"Longtemps tu fus l’individu qui dit et crut que tout lui est dû,
l’individu-à-liste, séquencé en résidus,
l’individuel, l’égoïste usuel,
seul contre tous, ça t’fout une frousse qui est pas virtuelle,
ta vie d’hyperliens, ta vie d’alien, d’îlien
retranché comme un pépin dans ton grain de raison en dit long,
mais n’offre aucune beauté, dans ta bulle de filtre
tu files trouver l’isolement au milieu de ta commune ôtée,
puisqu’on a tout fait pour nous rendre étrangers au monde,
quoi d’étrange à ce que nous voyions tout le monde comme un étranger ?!
Toi que Big Brother surveille pour pas que tu joues au con,
que Big Mother, elle, couve dans son techno-cocon,
faut qu’on se le dise : trouves-tu ça triste ou ça mignon ?
Où mène ta piste ? Es-tu chenille ou papillon ?
Tant que t’es enfermé dedans, tu ouvres les volets en vain,
l’alternative étant se lover ou voler enfin !
Tatonner, rater, tâtonner, rater, essayer encore,
rater mieux, faire que nos expériences prennent corps,
s’offrent le temps, tout autant ouvrent l’espace,
faire que quelque chose vienne, éclose quelque part, naisse, ouais, se passe,
faire qu’il existe un dehors, une jungle, des ZAD,
un ailleurs où il fut encore possible que l’on s’évade,
du zoo libéral qui nous encage,
où on va ? J’en sais rien, on verra bien sur quel chemin on s’engage !
Ici, on enrage, à force j’ai l’impression d’être ouf,
qu’on cherche une faille et trouve, du possible ou sinon j’étouffe !
Comprendre qu’ils te veulent libre pour mieux te contrôler,
que chaque acte en ligne laisse une trace sur les cartes qu’ils compilent,
« Cours, camarade, les yeux-mondes sont derrière toi, faut t’affoler ! »,
comprendre ton statut d’épluchure que pour eux ils empilent [pour qui ?],
pour les porcs du Pig Data, comprendre ce qui nous séduit,
où l’on nous conduit, comprendre que tu es le produit,
alors sur les réseaux en torero s’effacer,
ressusciter l’angle mort, furtif et vif ne faire que passer !
Ceux qui trient, comptent, clivent, classent, élisent leurs sujets,
leurs objets, nos projets, « Combien j’ai ? », « Quel budget ? »,
s’ils pouvaient ils numéroteraient tes cris,
sous leurs chiffres ta chair bruisse, moi je te calcule pas, toute vie vraie reste hors de prix !
T’es pas le nombril du monde, ce sont les chiffres et les nombres,
comptable est l’existence, on ne subsiste que dans son ombre !
Au bout du compte, en fin de comptes, reste ça , oui :
ce système-là, rien ne le détruit plus que le gratuit !
Quick’n’dirty, fast-cash, disruption dans la start-up nation,
managers excellisés du Macronomicon,
merdification des tafs, burn-out, robots, bore-out,
burnes où ? Un brin de courage avant le black-out !
Les pires parasites dissertent sur le parasitisme des salariés,
bizness über alles, working dead, technocrassiers !
La lutte des places remplace la lutte des classes en place,
et toi tu penses trouver là ta pitance, du sens, et j’en passe !
Travailler ? Oui, si je choisis avec qui, à quel rythme,
où, comment et pourquoi j’ai autant de mon temps investi,
plutôt que passer 40 ans de sa vie à flipper,
s’auto-orgniaser pour que taffer fasse triper !
Gaffe aux GAFA, gaffe aux, gaffe aux GAFA,
et à ce qui les anime, ce n’est pas le BAFA, mais le transhumanisme,
gaffe aux GAFA se gavant de ton DATA,
ils ont le réseau, t’as rien, tu es le zéro, ils sont le 1,
te voir surfer est le premier de leurs desiderata,
alors noue, puis au ventre de ce noeud construis-y des communs,
au coeur de ce « nous », explore à quel point tu es liens,
loin de ces liens regarde à quel point tu n’es rien !
Politique de l’amitié, s’élever du solitaire au solidaire,
de la grappe au groupe, et voir ce que ça libère,
du connectif au collectif, oh oui, bah oui !
La liberté des autres déplie la nôtre : origami !
