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Jean-Michel Olivier, invité de Tulalu!?, au cinéma Bellevaux, à Lausanne

Publié le 14 mai 2019 par Francisrichard @francisrichard
Pierre Fankhauser et Jean-Michel Olivier

Pierre Fankhauser et Jean-Michel Olivier

Hier soir Tulalu!? recevait Jean-Michel Olivier, au Bellevaux, à Lausanne.

La rencontre animée par Pierre Fankhauser tournait autour de son roman Passion noire, qui, pour mettre tout de suite, l'invité sur le gril, cite d'emblée l'épigraphe du roman:

Né mâle et célibataire dès son plus jeune âge...

Possède sa propre machine écrire et sait s'en servir.

William Faulkner

Cette citation introduit bien le propos de l'auteur qui, dans Passion noire (la passion de son protagoniste pour la littérature), dresse le portrait d'un écrivain, la machine à écrire étant naguère l'attribut de celui qui écrit.

Évidemment, aujourd'hui, cela peut paraître anachronique, à l'époque des smart-phone, des tablettes ou des ordinateurs, où les ratures ont disparu. A succédé à la civilisation de l'écrit celle de l'écran.

Simon Malet vit à Pully, ville qui n'a pas été choisie fortuitement par l'auteur puisqu'il s'agit de la ville où a vécu et où est mort Charles-Ferdinand Ramuz, dont le rayonnement est resté longtemps régional.

L'écrivain romand (dont le style était controversé par des écrivains français: l'un d'eux disait même qu'il fallait le traduire en français) y possédait en effet une maison, La Muette, et y fut enterré.

Dans Incarnata de Jacques Chessex, le personnage principal, Manuel Sorge, un écrivain raté et jaloux, vient, lors de l'enterrement de Ramuz, baver sur la tombe de celui qu'il appelle le saint homme...

Jean-Michel Olivier a bien connu Chessex, cet homme-livre et cet homme libre. Il a même plusieurs fois été son ami. Plusieurs fois, parce qu'il était difficile de rester longtemps ami avec L'Ogre

(Pierre Fankhauser remarque que Simon Malet rime avec Jean Calmet, le protagoniste de ce roman célèbre de Chessex)

Jean-Michel Olivier parle dans Passion noire de La beauté sur la terre, un livre prémonitoire de Ramuz, où l'héroïne, Juliette, représente à la fois le rejet d'une étrangère et les passions que suscite la beauté.

Il n'est pas d'année, quand Jean-Michel Olivier était enseignant, où il ne parlait de ce livre à ses élèves, qui, avec Aline, roman à portée universelle, figure dans le panthéon de ses oeuvres qu'il aime.

Comme le héros de Passion noire est écrivain, on pourrait penser que c'est autobiographique. Mais non. Certes il se dédouble d'abord en Simon, mais, celui-ci, peu à peu, acquiert son indépendance.

Avant d'écrire ce roman, il en a imaginé le début et la fin, qui est surprenante: il s'est donc surtout efforcé de rendre plausible le passage de l'un à l'autre, tout en le nourrissant de souvenirs mêlés à des fictions.

Comment écrit-il? Il écrit d'abord silencieusement, puis il lit à haute voix pour éprouver la musicalité de son texte. C'est flaubertien, comme sa volonté de combattre les idées reçues en faisant un peu de provocation...

Avant d'être écrivain, il a d'abord voulu être footballeur - il porte d'ailleurs ce soir les couleurs de son club -, puis a été musicien, a écrit des chansons et même enregistré un disque, aujourd'hui oublié: heureusement, dit-il.

Quand il a reçu le Prix Interallié pour l'Amour nègre. Il a, bien sûr, était heureux parce qu'il savait que la durée de son livre serait d'au moins un an, un an et demi, mais il savait qu'un prix peut tuer ou faire perdre la tête.

Jacques Chessex en fait la douloureuse expérience. Après avoir reçu le Prix Goncourt, il a une longue traversée du désert qui ne s'achève qu'avec la parution du Vampire de Ropraz et d'Un Juif pour l'exemple.

Aujourd'hui la durée de vie d'un livre est très courte et il y a de moins en moins de compte-rendus de livres: La censure est le silence critique. L'écrivain, depuis les années 1980, avec Apostrophes de Bernard Pivot, fait partie du spectacle...

Avant on ne connaissait les écrivains que par leurs photos. Maintenant il y a des images, éphémères. L'écrivain, qui a obtenu un prix est invité sur les plateaux de télévision du monde entier et... il n'a plus le temps d'écrire.

Sur les plateaux, il est invité avec des gens qui ne le connaissent pas et qu'il ne connaît pas, et, même parfois, avec des gens qui savent à peine écrire et lire, a fortiori des auteurs romands, cela dit sans méchanceté...

D'être empêché d'écrire est l'un des thèmes d'ailleurs de Passion noire. Simon Mallet l'est par sa mère, Mégère, par sa chatte Pénélope, par les femmes que sa notoriété fait tourner autour de lui ou qui lui écrivent.

(le lecteur en quête de récits croustillants n'en trouvera pas dans Passion noire: le désir y est plus important que l'acte...)

La littérature est une affaire de femmes. Le monde des livres est un monde de femmes: hôtesses d'accueil des salons, journalistes, éditrices, lectrices. Ce qui n'est pas pour déplaire à Jean-Michel Olivier.

Mais cela déplaît à Simon Malet, qui en est agacé, surtout quand elles lui écrivent. Là, l'invité s'est inspiré des Jeunes filles de Montherlant. Dans ses relations épistolaires avec elles Malet a quelque chose de Costals...

Comme pour en administrer la preuve, Anne-Frédérique Rochat et Jean-Michel Olivier lisent ensemble des extraits de la correspondance entre la mystique Marie-Ange Lacroix, domiciliée à Publier (sic) et Simon Malet.

Francis Richard

Anne-Frédérique Rochat et Jean-Michel Olivier

Anne-Frédérique Rochat et Jean-Michel Olivier


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