Après mon article sur le Libra, cryptomonnaie que Facebook souhaite créer avec 27 entreprises partenaires, je reviens sur les taux d'intérêt au sein de la zone euro. En effet, dans son allocution de départ de la Banque centrale européenne (BCE), Mario Draghi a laissé entendre qu'il y aurait une nouvelle baisse des taux directeurs de l'institution couplée à des mesures non-conventionnelles. J'avais déjà écrit sur les taux d'intérêt très bas au sein de la zone euro, mais il m'a semblé utile d'y revenir pour comprendre l’objectif réellement poursuivi par la BCE.
Les taux directeurs de la BCE
Contrairement à la Banque centrale américaine (Fed), la BCE a fait le choix de laisser depuis mars 2016 son principal taux directeur à zéro, le taux du prêt marginal à 0,25 % et le taux de dépôt à -0,40 % :
[ Source : Banque de France ]
Un taux de dépôt à -0,40 % signifie que les banques commerciales se font taxer lorsqu'elles déposent des fonds inutilisés à la BCE... Ainsi, après avoir distribué la monnaie centrale à taux 0 et taxé les dépôts sur ses comptes depuis 3 ans, la BCE laisse explicitement entendre qu'elle pourrait encore assouplir sa politique monétaire ! Mais y a-t-il vraiment le feu au lac dans la zone euro ?
La situation macroéconomique de la zone euro
Objectivement, la situation macroéconomique de la zone euro est loin d'être catastrophique à ce stade, du moins elle ne justifie en rien des taux d'intérêt aussi bas voire carrément négatifs sur les emprunts d'États à 10 ans (ci-dessous l'exemple de la France) :
[ Source : Banque de France ]
En effet, nous voyons que :
* la zone euro n'est pas en récession pour l'instant :
[ Source : Eurostat ]
* le taux de chômage est en baisse, même si cela ne dit rien de la qualité de l'emploi
[ Source : Eurostat ]
* la zone euro ne fait pas face à un risque déflationniste avéré, même si la cible des 2 % visée par la BCE est loin d'être atteinte
[ Source : Eurostat ]
Le véritable objectif de la BCE
Et si au fond, sans le crier sur les toits, la BCE avait d'autres objectifs que celui de maîtriser le taux d'inflation ? N'oublions pas que sans ces taux d'intérêt bas, de nombreux États de la zone euro seraient insolvables... Ce faisant, en s'engageant dans cette voie, Mario Draghi s'est lié les mains, puisqu'une remontée brutale des taux directeurs conduirait à une crise de la dette publique, notamment en Italie. Or, par un mécanisme de contagion bien documenté, la dette publique des autres pays membres serait également attaquée par les spéculateurs, ce qui avait conduit la BCE à créer l'arme nucléaire nommée OMT.
De plus, la crise de 2008-2009 reste présente dans tous les esprits, même si Christine Lagarde en sa qualité de ministre de l'économie en avait nié l'existence en France, spécialité française comme en témoigne les mensonges grossiers sur le nuage de Tchernobyl. En 2009, la chute de la croissance en Europe s'était accompagnée d'une crise bancaire et financière, que les ménages ont bien entendu soldée à leurs frais. Ainsi, la BCE ne souhaite visiblement prendre aucun risque - quitte à inonder encore plus de liquidité des ânes qui n'ont plus soif -, d'autant que les problèmes structurels de la zone euro sont loin d'être réglés.
Mais ne soyons pas dupes, si une crise grave devait se déclencher prochainement, les États, privés de politique budgétaire, seraient dans l'incapacité d'y faire face même avec une politique monétaire ultra-accommodante !