Puisque leur monde est une pub qui nous vend de la réalité,
qu’ils ont algorithmé jusqu’à l’amour, le jeu, le jouir, l’amitié,
puisqu’en nous procurant par la technologie le pouvoir
ils nous ont retiré la puissance, essaie pour voir !
Sans doute est-il temps de reprendre nos outils en main,
notre autonomie technique au sérieux vers d’autres lendemains,
l’imachination au pouvoir, sous les claviers la rage,
avons quitté la marge et sommes prêts à tourner la page !
Pour votre confort et votre sécurité veuillez...
veuillez quoi ? Rester entre vous pour l’éternité ?!
Vous emmurer vivants face aux migrants ?
Dire qu’ils vous grand-remplacent, veulent votre place ? Le péril est-il si grand ?!
Ah ! La paresse et la peur, la caresse et la terreur
à quoi chacun d’entre nous s’abaisse, fut-ce par erreur,
la belle pâte avec laquelle ils nous malaxent et nous cuisent,
et nous figent dans la rue, sur l’écran, comme dans l’entreprise,
brise-toi ! Sens combien tout joie longue
naît de la confiance que tu offres et qui tisse d’une étoffe qu’on coud en fil de soi,
en fil de soi, certes, mais surtout en fil de faire,
de faire ensemble, parmi et avec soeurs et frères !
Nous sommes la nature, la nature, la nature qu’on défonce,
nous sommes la Terre qui coule juste avant qu’elle s’enfonce,
nous sommes le cancer de l’air et des eaux,
des sols, des sèves et des sangs, le bourreau, bon sang, d’H2O,
nous sommes la pire chose qui soit arrivée au vivant,
ok, c’est bien de le savoir, ouais, et maintenant ?!
La seule croissance que nous porterons sera celle des arbres et enfants,
maintenant nous serons la nature qui se défend !"
Source: Lundi Matin "L'inconsolable"
et en Musique
Léon Blum descend lentement vers le front de mer.
réfléchissant peut-être à son avenir de plaque souvenir.
L'inconnue du trottoir de droite dans les ptits papiers
(on ne saura pas de qui)remontait l'avenue.
Seuls les policiers croisant au loin auraient été habilités à lui demander
Mais:
Pourquoi l'auraient-ils fait?
puisque:
petit A: ils ne l'avaient pas vue
petit B: elle ne semblait pas suspecte
petit C: le couvre feu n'avait pas encore été déclaré.
Objectivement et en quelque sorte il s'agissait d'un après-midi comme un autre,
et on lui rendait bien.
" Une lampe à la main Il cherche son chemin L'avez-vous vu Une lampe à la main Il cherche son chemin L'avez-vous vu L'avez-vous vu On nous ment toujours On nous ment toujours On nous ment Dans les manteaux blonds Dans les manteaux Manteaux de velours On nous ment On nous ment On nous ment On nous ment Alors elle passe son temps à lire des bd Trois heure du matin la télé allumée Et le voisin du dessus Le voisin du dessus Une lampe à la main Il cherche son chemin L'avez-vous vu L'avez-vous vu On nous ment sur ci On nous ment sur ça Alors tu tends vers tout Tout tend vers ça Tout se renversa Sur la nappe une tâche La vie c'est comme ça On nous ment toujours On nous ment toujours On nous ment tou... On nous ment tou... On nous ment égare On nous ment-et-Christo On nous ment-essori On nous ment sur tout ça Une lampe à la main Il cherche son chemin L'avez-vous vu Une lampe à la main Il cherche son chemin L'avez-vous vu L'avez-vous vu Dans les rues de plaisir Et les ourlets de dentelles Et les petits livres On nous ment On nous ment de loin On nous ment de près Ce n’est qu’après Qu’on sait le comment On voit le pourquoi Qu’on lit le secret On nous ment pendant On nous ment avant On nous ment après On nous ment sur ceci On nous ment sur cela Pas du tout ce qu'on lit Pas ce qu'on croit On nous ment le matin On nous ment le soir On nous vend On nous vend l'espoir L’hiver ou l’été Tout autant que l’amour On nous vend la beauté Un lapin dans les bras Mais abracadabra On nous ment sur quoi Dans l'immensité de la grande cité J'avais choisi le mensonge Dans l'immensité de la grande cité"
Gérard Manset