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Max | Yéyé

Publié le 01 mai 2019 par Aragon

genet8.jpgL'autre jour Joëlle m'a envoyé une belle photo de genêts en fleurs à Gujan Mestras, ce jaune éblouissant que seuls les genêts savent arborer, le "Bassin" au printemps c'est quelque chose et j'ai pensé à Cadou, sa poésie, cette "Symphonie de printemps" où il est question de paupière pareille à du genêt mouillé.

J'adore les "stimuli sensoriels positifs". Il suffit d'un truc, une simple toute petite chose et mon coeur et ma cervelle se mettent en branle-bas de combat, cette petite chose en amène une autre et de belles autres choses se mettent alors en place, à tourner, à battre la chamade en moi...

Je rentre à l'instant de faire un circuit que j'aime particulièrement à vélo et j'entendais le coucou s'époumoner, coucoutant comme un malade et j'ai pensé à Yéyé...

Yéyé c'était Joseph. C'est ainsi que l'appelait sa chérie Hélène des chats de la Crique. Hélène des chats de la Crique a été la fiancée perpétuelle de Yéyé, c'est ainsi qu'elle se décrivait. Elle était contre le mariage. À Castel-Sarrazin, à l'époque, c'était une conduite hallucinante, mais on ne les emmerdait pas, je pense qu'avec le Yéyé les gens se tenaient à carreau, ne se seraient pas risqués à la moindre réflexion. Ils habitaient un lieu dit "la Crique", à mi-côte, une maison enfouie dans les fleurs et les acacias. Ils n'ont jamais eu d'enfants. Ils aimaient ceux des autres. Je me souviens de leur accueil quand j'allais chez eux avec ma petite bicyclette, mon short ravaudé et les genous mercurochromés... Si gentils ! Mon dieu, si gentils.

Yéyé c'était un balaize, avant la guerre de 14 il pouvait porter dans ses bras une "bordelaise" pleine. Une barrique bordelaise c'est 250 litres de vin ! Après la guerre il ne pouvait plus le faire. Il n'avait plus son bras droit de droitier qu'il était. Une baïonnette plantée et cassée (vrai) dans son bras d'hercule à l'offensive du Chemin des Dames avait eu raison de son membre qui dut être amputé. Comme pour Cendrars et tant d'autres son bras tournait désormais dans le ciel d'une nuit glaciale, étoilée mais désormais paisible.

Yéyé dut tout apprendre des gestes et leurs usages, quand je l'ai connu au milieu des années cinquante, peu de temps avant qu'il meure son bras gauche était devenu son bras droit, il pouvait se rouler une cigarette d'une seule main, il était générosité, humour, gentillesse et un puits de connaissance autodidacte en ornithologie.

Yéyé s'était pris de passion pour les piafs, tous. Il savait tout sur tous les oiseaux. Connaissaient les plumes et les chants, les nidifications, la couleur des oeufs, les migrations, la vie des sédentaires. Il adorait les oiseaux. Il ne parlait que patois et je me rappelle l'avoir entendu dire un jour, j'ai toujours gardé cette phrase en moi, d'où le stimuli de tout à l'heure...

"Youeyt quey vis lou coucut que hasé lou sou goueoū en lou nit dou tracq..."

Aujourd'hui j'ai vu un coucou qui faisait son oeuf dans le nid du troglodyte...

Il se prenait le chou quelquefois avec sa chérie qui, elle, vouait une dévotion aux matous qu'elle recueillait volontiers, un chat perdu dans le village et c'est Hélène qui en héritait. Elle devait en avoir une dizaine, tous les mâles avaient des prénoms en "i", Titi, Mimi, Bibi, etc. et toutes les femelles des prénoms en "ette" Minette, Fleurette, Noisette, etc. et on sait bien que les chats adorent les piafs de la même manière que Bobby Lapointe aimait la maman des poissons... avec du citron.

N'empêche, ils avaient un deal Yéyé et Hélène, ils s'aimaient et l'amour est le plus fort. Il casse la gueule à toutes les noirceurs. Yéyé avait réussi à persuader Hélène de passer devant monsieur le maire, pour la pension, quand je vais mourir... Ils n'étaient bien sûr pas bassement matérialistes, tellement humbles, je les revois encore dans leur masure au sol de terre battue, à la table de chêne brut toujours porteuse d'un bouquet de fleurs sauvages. Elle s'était laissée convaincre et fut donc un jour Hélène des chats de la Crique Destenave.

Quand j'entends le coucou au printemps, ce branleur de coucou qui pond ses oeufs chez les autres, je pense à Joseph Destenave, docteur champêtre ès ornithologie, je pense à Yéyé... à Hélène et Yéyé.

 


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