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Max | Je me souviens

Publié le 04 juillet 2019 par Aragon

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« Je me souviens », souvenirs datant d’entre 1953 et 2019, Perec m’en a donné le goût et l’envie, je me suis dit pourquoi-pas moi ? J’ai essayé... je vais vous les livrer en 10 X 48...
Si vous voulez, je vous invite à mettre en route une zik d’Erik Satie (Gymnopédies par exemple) pour la juxtaposer au texte pendant que vous lirez ces « Je me souviens » Satie colle mieux qu’Uhu et que quoi et qui que ce soit, je le pense, à mes (des) bribes de souvenirs…
1/
je me souviens parfaitement bien de la neige profonde, douce, si blanche, adorée, des hivers de ma petite enfance en Schwarzwald, à Baden-Baden, en 1953, 1954, 1955…
2/
je me souviens n’avoir jamais, mais vraiment jamais, aimé l’école
3/
je me souviens n’avoir jamais, mais vraiment jamais, aimé le catéchisme
4/
je me souviens avoir adoré chanter des cantiques à l’église, enfant
5/
je me souviens du cri (en VF) de Rusty qui lançait son redoutable toutou à l’attaque en braillant : « Youhouuuuu Rintintin », ceci à la télé noir et blanc des années cinquante et me souviens - off course - du générique de cette série ; ah ! Le lieutenant Rip Masters, impérial, comme un César sur son canasson, ce défilé des tuniques bleues du 101ème Cavalry…
6/
je me souviens de la « mire » à la télé, mise par la chaîne quand ça buguait, on passait donc le temps avec la mire en attendant la fin de la panne d’image (ce qui arrivait assez souvent), ou mise encore avant le démarrage des programmes la mire était là et on la mirait bêtement en attendant que la magie opère, que l’image vivante arrive dans la maison
7/
je me souviens du petit train d’Interlude à la télé, avec son rébus
8/
je me souviens du générique et de la musique spéciale annonçant les dessins animés à la télé avant 1960, les trilles d’un espèce de sifflet très rapide
9/
je me souviens de Bélphégor, le feuilleton à la télé, on ne disait pas encore série, oh… ce masque… Oh ! La trouille !
10/
je me souviens de Valentin l’homme-oiseau
11/
je me souviens de Charles Rigoulot l’homme le plus fort du monde, découvert dans « l’Illustration », je pensais toujours dans ma tête d’enfant « Rigolo »
12/
je me souviens du play-boy capitaine Troy et de son bateau-goélette le « Tiki », du générique, Tahiti, les îles de Polynésie… fabuleux ce feuilleton « Aventures dans les Îles », années cinquante
13/
je me souviens de la chienne soviétique « Laïka » qui voyage à jamais dans l’espace
14/
je me souviens du beau visage fragile de Yuri Gagarine le premier homme dans l'espace
15/
je me souviens de Franz Reichelt un autre homme qui se voulait oiseau (cf 10) mais qui s’écrasa directement et j’oserai dire lamentablement au pied de la tour Eiffel
16/
je me souviens de « l’Illustration » et du « Crapouillot » il y a avait des pépites dans ces feuilles de choux
17/
je me souviens de Geneviève me faisant découvrir son village « Avajan », auquel je trouvais dans le nom une consonance/raisonnance amérindienne et la vallée du Louron, la plus belle vallée des Pyrénées
18/
je me souviens du générique, d’« Ivanhoé », du casque à plumes incroyable arboré par Roger Moore, mais que l’on ne voyait, hélas, que dans le générique, c’était quand ? Fin années cinquante, oui… qu’est-ce qu’on a pu jouer aux chevaliers, à Ivanhoé avec les potes, ouah… je vois ça encore... les casques et les boucliers faits avec des cartons, les épées en bois, les chevaux imaginaires, nous galopions à cheval et pourtant à pied, innocents et heureux, à la façon (hilarante) des Monty Python dans « Sacré Graal »
19/
je me souviens du générique de « Zorro » et de sa chanson que je connaissais par coeur comme des millions de français, connue encore aujourd’hui en 2019 et c’était pourtant il y a plus d’un demi-siècle… un cavalier qui surgit de la nuit / court vers l’aventure au galop / son nom il le signe à la pointe de l’épée / d’un Z qui veut dire Zorro….
20/
je me souviens des Shadoks à la télé, j’en étais fou, c’était révolutionnaire, innovant, renversant, enfin de la folie dans une époque gaullienne morne, glauque et empesée
21/
je me souviens de l’arrivée de Meaulnes chez les Seurel dans l’éternel roman d’Henri-Alban Alain Fournier
22/
je me souviens du bouquin des « Indiens d’Amérique » de Georges Catlin, édition originale de 1876 que je possède, il me suivra toujours
23/
je me souviens de la bataille de Little Big Horn le dimanche 25 juin 1876 gagnée par les indiens, je n’y étais pas mais c’est tout comme, commencée à 15h30 c’était plié trois heures plus tard, il n’y eût qu’un cheval prénommé « Comanche » qui survécut à la bataille côté « soldats bleus » ; les indiens, seuls, avec le viêt-công à avoir vaincu l’armée étasunienne
24/
je me souviens de « Jeremiah Johnson » film de Pollack, certains disent qu’il est mort, d’autres qu’il ne mourra jamais, c’est absolument vrai
25/
je me souviens de Ferré et Charlebois ensemble en concert à Dijon en 1972, tournée RTL
26/
je me souviens de Hin-mah-too-yah-lat-kekht / le majestueux orage tonnant et grondant avançant sur la haute montagne, la plus élevée, chef de la tribu Nez-percés, stupidement nommé chef Joseph par les blancs
27/
