Magazine France
Réflexion une (15 juillet 2008)
La sécurité sociale française - Pourquoi cette absence d'encouragement à l'adoption d'un comportement vertueux de la part des usagers ?
Il me semble indispensable de réagir à l'évolution du régime de sécurité sociale français, en liaison avec les multiples réformes lancées ces dernières années (et notamment récemment). Que faut-il en penser ? Quels ont été les résultats des dernières réformes engagées ?
Les pistes de réforme de la sécurité sociale française occupent des rapports entiers de divers organismes de suivi et de contrôle. Il n'entre pas dans mes prétentions ni de faire le tour de ce problème dans ce blog, ni de présenter des solutions miracles que je serais le seul à pouvoir découvrir, ni même de cerner un tel problème ... Je n'ai pour seule aspiration que de me poser quelques questions, de présenter quelques réflexions.
Si l'on fait le tour des dernières réformes de la sécurité sociale française, on se rappelle la mise en place avortée d'un carnet individuel personnel ... la majoration du ticket modérateur de 5% à 10% ... les déremboursements croissants de nombreux médicaments ... l'instauration d'une franchise de 1 euro sur les visites auprès de médecins ... la mise en place du médecin traitant ... le remplacement quasi obligatoire des médicaments par leurs génériques, moins coûteux ... l'instauration récente d'une franchise de 50 cents sur chaque médicament ... l'instauration d'un forfait d'hospitalisation ... et maintenant les réformes envisagées des longues maladies et du remboursement des frais d'optique.
Chacune de ses réformes récentes présentent un certain nombre de travers ...
1. Il faut d'abord souligner la place croissante laissée aux mutuelles complémentaires, sans lesquelles aujourd'hui aucun français ne peut s'estimer convenablement remboursé. Cette situation est contraire au principe initial d'une couverture publique de la maladie posé en 1945 lors de la création de la sécurité sociale ... Sans mutuelle, comment se rendre chez un médecin, se faire prescrire une paire de lunettes, se faire poser une simple couronne (même la plus simple) chez un dentiste, se faire soigner les dents ... Ces mutuelles rendent-elles pour autant des services intéressants à leurs clients ? Chères, remboursements insuffisants, forfaits, franchises, tickets modérateurs pratiquement jamais remboursés ... Pourquoi a-t-on encore une mutuelle ? Pour être couvert en cas de gros pépin de santé ?
2. Inutile de revenir sur la première mise en place du carnet individuel personnel, rarement utilisé mais dont le coût n'était certainement pas nul. Cette réforme trouve sa continuation dans le dossier personnel informatisé qui demeure dans les tuyaus du gouvernement et de la sécurité sociale.
3. La première réforme au début des années 1990 a consisté à augmenter le ticket modérateur laissé à la charge du malade sur les consultations de médecin et sur les médicaments, pour le faire passer de 5% à 10% du coût total. Ticket modérateur qui est souvent demeuré à la charge des malades, car non pris en compte par les mutuelles ...
4. Puis il y a de manière croissante au cours des dernières années des déremboursements de médicaments, d'abord sous la forme de diminution du taux de remboursement, de 65% jusqu'à 35% ... puis désormais sous la forme d'une absence totale de remboursement par la sécurité sociale, et par voie de conséquence par les mutuelles (qui n'interviennent qu'en complément de la sécurité sociale) ... Pour donner une légitimité à ces déremboursements croissants, la sécurité sociale a inventé le concept de 'service médical rendu insuffisant'. Le plus amusant dans cette histoire, c'est que les médecins continuent de prescrire ces mêmes médicaments apparemment inutiles (certaines ordonnances ne contiennent parfois que de tels médicaments ... mais il faudrait peut-être parler de placébos ou de médicaments de confort) ... pour certaines affections, il n'existe parfois également aucun autre médicament encore remboursé (comme pour les veino-toniques).
5. Dans de telles conditions, il paraît bien souvent totalement inutile de se rendre chez un médecin, qui de toute façon, ne prescrira pratiquement que des médicaments non remboursés, ou pour lesquels la sécurité sociale prélévera un tel montant de forfaits que cela semble plus simple et plus rapide d'acheter directement des médicaments en pharmacie (ce qui fera en plus des économies à la sécurité sociale). Mais les pharmacies protègent le travail du médecin, en interdisant la distribution de la majorité des médicaments sans prescription médicale (ce qui pourrait signifier qu'il demeure encore des médicaments remboursés, ou que même les médicaments inutiles ne sont pas tous en libre accès) ... Mais pourquoi donc les médecins ne prescrivent-ils souvent pratiquement que des médicaments apparemment inutiles (si l'on en croit la sécurité sociale) ?
