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Du préjugé au racisme. Quelques pistes pour mieux réfléchir

Publié le 13 juillet 2019 par Les Lettres Françaises

Les généticiens et les biologistes ont beau marteler depuis des décennies qu’il n’existe pas différentes races d’homme mais une seule, celle de l’homo sapiens, la survivance du racisme est indéniable et notamment dans les sociétés qui font profession de foi d’antiracisme. Certes, le racisme a mauvaise presse au point qu’on puisse parler de « racisme sans racistes » selon l’expression d’Étienne Balibar, mais il s’affiche de manière insidieuse dans les comportements du quotidien voire parfois, avec des pincettes et quelques précautions d’usage, dans le discours politique et les débats intellectuels.

Pour traiter ce paradoxe, une anthropologue spécialiste de génétique, Évélyne Heyer et une historienne, Carole Reynaud-Paligot, cosignent un ouvrage commun qui emprunte donc aux sciences exactes mais aussi aux sciences sociales : « On vient vraiment tous d’Afrique ? ». À partir des conclusions récentes de la génétique et du séquençage de l’ADN humaine, elles rappellent que deux êtres humains partagent 99,9 % de leur séquence ADN. Il y a ainsi trois fois moins de différences génétiques entre deux humains qu’entre deux orangs-outans de l’Île de Bornéo ! Cela fait de l’homme une des espèces les plus homogènes du règne animal et notamment parmi les primates. Or, au sein de notre espèce, un accent semble particulièrement mis sur ce qui sépare les hommes, – même si cela est minime –, plutôt que sur ce qui les unit.

Le cœur de ce petit ouvrage veille à élucider ce problème, que l’on peut reformuler ainsi : « Pourquoi la propension de la psyché humaine à classer les choses à dessein cognitif, débouche-t-elle sur une catégorisation hiérarchisante et essentialisante entre différents groupes humains ? » Il ne s’agit pas forcément du racisme biologique d’un Lothrop Stoddard ou d’un Houston Chamberlain, mais de toute forme de catégorisation prêtant une essence éternelle et négative à différents groupes humains qu’ils soient ethniques, nationaux ou religieux.

Les auteures objectent que le racisme n’a pas toujours été dominant et que l’homme a sans doute pratiqué plus fréquemment le mélange (par l’union et les mariages) que la séparation et la hiérarchisation. Puis elles pointent deux facteurs récents expliquant l’efflorescence du racisme à partir du XIXe siècle : le colonialisme dominateur et le nationalisme centralisateur. Les deux peuvent parfois se succéder d’ailleurs : ainsi le racisme anti-Tutsi ayant débouché sur le génocide 1994 au Rwanda a succédé à une séparation entre les deux ethnies qu’avait organisée le colonisateur belge.

D’autres pistes sont par ailleurs explorées : ainsi dans le contexte scolaire où les élèves s’auto-identifient par différenciation catégorielle, mais aussi dans les services publics notamment dans le logement social où la tentation est forte de gérer le traitement des dossiers selon le profil ethnique des familles. La question du prétendu « racisme anti-blanc » est aussi abordée de manière concise mais néanmoins précise.

À la fois bilan de recherches personnelles ou d’autres auteurs, mais aussi piste de réflexion stimulante, « On vient vraiment tous d’Afrique ? » s’avère beaucoup plus riche et d’intérêt que son petit format pourrait le suggérer. Un livre à conseiller donc.

Baptiste Eychart

Évelyne Heyer & Carole Reynaud Paligot 
« On vient vraiment tous d’Afrique ? »
Des préjugés au racisme : les réponses à vos questions.
Champs actuel – Flammarion, 144 pages, 7 €

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