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70 - Règlement de compte (3ème partie)

Publié le 14 juillet 2008 par Theophile

Reglementdecompte2 Myriam bondit subitement hors du lit. Elle marche dans le couloir sur la pointe des pieds.
Le bruit sourd d'un poing qui frappe contre la porte se fait entendre à nouveau.
Elle entend la respiration haletante de Jean-Marc qui résonne dans le couloir de l'immeuble, derrière la porte d'entrée. Elle avance dans l'obscurité, pensant que, peut-être, croira-t-il qu'elle n'est pas là ce soir. Elle décide de ne pas allumer la lumière. Elle ferme discrètement la porte de la chambre dans laquelle dorment les petites. Peut-être ne se réveilleront-elles pas ?

   - Myriam ! Ouvre-moi ! je sais que tu es là !

Seule. Debout dans le noir. Myriam tremble. Elle ne sait plus ce qu'elle peut faire. Elle ne sait plus ce qu'elle doit faire. Elle écoute. Elle attend, le dos contre la porte des toilettes située à côté de la porte d'entrée de l'appartement, prête à bondir sur le téléphone. Prête à bondir dans la chambre avec les petites.

   - Myriam ouvre-moi bordel ou je défonce la porte !
Ce n'est plus le poing, c'est la main à plat sur la porte qui cogne. Pour faire encore plus de bruit. Myriam ne sait plus ce qu'il faut faire. Elle s'approche de la porte alors qu'il continue à frapper. De peur qu'il ne finisse par défoncer la porte, Myriam, par peur, tient la porte. Pour résister.

   - Ouvre ! Ouvre ! je vais défoncer ta putain de porte !

Dans une voix pleine de souffle :

   - Jean-Marc ! arrête ! Tu as vu l'heure bon sang ?!
Subitement, la voix de Jean-Marc devient normale. Un quart de seconde. Comme raisonné, il s'adresse à elle comme si la violence qui vient de précéder n'avait jamais eu lieu.
   - Ouvre-moi, Myriam. S'il te plaît. C'est important. Il faut que je te parle.
   - Jean-Marc ! Tu crois que je vais t'ouvrir avec tout le cinéma que tu fais encore à cette heure ?
   - Myriam, je suis désolé. Je t'en prie. Je ne vais pas bien...
Silence. Myriam écoute. Elle essaye de déceler le sous-texte de sa voix, de son ton, à travers la porte.

   - ... Je t'en supplie, Myriam. Je ne vais pas bien. J'ai besoin de te parler. Ca ne va pas... J'ai besoin que tu m'écoutes. Je ne te dérangerai pas longtemps.

Silence.

   - Je ne trouve pas le sommeil. Je ne dors plus. J'ai besoin de te parler. Rien qu'à toi. Il n'y a que toi qui puisse m'écouter...  Je ne dors plus depuis plusieurs jours... Là, je n'en peux plus. J'ai essayé de fermer les yeux et de m'endormir... Mais je n'y parviens pas... il faut que je te parle... Je n'y arriverai pas avant de t'avoir parlé... Tu comprends ?

Un temps.

   - Jean-Marc... On se voit demain si tu veux. Mais là, il est quatre heures du matin...
   - S'il te plaît... Myriam...
(Silence.) S'il te plaît...

Un long silence.
Puis, on entend la clef tourner dans la serrure. Un tour, deux tours... La porte s'ouvre.
Myriam découvre Jean-Marc, les yeux rouges, le regard au sol...

   - Entre. Mais ne fais pas de bruit...

Elle a à peine le temps de finir sa phrase que la main de "l'autre" la saisit par la gorge et la plaque contre le mur. Tout en la poussant à l'intérieur de l'appartement, il ferme la porte d'entrée derrière lui, à l'aide de son pied. Il plonge ses yeux dans les siens, les dents serrées, son visage très près du sien.
Presque aussitôt, elle sent une pointe qui appuie sur son ventre. Elle ne peut pas voir ce que c'est, puisqu'il lui tient le visage très fort. Mais elle comprend qu'il est armé d'un couteau.

   - Qu'est-ce que tu vas faire maintenant... hein ? tu ne peux rien faire maintenant... Tu crois que tu peux continuer à te foutre de ma gueule longtemps, petite salope. T'es à moi... tu m'entends ? t'es à moi, rien qu'à moi... Dis-moi que tu m'aimes... ou je te plante ! Dis-moi que tu m'aimes... Dis-le !

La pointe du couteau s'enfonce un peu plus sur l'abdomen de Myriam qui ne bouge plus.

Quelque chose d'étrange se passe à ce moment-là dans le regard de Myriam. Son regard est froid, fixe. Plongé dans celui de son ex-mari. Les dents serrées, une voix pleine de haine sort, comme arrachée du fond de sa douleur. Elle le regarde droit dans les yeux :

   - Si tu veux me planter, Jean-Marc... vas-y... Fais-le ! Mais en silence... Parce qu'il y a Céline et Virginie qui dorment dans la chambre... juste à côté... Fais-le, mais en silence... tu m'entends ? En silence... Car je ne veux pas réveiller les gamines...

En un instant, Jean-Marc est comme saisit d'effroi. Paralysé par ce que vient de dire Myriam, les yeux exorbités par sa voix qui vient de résonner comme un coup de tonnerre, il ne bouge plus, sidéré.
Calmement, elle reprend :

   - Qu'est-ce que tu attends ?
Quelques secondes de suspension.
Le couteau tombe sur le sol et Jean-Marc s'effondre en larmes, la tête appuyée contre la poitrine de Myriam.
Il pleure. Il pleure tout ce qu'il peut.
Myriam tente de résister sous son poids. Corps abandonné. Lourd comme celui d'un cadavre.
Ils restent ainsi plusieurs minutes, sans bouger, avec seules ses pleurs étouffées en fond sonore. Toutes ces minutes pendant lesquelles, Myriam prend le temps de réaliser la scène qui vient de se produire.
Elle réalise aussi qu'elle est sans doute passée à côté de la mort... elle réalise aussi que les deux petites sont dans la chambre à côté... Elle espère qu'elles ne se seront pas réveillées...
Puis, épuisée de soutenir son poids, elle tente de se dégager...

   - Jean-Marc... pars. Je t'en supplie... tu vas réveiller les petites... vas-t'en...
   - Je... je veux... veux juste... parler... parler avec toi... mon amour... mon... am... our...
   - Non. Pas comme ça. Je ne parle pas comme ça. Vas-t'en...
Un temps. Il se ressaisit.  Il se calme. Il se penche et ramasse le couteau lentement. Myriam ne dit rien. Elle le regarde.
Il se dirige vers la porte d'entrée... Froid. Presque exaspéré par son manque de pitié, il lui jette un dernier regard.
   - Au revoir, Myriam... Il faudra qu'on se parle...
La porte se referme derrière lui.
Quelques secondes.
Myriam court fermer la porte à clef.
Puis, elle glisse le long du mur.
Elle s'écroule.
Seule. Elle pleure.
Les petites, elles, dorment toujours.

(A suivre.)


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