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The Dead Don’t Die. De l’art de snober le cinéma de genre

Par Balndorn
The Dead Don’t Die. De l’art de snober le cinéma de genre
Résumé : Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l’évènement le plus étrange et dangereux qui allait s’abattre sur Centerville : THE DEAD DON’T DIE – les morts sortent de leurs tombes et s’attaquent sauvagement aux vivants pour s’en nourrir. La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville.  
Fortement attendu à Cannes, le nouveau film de Jim Jarmusch, présenté en ouverture de la sélection officielle, y a pourtant douché les espoirs de quantité de cinéphiles. À présent que j’ai vu The Dead Don’t Die, je comprends mieux les réserves portées à son encontre : rien ne sert de faire un film de genre si c’est pour prendre de haut ce cinéma.
Trop de distanciation tue la distanciation
Pourtant, le bonhomme Jarmusch est un habitué de ce type de cinéma. Parmi les films qui ont assis sa réputation, on compte Down By Law, récit d’évasion, Dead Man, vestige du western, ou encore Ghost Dog, la voie du samouraï, hommage aux films d’arts martiaux asiatiques. Plus récemment, Only Lovers Left Alive s’appropriait la thématique très en vogue des vampires pour en proposer une lecture radicalement autre : nobles, poètes et blasés, les vampires qu’incarnaient Tom Hiddleston et Tilda Swinton donnaient à voir une image décalée mais élégante du genre.On attendait donc de Jarmusch qu’il fasse de même avec les zombies dans The Dead Don’t Die. Décalée, l’image l’est, mais élégante… À mon sens, le problème majeur du film tient dans son projet : sa distanciation trop marquée envers les codes du genre. Loin de moi l’idée de tacler la distanciation, source inépuisable de ressorts comiques (dans le même genre, Bienvenue à Zombieland) ou critiques (ailleurs, Funny Games). Cependant, mal employée, elle confine à l’ennui, pas tant des spectateurs que des personnages, qui à leur tour agacent le public.C’est ce qui arrive dans The Dead Don’t Die. À maintes reprises, les personnages brisent l’illusion cinématographique en référant explicitement à la production même du film. Lorsque l’officier Cliff Robertson (Bill Murray) s’étonne d’avoir déjà entendu la chanson « The Dead Don’t Die », présente au générique quelques minutes plus tôt, son adjoint Ronald Peterson (Adam Driver, déjà vu dans Paterson) lui fait remarquer que c’est le thème du film. La chanson tournera par ailleurs en boucle tout au long du récit, suscitant quantité de réactions et de comique de répétition ad nauseam. Plus tard, un personnage avoue tirer sa connaissance prophétique des événements qui arrivent à la petite ville de Centerville du script, dont il a lu la version complète.Quand ils ne brisent pas le quatrième mur, les personnages s’attaquent aux codes du genre jusqu’à les rendre absurdes. Deux assiégés se plaignent, avec une extraordinaire nonchalance, que les zombies les contournent par la « fameuse porte de derrière ». D’autres vident les dialogues de leur énergie – substantifique moelle du film de zombies bien bourrin – en les réduisant à une mécanique enrayée : ainsi, après la première attaque de zombie, de ces quatre personnages débattant s’il faut l’attribuer à « un animal sauvage ou plusieurs animaux sauvages ».
Du film de zombies à l’Art pour l’Art
En un mot, le double processus de distanciation (vis-à-vis du quatrième mur et des codes du genre) conduit les personnages à un flegme irritant. D’une part, voir à longueur du film des personnages traîner des pieds, peiner à la comprenette et lents à l’expression perd de son efficacité à chaque répétition. Et d’autre part – et c’est là le plus problématique –, en caricaturant jusqu’à l’absurde les codes du film de zombies, Jim Jarmusch tend à réduire le genre à un ensemble de signes formels (les zombies, les résistants, la guerrière au sabre…) maniables à loisir par le cinéaste.Or, ce qui caractérise le cinéma de genre, dont fait partie le film de zombies, est l’articulation de métaphores visuelles (les zombies, les vampires, les extraterrestres, etc…) et de problématiques sociales et politiques. En vidant la métaphore du zombie de sa signification politique – intensément exploitée depuis Georges Romero et La Nuit des morts-vivants –, Jarmusch enferme le genre dans un pur divertissement esthétique, une sorte d’Art pour l’Art sans vision sociale, sinon le ton snob d’un artiste-maître qui manipule comme des marionnettes personnages et spectateurs.
The Dead Don’t Die. De l’art de snober le cinéma de genre
The Dead Don’t Die, Jim Jarmusch, 2019, 1h43
Maxime
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