"J’ai quitté la route en arrivant devant le magasin de Roy Whitmire, pour aller me garer à côté du panneau annonçant DERNIÈRE POMPE À ESSENCE AVANT TRENTE KILOMÈTRES. Je suis passé devant des types assis sur des caisses de Cheerwine et de Double Cola. Avec leurs crânes chauves et leurs cous ridés, ils ressemblaient à des tortues d’eau se chauffant au soleil sur des souches. Les types m’ont salué d’un signe de tête familier, mais la canicule les avait vidés de tout bavardage. J’ai farfouillé dans la glacière installée sur la galerie, les doigts engourdis par l’eau et la glace, avant de tomber enfin sur une petite bouteille. Je n’avais pas soif, mais il n’était pas convenable de ne rien acheter. Je suis entré dans une vaste pièce, plus sombre que l’extérieur, mais pas plus fraîche.
La boutique n’avait guère changé, la première étagère était chargée de toutes sortes d’articles allant des hameçons Eagle Claw aux poudres contre les maux de tête Goody, et sur le comptoir se trouvait un grand bocal où nageaient dans une saumure trouble des oeufs durs plaqués contre la paroi de verre tels d’énormes yeux. Près de la caisse enregistreuse, un autre bocal, celui-ci rempli de rubans de réglisse.
— Ça va-t-y, étranger ? a lancé Roy, en sortant de derrière le comptoir pour me serrer la main."
Ron Rash, "Un pied au paradis(Folio, traduction Isabelle Reinharez)