprimé la famille des Enterobacteriaceae et laissé proliférer les Entérococcus, qui a été l’espèce dominante jusqu’à la 2e semaine.
En plus de l'utilisation de cette antibiothérapie, la variation de la composition des microbiotes intestinaux était aussi expliquée par l’âge postnatal, l’âge gestationnel légèrement prématuré et quelques facteurs maternels (pré-éclampsie, antibiothérapie maternelle avant la naissance).
L’effet négatif de l’antibiothérapie sur l’abondance relative de Bifidobacterium bifidae a persisté 6 semaines uniquement dans le groupe des enfants ayant reçu un traitement long. Si l’antibiothérapie a modifié la composition du microbiote intestinal, elle n’a cependant pas diminué le compte total des bactéries dans la plupart des échantillons.
En revanche, la richesse et la diversité de la communauté bactérienne ne dépendaient pas de l’antibiothérapie. Elles étaient associées à l’âge postnatal et à l’espèce bactérienne dominante. Par comparaison avec une espèce telle que Enterococcus, la dominance de Bifidobacterium bifidae était associée avec un accroissement de la richesse et de la diversité de la communauté bactérienne.
Au total, une antibiothérapie par voie IV pour une suspicion d'infection néonatale précoce retarde plus longtemps l’implantation de Bifidobacterium bifidae dans l’intestin quand elle dure 5 à 7 jours plutôt que 2 à 3 jours. Ceci suggère qu’elle peut interférer avec la tolérance du système immunitaire et avec la maturation du tube digestif. Il y a donc intérêt à réévaluer l’indication des antibiothérapies pour suspicion d’infection néonatale précoce au bout de 48 à 72 heures de traitement et à arrêter ces traitements lorsque l’infection n’est pas prouvée. L’effet bénéfique de l’allaitement maternel qui s’est prolongé chez tous ces enfants a surement également aidé à la reconstitution d’une flore microbienne plus diverse.
Dominique LE HOUEZEC
Référence :
Zwittink RD et coll. : Association between duration of intravenous antibiotic administration and early-life microbiota development in late-preterm infants. Eur J Clin Microbiol Infect Dis. 2018. 37: 475-483