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Ma vie privée contre un crédit

Publié le 30 avril 2019 par Patriceb @cestpasmonidee
ConfirmU La boîte de Pandore de l'ère « digitale » est donc définitivement ouverte : quand la jeune pousse d'origine israélienne ConfirmU demande aux consommateurs désireux d'obtenir un prêt un accès presque illimité aux données de leur smartphone afin d'évaluer leur risque de défaut, une frontière éthique est probablement franchie…
La promesse est classique et répond à l'un des grands défis de l'inclusion financière : comment permettre à des individus dont l'historique de crédit est inexistant ou insuffisant de bénéficier de conditions d'emprunt correctes ? Un moyen de plus en plus répandu aujourd'hui consiste à analyser les comportements des demandeurs vis-à-vis de l'argent à partir d'informations provenant de sources diverses et variées, de manière à estimer, notamment, leur propension et leur capacité à rembourser leurs dettes.
Avec la solution de ConfirmU – qui se présente sous la forme d'un kit que les institutions financières n'ont plus qu'à intégrer dans leur application mobile – ce processus est simplifié à l'extrême puisqu'il suffit d'autoriser l'exploration des entrailles du téléphone pour le laisser remplir son office en quelques secondes. Sont ainsi collectés et exploités les lieux visités (identifiés par les données de suivi GPS), les paiements initiés sur mobile, les échanges menés par SMS, les interactions sur les médias sociaux…
Dans le parcours type de la startup, s'ajoute encore une sorte de test psychologique, organisé en conversations par messages textuels et constitué d'une série de questions (disponible en une douzaine de langues) sur les raisons de la sollicitation d'un prêt et sur la situation générale de l'utilisateur. Son objectif est de déterminer la sincérité des intentions de l'emprunteur. Une étape complémentaire d'analyse vocale peut même compléter le dispositif pour renforcer la détection des tentatives de fraude.
Accueil ConfirmU
L'ambition de ConfirmU d'offrir des services financiers utiles à des populations qui en sont habituellement écartées est certainement authentique et louable. Il est pourtant difficile de ne pas s'inquiéter de l'approche extensive retenue, qui, à une époque où nos téléphones sont les réceptacles de notre intimité, revient à mettre entièrement à nu la vie privée des clients, sous couvert de mesure de leur fiabilité. L'interrogation doit donc être maintenant mise sur la table : où faut-il placer la limite à ne pas franchir ?
L'enjeu n'est pas uniquement de s'orienter progressivement vers une société dans laquelle le citoyen sera contraint de partager ses données personnelles pour obtenir les services dont il a besoin, via des mécanismes manquant souvent de transparence, de surcroît. Il sera aussi rapidement question d'éviter la création d'une nouvelle fracture entre des nantis qui continueront à jouir d'une véritable vie privée (grâce au recours à des méthodes alternatives) et les classes défavorisées qui n'auront pas cette opportunité.
Voilà pourquoi les discours, en vogue, suggérant une « marchandisation » des données personnelles pointent dans une direction extrêmement dangereuse : considérer les éléments d'intimité de la personne comme un patrimoine qui peut être valorisé économiquement a toutes les chances de créer des dérives et des déséquilibres du même ordre que, par exemple, les pratiques de commercialisation d'organes humains.

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