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Parasite. En finir avec le misérabilisme

Par Balndorn
Parasite. En finir avec le misérabilisme
Résumé : Toute la famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne...
Que Parasite obtienne la Palme d’Or à Cannes n’étonnera personne. Quand un film parvient à ce point à faire de sa fable le vecteur de dénonciation des inégalités sans verser dans le misérabilisme, on ne peut qu’applaudir.
Un parasitisme à double sens
Qui parasite qui ? Le titre du dernier Bong Joon-ho est à double sens. D’un côté, il renvoie à l’envahissement progressif de la demeure des richissimes Park par la famille de Ki-taek : d’abord le fils (Choi Woo-sik, vu dans Okjaet Dernier train pour Busan), puis la fille (Park So-dam), le père Ki-taek (Song Kang-ho, habitué du réalisateur depuis Memories of Murder), et enfin la mère (Chang Hyae-jin). Ce faisant, aussi machiavélique soit la famille, elle sort du cliché misérabiliste – quand ce n’est pas le mythe de « l’assistanat » – auquel on réduit trop souvent les classes populaires. En dépit de leur habitat plus que précaire (un entresol infesté d’insectes, facilement inondable et devant lequel pissent tous les ivrognes de Séoul), les Kim rivalisent d’ingéniosité dans la débrouille du quotidien. Ils redeviennent ainsi – pour un temps – des sujets acteurs de leur propre destin, à la manière, dans un autre registre, de la famille Klur, qui, aidée de François Ruffin, dupa Carrefour dans Merci Patron !.Mais de l’autre côté, que représente le parasitisme des Ki-taek au regard du parasitisme des Park ? Ce qui les distingue, c’est leur classe sociale. Les tromperies des Ki-taek les assimilent aux cafards parmi lesquels ils vivent ; celles dont les Park abusent pour s’épargner des corvées domestiques, organiser des événements où se donner en spectacle, vivre reclus du monde, on les appelle « création d’emplois », « ruissellement des richesses » et autres fadaises libérales. À ce titre, la première apparition de Mme Park (Cho Yeo-jeong) est des plus parlantes : la tête posée entre les bras, assise à la table de son jardin, elle dort, pendant que s’active pour elle sa gouvernante (Lee Jeong-eun). Qui parasite qui ?
Les leçons américaines
Aussi bonne soit-elle, pareille fable a besoin d’une solide mise en scène. Et en la matière, on mesure tout ce que Bong Joon-ho a retiré de son séjour américain (Snowpiercer, Okja). On retrouve bien le style de The Hostdans sa manière de dissimuler l’information et d’affectionner les recoins sombres. On retrouve aussi le goût du réalisateur pour les renversements de perspective et les twists, comme avec Memories of Murder. Néanmoins, la principale innovation qu’il a rapportée des États-Unis réside dans la narration. Elliptique, progressant en bonds burlesques lors de l’ascension des Ki-taek, elle a une efficacité folle. Quand on compare la linéarité et l’homogénéité de ce récit avec ses premières productions coréennes – les blagues scatophiles de Memories of Murder, les gémissements grotesques de The Host –, on voit ce qu’a gagné la narration. Et ce qu’elle a perdu. Un camarade cinéphile me faisait remarquer qu’en dépit de leur mauvais goût, les farces qui émaillaient les premières œuvres de Bong Joon-ho le rattachaient au style sud-coréen de mélanger les genres et les tons. Il est vrai que les courses-poursuites avec des flics pris de diarrhée ne me faisaient pas rire du tout, mais au moins elles avaient le mérite de rendre humains les personnages. En allant en Amérique, le cinéaste a affiné ses techniques du récit et son sens de la mise en scène ; au détriment, peut-être, d’une créativité formelle.
Parasite. En finir avec le misérabilisme
Parasite,Bong Joon-ho, 2019, 2h12
Maxime
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