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Les "morts utiles" de Macron - 633ème semaine politique

Publié le 29 juin 2019 par Juan

Il fait chaud en France, épisode caniculaire qui frappe jusqu'à 45 degrés ou plus. Pour le  gouvernement, c'est carrément une aubaine, l'occasion d'effacer les mauvaises polémiques sur l'affaire Benalla, les Gilets Jaunes, les violences policières, les sanctions contre les chômeurs, la grève des urgences, ou la privatisation d'ADP.


Edouard Philippe fait fermer 4000 écoles. Elisabeth Borne, ministre des Transports, invite les Français à "décaler leurs déplacements." Le ministre de l'agriculture promet d'interdire le transport des animaux à cause de la chaleur. Le ministre Blanquer fait reporter les épreuves du Brevet des Collège. Et la ministre de la Santé a encore le lapsus fâcheux:
"Ma priorité, c'est qu'il n'y ait pas de morts inutiles."
Pauvre Madame Buzyn... Sa carrière ministérielle est entachée de bourdes de classe et autres saloperies bourgeoises. La canicule permet d'oublier que des centaines d'infirmier(e)s sont en grève depuis trois mois pour réclamer quelques moyens supplémentaires à la hauteur de leurs missions. Alors le gouvernement met les gaz. Les médias adorent. La météo est le thème le plus con-venu, le plus programme le plus regardé, le sujet le plus commenté par chacun et chacune. Alors le clan macroniste en fait des tonnes sur les ondes.
"Je crois que l'intensité du phénomène que nous constatons depuis hier, pour la journée d'aujourd'hui et de demain, montre qu'il n'y avait pas de sur-réaction." Edouard Philippe, 27 juin 2019.


Loin des yeux, le jeune Gabriel Attal crame 1,5 milliard d'euros par an pour forcer les futures générations de lycéens à porter l'uniforme et saluer le drapeau, tandis que l’Éducation nationale supprime des postes par milliers, et l’hôpital public des lits par milliers.  
Loin des yeux, on apprend que le soir de la Fête de la Musique à Nantes, la police a dispersé à la grenade de désencerclement des jeunes fêtards trop bruyants.  "Réponse proportionnelle" justifient les autorités quand on découvre que 14 des fêtards sont tombés dans le fleuve voisin, L'un d'entre eux a disparu. A Paris, samedi 29 juin, un appel à manifester contre les violences policières (804 cas recensés depuis novembre et près de 14 000 arrestations préventives !) rassemble quelques milliers de personnes.
 
Loin des yeux, le gouvernement travaille à une instruction interministérielle pour imposer aux services d'urgence du 115 de communiquer aux autorités des informations sur les migrants qu'ils secourent. D'après le Monde, les services du 115 devront « communiquer mensuellement à l’OFII la liste des personnes hébergées dans un dispositif d’hébergement d’urgence », qu’il s’agisse de demandeurs d’asile ou de réfugiés. Quand la France imposait-elle aux organismes de santé et de secours de dénoncer des réfugiés ? Sous l'Occupation nazie.
Loin des yeux, le monarque a demandé à ses ministres d'accélérer la purge des hautes têtes de l'administration publique: "personne ne part en vacances si on n'a pas procéder au mouvement à la tête des administrations" a-t-il déclaré en Conseil des ministres, selon le Canard Enchainé. D'ailleurs, la succession de la magistrate qui dirige le Parquet national financier (PNF) inquiète nombre de juges. Après la désignation par Macron lui-même de l’actuel procureur de Paris, Rémy Heitz, le remplacement de celle qui chapeaute les enquêtes en cours sur l'affaire Benalla ou les compromissions du secrétaire général de l’Élysée Kohler peut susciter quelques remous.
Loin de ses ministres, le vieux-jeune monarque est en visite au Japon, pour un sommet du G7. Ce voyage diplomatique est une belle diversion. Il éloigne le monarque de l'Europe où il a fini par être la risée de la presse européenne. Par son arrogance, le jeune monarque a cassé l'axe franco-allemand, se plaint le chef des députés CDU/CSU au Parlement européen.

Ce déplacement de Jupiter au Japon est aussi l'occasion évitable de lire des commentaires parfois lénifiants d'une presse aux ordres : "les deux Premières dames ont même participé à un atelier consacré à la culture japonaise du bonsaï. Toutes deux sont apparues très complices." (Paris Match) "Ultra-lookée, elle éclipse son mari au Japon" (Public); "Brigitte Macron passe à l'action" (Paris Match)...
Ou de découvrir quelques menus détails du luxe présidentiel qui entoure ce jeune et déjà si vieux monarque. Ainsi apprend-t-on que Macron voyage avec de la vaisselle élyséenne. Après la séquence pompidolienne, Macron rejoue à de Gaulle. Il hausse le ton contre Vladimir Poutine, mais à distance (pas fou, le jeune garçon!) quand ce dernier déclare au Financial Times que le "progressisme" qu'il assimile au libéralisme (sic!) a vécu. Poutine a cette formule odieuse: "Le libéralisme présuppose que rien ne doit être fait. Les migrants ont le droit de tuer, de piller et de violer en toute impunité parce que leurs droits, en tant que migrants, doivent être protégés. C'est quoi, ces droits ? Tout délit doit être puni". Macron réplique, il fait part de son "désaccord irréductible". Au passage, il développe un curieux concept, les "démocraties illibérales" (?): "Les démocraties illibérales ou les régimes illibéraux peuvent donner le sentiment d'être plus efficaces que les démocraties libérales à certains moments, ils peuvent l'être parce qu'ils ont beaucoup plus de marge de manœuvre".
Cet entretien de l'autocrate russe tombe à pic . Qui a oublié que Jupiter a reçu en grandes pompes au Château de Versailles ? Macron célèbre la générosité des démocraties libérales. Qui a oublié la répression anti-migrants qu'il a mise en œuvre en France ? A Paris, la CIMADE s'inquiète des suicides dans les centres de rétention.

