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Comment le storytelling des entrepreneurs peut rester légitime

Publié le 18 avril 2019 par Dangelsteph
Comment le storytelling des entrepreneurs peut rester légitime

Conçu pour séduire les investisseurs, basé sur des projections, le storytelling des entrepreneurs peut décevoir avec le temps : comment ces derniers peuvent-ils redresser la barre ?

Cet aerticle est basé sur un travail de recherche universitaire publié en 2014 dans la revue Organization Science. Les auteurs sont des chercheurs de la Pennsylvania State University, de la Pace University et de l'Aalto University. 2014 ne fait pas de ce travail une vieillerie : les idées publiées dans les revues scientifiques ont la particularité de se diffuser très lentement, donc il y a très peu de chances que vous en ayez déjà entendu parler.

Le storytelling clé de la légitimité

Clé de la légitimité des entrepreneurs ! Plusieurs études le disent : le storytelling donne une légitimité aux entrepreneurs. Envers qui ? Envers ceux qui comptent pour eux : les partenaires potentiels, les stakeholders comme on dit dans le monde anglo-saxon de l'entreprise. C'est effectivement souvent le problème des entrepreneurs : la légitimité, quand on est en demande de soutiens à des personnes ou des structures qui peuvent tout perdre en accordant leur confiance à de parfaits inconnus. A noter : ces partenaires peuvent être externes (financeurs, fournisseurs et même clients) ou internes (collaborateurs).

Le storytelling stimule donc le soutien de ces stakeholders en leur permettant de formuler des attentes, de se projeter. Pouvoir se projeter, dans une situation d'incertitude, est une nécessité vitale.

Deux types de projections émergent de divers travaux menés par des chercheurs ces dernières années :

    des projections d'ordre cognitif : la compréhension de ce à quoi ressemblera l'entreprise et de ce à quoi cette entreprise va devoir faire face dans l'avenir (marchés, technologie, concurrence)
    des projections plus pratico-pratiques : financières notamment, car c'est quand même ce qui intéresse des partenaires externes au premier plan (!), en termes de bénéfices produits pour les clients (est-ce que j'en ai pour mon argent ?), en termes de carrières pour les stakeholders internes

Ce n'est pas simple pour des stakeholders, et encore moins lorsque l'entrepreneur porte un projet disruptif, et qu'il est impossible de prédire le futur en analysant "simplement" le passé. Le stakeholder peut d'ailleurs s'avérer incapable de comprendre ce qui est à l'oeuvre dans le projet. C'est peut-être injuste, mais alors c'est cette incompréhension qui génère une perception d'absence de légitimité (projection cognitive). Innovation et confiance ne riment pas forcément. Les doutes sur le côté réaliste des ambitions annoncées vont aussi de pair avec l'incertitude de l'avenir (projection opérationnelle).

Le storytelling répond à ces deux mécanismes de projections : il facilite la compréhension par les stakeholders en intégrant les différentes dimensions du projet de l'entrepreneur dans une chronologie, et qui les laissent imaginer les différents scénarii dans lesquels peut s'écrire le futur. Dans le même temps, ils peuvent établir des connexions avec d'autres histoires d'entrepreneurs, de lancement de nouvelles technologies, de marchés émergents..., dont ils ont déjà tiré des enseignements.

Ok, d'accord, mais tout cela, les stakeholders peuvent aussi l'apprendre en examinant les prévisions chiffrées des entrepreneurs. Sauf qu'il leur manquerait alors la partie "facteur humain", qui compte pour beaucoup dans la réussite d'un projet. Et l'humain, et bien seul le storytelling le prend réellement en compte.

Cela ne veut pas dire que seul l'émotionnel compte : dans le storytelling entrepreneurial, on parle bien de "rationalité narrative".

Le problème du storytelling entrepreneurial projectif

Très bien tout cela. Les plans sur la comète : parfait. Mais le contexte évolue, les gens évoluent aussi, des échecs dans les étapes prévues peuvent s'enchaîner et les projections d'un jour ne sont pas forcément la réalité du lendemain. Et la légitimité, qu'elle soit cognitive ou opérationnelle, de l'entrepreneur peut être remise en question. C'est le cas même si c'est l'histoire plus globale d'une technologie, d'une règlementation... dont le projet est dépendant qui est défaillante. La perte de légitimité se porte sur l'entrepreneur.

Et parfois, c'est le manque d'équilibre entre les facteurs de légitimité basés sur la cognition et ceux basés sur l'opérationnalité qui pêche : l'excès d'un ôte de la légitimité à l'autre.

Comment redresser son storytelling entrepreneurial

C'est seulement si le storytelling initial inclut la possibilité pour l'histoire d'être révisée, actualisée, que quelque chose peut être fait. On ne va pas pouvoir lancer un "oh wait !" à l'arrache en cours de route. A un moment donné, il faut être sérieux. On est dans une logique de maintenance et de réparation, là, pas de compassion.

    L'utilisation, au départ, d'analogies et/ou de métaphores, peut justement faciliter la transition façon sas vers une histoire modifiée voire une toute nouvelle histoire. C'est une manière d'être à la fois suffisamment concret et abstrait pour laisser une place au changement
    Du côté des entrepreneurs : ne pas s'enfermer dans une histoire comme s'il s'agissait d'un système informatique. C'est à dire : une création parfaite, qui, si elle ne fonctionne pas, n'a rien à se reprocher car c'est forcément "les autres" qui sont en cause. C'est une pratique auto-destructrice et un déni. Il faut au contraire que cette histoire comporte des "rabbit holes" comme on dit dans l'univers du gaming et du transmédia : des portes de sortie - points de passage vers d'autres narrations ou possibilités de récits, des brèches dans une histoire qui ne doit pas être trop parfaite, volontairement
    Switcher vers une nouvelle intrigue. Imaginons que nous soyons Uber. Le challenge (l'intrigue de l'histoire) pour Uber est d'entrer en Bourse. C'est fait. Mais imaginons que ce plan initial n'ait pas été possible . Et bien entrer en bourse était le challenge, et maintenant, c'est la profitabilité qui est le challenge (utopique pour Uber, certes, mais on imagine, là !). Et on repart sur un nouveau set de projections. Certains chercheurs appellent cela de "l'innovation narrative"
    Supprimer l'élément obsolète de l'histoire : changer d'intrigue n'est pas toujours nécessaire. Il est possible de supprimer uniquement un morceau de l'histoire comme on supprime des personnages dont les acteurs ont décidé de quitter une série TV (ou dont le contrat n'a pas été renouvelé). Bien sûr, un nouvel équilibre relationnel entre les éléments de l'histoire qui subsistent devra être établi (même les séries TV ne peuvent pas juste supprimer un personnage d'un coup de baguette magique !)

Comment faire ?

Pour ma part, je travaille aussi avec des entrepreneurs, des startups, et j'ai un catalogue de prestations de storytelling spécialement dédié pour les aider dans leurs projets.


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