Le vieux-jeune monarque s'est décidé à entrer dans l'arène.
Il a bien planifié sa manœuvre. Emmanuel Macron veut convaincre qu'il est europhile, le champion des europhiles contre les populistes, un rempart pour la construction européenne à l'heure du Brexit. La démarche est louable, le fond est faux, la manipulation grossière. La campagne des élections européennes a été sacrifiée par la Macronie, de A à Z. On l'a écrit, expliqué, détaillé.
Caricaturée jusqu'à sa plus simple expression, le "débat" sur les enjeux européens et la politique à venir s'est même concentré ces derniers jours sur le ralliement d'un obscur élu local insoumis au Rassemblement national: le sujet rassemble les fachos frontistes trop heureux d'une pareille publicité gratuite et les macronistes, appuyé par le Parti médiatique, qui sont trop heureux d'amalgamer LFI et RN. Et pour aider, le service public audiovisuel a même mobilisé un peu d'argent public pour commander un opportun sondage sur le degré de prétendue proximité des différents sympathisant(e)s avec le RN.
Sans rire...
Triste à pleurer.
Le vieux-jeune monarque "s'engage dans la campagne." Appliquant cette verticalité politique qui lui sied tant, selon laquelle tout en Macronie doit procéder du monarque, les fans du président ont remplacé la terne Nathalie Loiseau par leur champion sur les affiches électorales. Reconnaissons le courage de se placer ainsi en première ligne, une bravoure couplée à un narcissisme excessif. Mais il y a urgence, le RN fait la course en tête des sondages et ça panique en Macronie.
En coulisses, les ministres s'inquiètent. Le premier d'entre eux, Edouard Philippe, a confirmé qu'il y aura un remaniement après les élections, plus ou moins important en fonction du score macroniste que les sondages prédisent élevé grâce à l'abstention des classes populaires, mais derrière l'extrême droite. Des parlementaires macronistes anonymes flippent aussi. La campagne "est un désastre" confie un député. "Y a le feu au lac!"dit un autre. Macron a été élu contre le FN en 2017. Qu'il se révèle incapable de juguler la progression de la Bête Immonde, de surcroît sur le sujet qui fait paraît-il son ADN politique - l'Europe - n'est pas seulement cocasse mais aussi terrifiant.
Macron entre donc en scène, trop fort, trop tard, et à coup de gros slogans naïfs, hypocrites ou mensongers.
La porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye instrumentalise à fond ses origines dans sa communication politique: "C’est l'histoire de Fara. Son père est mort à la guerre. Il va réussir ses études à Dakar, puis venir à Paris et rencontrer ma mère. C’est ça l’histoire de l’Europe: la paix, la guerre, la réconciliation. Un rêve fou. C’est pour ça que je voterai
Cela cache mal la xénophobie administrative en vigueur en Europe et qu'a renforcé l'équipe macroniste en France avec sa loi Asile et immigration d'avril 2018. Un mois avant le scrutin, la CIMADE publie une édifiante analyse des travers de l'asile européen, et des persécutions et tracas dont sont victimes les demandeurs d'asile en France: "(1) Le système Dublin mine la solidarité européenne ; (2) il affaiblit les droits de personnes en besoin de protection ; (3) il n’est pas efficace (au sens des autorités et des taux d’expulsion) puisque la balance des « transferts » de personnes entre États est sensiblement équilibrée."
La "Renaissance européenne" macroniste a un goût de cendres. Les réfugiés sont traqués, baladés d'un pays à l'autre, emprisonnés et leur délai de demandes et de recours ont été réduits. Pire, leur accès aux soins est fragilisé en France, dénonce le Défenseur des Droits - " baisse drastique d’avis médicaux favorables au maintien sur le territoire", "mauvaise information" des migrants lors de leurs détention.
Ailleurs, la France assume ses ventes d'armes à l'Arabie Saoudite qui pilonne la population civile du Yémen. La "Renaissance européenne" macroniste a un goût de cadavres. La France et ses alliés (sauf l'Allemagne) aliment les conflits de leurs ventes d'armement. Un navire saoudien termine ainsi cette semaine son périple européen chargé d'armements belges, britanniques, espagnol et bien sûr français, et bafoue donc les obligations des États de l’Union Européenne au regard du Traité sur le commerce des armes, dénonce Amnesty International. En Libye, pays déstabilisé par la France quand Sarkozy craignait que Kadhafi ne dévoile ses financements occultes selon plusieurs enquêteurs, les forces du maréchal Haftar, lequel est soutenu par Macron, abiment par le feu et le sang le processus de paix de l'ONU. Amnesty évoque des possibles crimes de guerre. Dans cette même Libye, la France macroniste a livré des bateaux pour ramener les migrants qu'elle refoule. Et Macron expliquait, il y a un an, qu'il souhaitait y installer des "hotspots" pour filtrer sur les côtes libyennes les migrants. Et préférait taire les abus sexuels et les tortures dans les camps de réfugiés libyens dont la France officielle avait connaissance.