Au Japon, les 7 principales puissances du globe font leur cirque. Macron "riposte sur le climat". En France, son inaction est coupable. Le Haut Conseil pour le Climat publie son premier rapport, son premier bilan est détestable de pessimisme. Il couvre 2015-2018, la fin Hollande et le début de Macron, double échec, double misère: la France est à la traine de tous ses objectifs de dépollution, réduction des émissions de gaz à effet de serre et transition écologique: 
  • le plafond d’émission de gaz à effet de serre n’a pas été respecté;
  • la réduction même des émissions de gaz à effet de serre est deux fois trop lente;
  • l’électrification des véhicules est en retard;
  • le report  des automobilistes vers les trains, le vélo ou la marche, sur la période 2015-2018 a été nul.

Mais il y a pire. 
Pendant que le jeune monarque fait le pitre sur les estrades du G7 au Japon, ses godillots adoptent en première lecture une loi sur l'énergie et le climat qui a été vidée de toute substance par plusieurs amendements portés par les macronistes - députés ou gouvernement. Les progrès apportés par cette loi sont ultra-minces, voire négligeables: primo, les préfets pourront déroger aux règlements des plans de prévention technologique pour autoriser des projets de production d'énergie renouvelable (article 4); secundo, l’État se dote de nouveaux "nouveaux outils pour lutter contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie" (article 5); tertio, le gouvernement créé son Haut Conseil pour le Climat (super ! On est sauvé !).
Pour le reste, l'enfumage est total, le texte est un gadget politique pour pouvoir disposer d'une preuve votée sur le sujet.
  1. Cette loi acte le report de 10 ans (!!) de l'objectif de baisse de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % (2035, au lieu de 2025). Elle reporte d'ailleurs les principaux objectifs de transition écologique adoptés sous François Hollande, en "proposant une révision des objectifs associée à des trajectoires crédibles." (article 1). Plutôt que d'agir, changeons de thermomètre !
  2. Cette loi trahit la promesse de Macron de fermer les 4 centrales à charbon encore en activité (qui émettent autant de gaz à effet de serre que 4 millions de voitures individuelles chaque année!), en se contentant de confier à une autorité le soin de fixer un "plafond d’émissions applicable, à compter du 1er janvier 2022"... sans commentaire: "Je sais que le réalisme n’est pas toujours ce qu’il y a de plus facile à défendre, mais encore une fois, ma responsabilité est de garantir notre approvisionnement en électricité, en dépit des aléas inévitables et dans un laps de temps très court" justifie le ministre François de Rugy, qui n'est plus à une couleuvre près.
  3. L'interdiction de location des logements "passoires thermiques" à compter de 2025 a été été également abandonnée. Sept millions de logements sont concernés.
  4. Les subventions et garanties à l'export continueront d'être accordées à des projets liés aux énergies fossiles à l’étranger car "une telle interdiction générale pour toutes les énergies fossiles ne parviendrait pas nécessairement à atteindre le but de diminuer la production d’énergies fossiles tout en nuisant gravement à la compétitivité des entreprises" a expliqué le gouvernement.
Cette loi baptisée "urgence climatique et écologique" ne porte qu'une urgence: satisfaire rapidement les lobbies qui s'opposent à toute contrainte au nom de la lutte contre le réchauffement climatique.
François de Rugy a beau jeu de déclarer "l'accélération écologique", il signe aussi de sa propre main un permis exclusif pour la carrière de calcaire cimentier de Brueil-en-Vexin: une extraction gigantesque de calcaire, autorisée pour 10 ans en plein parc naturel, pas loin de  Paris. Au nom d'un "réalisme" aussi futile que criminel, ces gens-là gâchent jour après jour les quelques années qui nous séparent de l'irréversible. A Perpignan, la ligne de transport ferroviaire pour les primeurs sera fermée au profit du transport routier, et l’État se tait.
"On a évité de reculer" Emmanuel Macron à propos de la lutte contre le réchauffement climatique au sein du G7...

Macron s'agite au Japon, mais en Europe, la Commission conclut l'accord de libre-échange avec le MERCOSUR  (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) dans le dos du Parlement nouvellement élu. Quel bel accord avec le Brésil dirigé par le néeo-fasciste Bolsonaro, et ses projets de déforestation en Amazonie. Cet accord prévoit notamment une réduction des tarifs douaniers sur les exportations européennes de voitures et de chimie (ah l'écologie... quand tu nous tiens...). La Commission s'abrite derrière l'engagement des parties à respecter les accords de Paris sur le climat, des accords que même la France ne respecte pas (sic!).
***
Tandis que Jupiter voyage, les votes pour l'organisation d'un référendum sur la privatisation d'ADP. progressent. Il parait que Macron envisage de reculer.

Ami macroniste, où te situes-tu ?


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