je me souviens d’Étienne Brûlé, né en 1592, personne ne sait quand, ou s’il est mort, découvreur, coureur des bois, homme libre en Nouvelle-France
28/
je me souviens avoir été inconsolable lisant et voyant le dessin de la mort de Louis Joseph de Montcalm-Gozon, marquis de Saint-Véran (dit de Montcalm), à Québec le jeudi 13 septembre 1759 à cinq heures du matin, sur mon livre d’histoire à l’école primaire
29/
je me souviens, éploré, comme si je l’avais vécue, la perte de la Nouvelle-France
30/
je me souviens, éploré, d’Évangéline, de l’Acadie et du Grand Dérangement, 1755
31/
je me souviens des cajuns que je considère toujours comme des frangins
32/
je me souviens des chants cajuns, d’Alex Broussard en particulier et de son année « 1957 et l’hurricane », « Dedans le Sud de la Louisiane » et de la « Valse de Nero »
33/
je me souviens de la musique cajun, elle est inscrite définitivement en moi
34/
je me souviens de ma rencontre en solitaire avec Robert Charlebois, dans la jungle volcanique de Guadeloupe en 1976, il était en costard blanc avec des palmes de plongée aux pieds, il sortait comme moi de buissons épais et nous nous sommes retrouvés face à face, assez surréaliste comme scène je dois dire… il m’a expliqué qu’il tournait un « scopitone » sur sa chanson « Frog song», mais il était tout seul… Où était l’équipe de tournage ? Je ne lui ai pas demandé ; on a parlé chanson, je lui ai parlé de mon « choc » en ayant entendu « Lindbergh » la première fois, lui ai dit que je l’avais entendu à Dijon où il chantait avec Léo Ferré, on a parlé du Québec, il m’a invité à venir le voir à la salle Wilfrid Pelletier où il devait passer dans quelques mois, ceci a duré un très très long moment, délicieux placotage assis sur un rocher et nous sommes retournés chacun à nos buissons pour rentrer chacun chez soi
35/
je me souviens de l’enterrement de Charles de Gaulle, j’y étais, j’accompagnais les Compagnons de la Libération, l’autorité militaire avait choisi le plus jeune et le plus ancien sous-officier de la Région Militaire, c’était moi le jeune et l’ancien c’était Saturnin Griffith, un adjudant-chef guyanais, gaulliste, qui avait fait la seconde guerre mondiale, bardé de médailles, qui subissait néanmoins des « moqueries racistement discrètes » de la part de ses congénères du même grade, mais il ne se démontait pas, faisait souvent preuve de beaucoup d’humour, un jour par exemple il a dit à un de ses collègues adjudant-chef qui le titillait, changeant brusquement de tête, exagérant un roulement terrible de ses yeux et avec un claquement de sa lippe «  Fais gaffe de pas trop me pousser car mon grand-père a bouffé le tien », les obsèques du Général c’était le jeudi 12 novembre 1970 à Colombey-les-Deux-Églises (Haute-Marne), il faisait très froid et sombre
36/
je me souviens de ma rencontre avec Yves Berger, écrivain, directeur littéraire chez Grasset, prix Fémina 1962 avec « le Sud » de sa gentillesse et son amitié
37/
je me souviens de l’émotion d’Yves Berger, qui m’en avait parlé (de son émotion) à la suite du courrier que je lui avais envoyé après la parution de son « Fou d’Amérique » qui m’avait transporté, ébloui, émerveillé en 1976, lettre qu’il avait demandé à sa femme de ranger et conserver précieusement
38/
je me souviens de ma rencontre avec Robert Sabatier (1923/2012), membre de l’Académie Goncourt, il m’avait demandé d’être fier du nom de mon village « Amou », de la chance que j’avais d’habiter un petit village comme lui à Saugues, autrefois
39/
je me souviens de l’explorateur Raymond Maufrais (1926/1950?) et de son admirable père Edgar, j’aurais donné ma vie pour aller le rechercher dans les monts imaginaires du Tumac-Humac en Amazonie dont il n’est jamais revenu
40/
je me souviens de Maître Yvon qui soufflait dans son biniou dans le poème d’Hugo « Choses du soir », sens sa présence encore, l’entend encore
41/
je me souviens de François Villon, sa façon de dire « Frères humains... » de s’adresser ainsi à toute l’humanité
42/
je me souviens de Gauguin qui a tout largué pour chercher l’introuvable
43/
je me souviens de Sabine Sicaud petite poétesse des fées, des oiseaux et des champignons, vraie ange, morte à 15 ans, qui a tant souffert la pauvrette… « Faites-moi donc mourir, comme on est foudroyé / D'un seul coup de couteau, d'un coup de poing / Ou d'un de ces poisons de fakir, vert et or... »

44/
je me souviens de Jean Sagne mon ami guérisseur de Poussignac, mort à 101 ans en 2002, sa bonne humeur, son sourire, ses blagues de potache, son extraordinaire recette personnelle de soupe à l’oignon et la bouteille d’un mélange vin de Buzet « Baron d’Ardeuil » & sucre & Quintonine qui donne bonne mine toujours à portée de main dans son grand buffet...
45/
je me souviens de Yuri Vlasov (URSS) et de Louis Cyr (Québec) hommes les plus forts du monde (deux autres « plus fort du monde » avec Charles Rigoulot cité en (11)
46/
je me souviens de l’histoire magique, époustouflante et tragique d’Alexis Lapointe le Trotteur du Nord, l’homme-cheval du Québec
47/
je me souviens de Félix Leclerc en l’île d’Orléans, du tour de l’île
48/
je me souviens des chansons « Ordinaire » et « Lindbergh », tsunamis qui m’ont dévasté positivement, transformé, ébloui
à suivre...


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