6. L'instauration d'une franchise sur les consultations de médecins, puis maintenant sur les prescriptions de médicaments (je m'interroge même sur le fait de savoir si on ne nous prélève pas 50 cents d'euro sur les boîtes de médicaments non remboursés ?) posent le problème de la pénalisation de l'ensemble des malades, même ceux qui ont un comportement vertueux ou économe, et à l'inverse, au contraire favorable pour les malades non vertueux ... En effet, le plafonnement à 20 consultations de médecins par année semble plus viser à obtenir la plus grande rentabilité de cette mesure, plutôt que de toucher plus particulièrement les malades les moins vertueux ...
7. Le choix pratiquement obligatoire d'un médecin traitant avait également pour objectif de limiter les recours intempestifs à des spécialistes ... Mais une nouvelle fois, pourquoi avoir imposé cette obligation à tous les utilisateurs, même les plus vertueux ? Il n'est pas simple d'utiliser un seul et unique médecin généraliste ... C'est trop simple d'imposer de telles restrictions, lorsqu'il est impossible aux salariés d'être leur propre assureur (avec les risques que cela comporte en cas de grave maladie ultérieure) ou de choisir son propre système de sécurité sociale privé (auxquels on apporterait ses cotisations salariales et patronales, avec la possibilité d'obtenir un service de remboursement à la carte) ...
---> Cela ne signifie pas que je suis favorable à une privatisation de la sécurité sociale, qui conduirait à laisser dans le secteur public de sécurité sociale seulement les plus pauvres assurés ... Je veux seulement dire que financer à fonds perdus un système de sécurité sociale qui n'offre aucune qualité de remboursement mais uniquement des contraintes extrêmement élevées est une aberration qui conduira forcément à l'instauration d'une telle privatisation ...
8. La réforme suivante fut d'imposer la prescription de génériques en lieu et place des médicaments originaux ... Simplement, comment s'habituer aux noms des molécules génériques lorsque l'on a passé sa vie à utiliser un médicament avec un certain nom ... Ainsi, je me suis retrouvé à prendre contre le mal des transports aériens un antihistaminique au lieu d'un anti-nausée (primperan) en m'étant trompé sur le nom des molécules que je ne connaissais absolument pas ... Problème, je ne veux pas être considéré comme non vertueux ... Mais je ne peux prendre l'avion sans primpéran, mais il m'est également impossible de me le faire prescrire sans ordonnance dans une pharmacie, même en le payant sans remboursement ... (et au moins, je suis sûr du résultat du primpéran ... pour répondre par avance à ceux qui me proposeraient un autre médicament plus facile à obtenir) ... Depuis ce jour (une dizaine d'heures à avoir des suées froides et à combattre la nausée), j'ai voué une haine féroce aux médicaments génériques, sur lesquels les pharmaciens n'indiquent presque jamais le nom du médicament original ... Mais comme aujourd'hui les horribles malades qui refusent les génériques sont de plus en plus ostracisés (obligation désormais de se faire rembourser eux-même par la sécurité sociale ... bien que vu ce qu'elle rembourse ... cela ne va plus loin) ...
---> Autre aberration de cette politique d'usage des génériques, la sécurité sociale française risque de nous imposer de plus en plus d'utiliser des génériques produits par des laboratoires génériqueurs étrangers (Inde, Brésil, Afrique du Sud) au lieu d'utiliser des médicaments originaux produits par des laboratoires français.
9. Enfin, les projets actuels concernant les longues maladies ... Evidemment, tout ce que j'ai pu dire jusqu'à présent sur les comportements vertueux ou non vertueux demandent de pouvoir différencier les raisons des usages importants de la Sécurité sociale ... Et notamment les personnes gravement malades ... Maladies lourdes tels que cancers, sida, etc ... Mais les longues maladies doivent-elles considérées toutes de la même manière par la Sécurité sociale ? Et bénéficier de remboursements à 100% ?
Voilà un premier lot de critiques sur la sécurité sociale française ... Même s'il ne faut pas oublier que de nombreux peuples, dont les américains ou les anglais, nous envient notre système de santé publique ... Signe qu'elle pourrait encore être pire !
Saucratès