Paris, Editions sociales, 1963.
Le hasard m’a fait tomber sur ce livre de Jean Desanti (1914-2002) que le blog Antropologia m’autorise à évoquer. Quel que soit son intérêt, quelques mois après sa sortie, un livre ne peut plus faire l’objet d’un compte-rendu en dehors de bibliographies d’article ou d’un autre livre. Merci au blog Antropologia/Bordeaux qui me permet d’échapper à ces stupides contraintes.
Ce livre de 1963 permet, en premier lieu, de comprendre l’autorité dont disposait le « marxisme » ces années-là. Outre le contexte politique, la fin du nazisme et les guerres coloniales, il montre qu’il était possible dans la maison d’édition quasi-officielle du Parti Communiste, de présenter une analyse minutieuse de Husserl même si en montrer les limites permettait évidemment, de laisser la place au marxisme. En outre, si un penseur de cette qualité prenait ces positions politiques et idéologiques, elles ne pouvaient être que justes. Desanti affirmait et signifiait une évidente exigence qui fait que ce type d’édition a disparu. Ce livre ne pourrait aujourd’hui être publié que par Vrin, pas par un éditeur généraliste.
En second, lieu, il analyse l’une après l’autre les Méditations cartésiennes de Husserl, mais non L’Être et le Néant de Sartre (même s’il est rapidement évoqué une paire de fois), pourtant nécessairement en ligne de mire, avec comme argument implicite, la nécessité d’aller aux sources.
En troisième lieu, ces textes philosophiques et leurs commentaires s’inscrivent dans la tradition et les objectifs de la discipline, rechercher la cohérence des systèmes de concepts par la chasse aux contradictions.
Enfin, en quatrième lieu, la faille de tous ces textes et de leurs commentaires quel que soit leur subtilité, surgit avec évidence. Toute information est présentée comme l’expression fidèle de la réalité (observée, constatée, supputée…) sans jamais vouloir voir qu’elle naît d’un contexte – politique, social, idéologique, langagier… Ce mimétisme apparaît aujourd’hui inacceptable pour un anthropologue. Nous n’accédons pas aux choses mais au discours sur les choses. Nous ne pouvons donc que partir des informations accessibles et des conditions de leur expression pour aller plus loin vers la vérité, à la fois direction et dynamique.
Montaigne le disait, Desanti nous le montre en ne le faisant pas, essentiellement préoccupé par la cohérence des concepts, antique objectif des philosophes.
Bernard Traimond