La "Renaissance européenne" macroniste a parfois un goût de cadavres et de cendres.
Un vote en faveur de la liste macroniste dessert l'Europe: primo, il ne sert pas la lutte contre le réchauffement climatique car il ne suffit pas d'afficher beaucoup de propositions écologistes lointaines ou floues à la dernière minute d'une campagne pour faire oublier l'inaction en France et le carcan de la règle des 3% qui empêche d'investir dans la transition écologique à la hauteur des enjeux au niveau européen.
Un vote macroniste n'améliore pas la démocratie européenne: tandis que les insoumis proposent le renforcement des pouvoirs de désignation, de vote et de contrôle du Parlement, les macronistes se contentent d'un silence prudent: la seule proposition concrète dans le programme macroniste, est d'accorder un pouvoir d'initier les lois; pour le reste, ils renvoient à l'organisation d'une "conférence" pour en discuter. Au nom de l'Europe, Macron a également fait voter une loi liberticide contre la presse et les lanceurs d'alerte pour protéger le secret des affaires.
Un vote macroniste n'est pas humaniste car les actes de Macron à l'encontre des migrants, des manifestants, des opposants dans son propre pays démontre au contraire un autoritarisme croissant et inquiétant. En France, le macronisme est autoritaire et (physiquement) violent. Il réorganise la sécurité de l'Elysée contre les hiérarchies policières et de gendarmerie. Il couvre ses barbouzes Benalla et Crasse qui trafiquaient des contrats de sécurité avec des oligarques russes et d'autres en Afrique. Il durcit semaine après semaine le contrôle des manifestants. Le ministre Castaner et Macron sont silencieux sur l'incroyable bilan répressif des 6 mois écoulés - des milliers d'arrestations préventives, des comparutions immédiates malgré des chefs d'accusation parfois inexistants, des mutilations en grand nombre, une énième loi liberticide au nom de la défense de la République (mais de quelle République parle-t-on quand cette dernière a pris tous les oripeaux juridiques des régimes autocratiques ?). Non seulement cherche-t-il à décourager les manifestants, mais il poursuit "en même temps" ses provocations verbales.
Un vote en faveur de la liste macroniste abimera encore davantage le droit social. Aligné sur le slogan sarkozyste "travailler plus pour gagner plus", les macronistes trouveront au Parlement de Bruxelles des alliés de circonstances chez l'extrême droite autrichienne (qui a voté l'allongement à 60 heures par semaine de la durée maximale de travail hebdomadaire en Autriche). La réforme des retraites qui se prépare, avec l'allongement de la durée de cotisation, est un autre coup de canif dans la solidarité nationale au nom des équilibres budgétaires européens.
Un vote en faveur de la liste macroniste est inutile dans la lutte contre l'évasion fiscale - cette évasion qui pénalise les comptes publics des États membres de l'Union, et donc les services publics les plus élémentaires. Qui peut trouver ce Président des ultra-riches crédible dans la lutte contre l'optimisation fiscale des quelques centaines de milliers d'ultra-aisés qui l'ont choisi et fait élire ? Une fraction de ces derniers se sont retrouvé ces jours derniers à Monaco pour le Salon de l’émigration et de la propriété de luxe (Ielpe) s'est tenu les 15 et 16 mai. La Macronie loue l'optimisation fiscale. A Bruxelles, elle soutient l'UE quand cette dernière retire trois paradis - Aruba, la Barbade et les Bermudes, de sa liste noire: "les réformes auxquelles se sont engagés Aruba, la Barbade et les Bermudes ne vont pas les empêcher d’opérer en tant que paradis fiscaux" résume OXFAM.
Un vote en faveur de la liste macroniste abimera encore davantage les services publics: au nom de l'Europe, Macron a accéléré la privatisation du rail en détruisant le statut des cheminot et préparant la fermeture discrète des petites lignes "non rentables" (il n'y a pas de "plan de fermeture" assure le président de la SNCF, mais "le statu quo n'est pas tenable" ajoute-t-il).
"Renaissance européenne", "union des progressistes", ... vraiment ?
Ami(e) macroniste, où en es-tu ?