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Grâce à Dieu. Comment libérer la parole ?

Par Balndorn
Grâce à Dieu. Comment libérer la parole ?
Résumé : Alexandre vit à Lyon avec sa femme et ses enfants. Un jour, il découvre par hasard que le prêtre qui a abusé de lui aux scouts officie toujours auprès d’enfants. Il se lance alors dans un combat, très vite rejoint par François et Emmanuel, également victimes du prêtre, pour « libérer leur parole » sur ce qu’ils ont subi.
Mais les répercussions et conséquences de ces aveux ne laisseront personne indemne.

Du sommet de Fourvière, « la colline qui prie » (Victor Hugo), le cardinal Barbarin bénit la bonne ville de Lyon. Un geste si bénin ? ou faut-il y voir la puissance toujours aussi vive de l’Église catholique dans la capitale des Gaules ? Délicate question qu’explore le passionnant Grâce à Dieu.
Fourvière : tout un symbole
De mes années lyonnaises (2014 – 2016, au beau milieu de l’affaire Barbarin), je me rappelle la présence constante de la basilique de Fourvière. « Tabouret », « éléphant renversé » : les locaux ne manquent pas de mots pour désigner la verrue construite par la bourgeoisie locale au lendemain de l’éphémère – mais si terrifiante pour les élites – Commune de Lyon en 1871.Depuis la fin du XIXesiècle, on voit l’édifice de n’importe quel point de la ville. Signe manifeste de la puissance que détiennent toujours les notables catholiques d’une ville où l’on célèbre encore le 8 décembre l’Immaculée Conception, à grand renfort de Fête des Lumières.Plus que la pédophilie qui gangrène l’Église, François Ozon s’efforce dans Grâce à Dieu de mettre en lumière la difficulté pour les victimes de se faire entendre des institutions, religieuses comme laïques. Pourtant, les victimes du père Preynat appartiennent pour la plupart aux dominants. Alexandre Guérin (Melvil Poupaud), quadragénaire et banquier fortuné, se rattache à la bourgeoisie catholique lyonnaise ; François Debord (Denis Ménochet), cadre de la classe moyenne, athée, a grandi dans un milieu favorisé ; seul Emmanuel Thomassin (Swann Arlaud), au mode de vie plus prolétaire, se distingue des autres personnages. Malgré leur légitimité sociale, les membres de l’association La Parole libérée peinent à porter leur voix au-delà de la sphère familiale – et encore, lorsque celle-ci ne se moque pas de leurs « petits problèmes ».
Alliances et mésalliances de l’opposition
De ce point de vue, Grâce à Dieu prolonge Spotlight. Si ce dernier mettait en lumière la pédophilie au sein de la prêtrise catholique, le premier accuse l’Église d’inaction, voire, dans le cas de Barbarin, de protéger les prêtres coupables. L’Église n’est toutefois pas seule. Elle bénéficie encore et toujours de l’appui d’une bonne partie de la bourgeoisie locale, quand ce n’est pas la classe politique lyonnaise qui la défend.Face à ce front homogène des conservateurs, les membres de La Parole libérée apparaissent nettement plus désunis. Entre les plus radicaux, conduits par François, et les partisans de la négociation interne à l’Église, comme Alexandre, un gouffre menace à tout instant d’engloutir l’ensemble de la lutte. Mais c’est au contraire dans cet entrelacs de points de vue qu’Ozon place sa caméra. Davantage qu’un film militant qui caricaturerait l’ennemi et gommerait les fractures internes, Grâce à Dieu scrute avec soin la manière dont se font et défont les alliances au sein de l’association. Les divergences d’opinion nourrissent plus qu’elles n’entravent l’action de La Parole libérée. Aussi, c’est avec une grande pudeur que le cinéaste approche ses personnages. Laissés dans le silence de leurs voix nues, hormis le temps de quelques messes en musique, les membres de l’association sont saisis en tant qu’hommes, grevés de doutes, hantés par les flash-backs des rendez-vous avec le père Preynat, et non comme héros. 
Grâce à Dieu. Comment libérer la parole ?
Grâce à Dieu, François Ozon, 2019, 2h17
Maxime
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