Dans l'univers de la FinTech, la finance participative est un des plus anciens domaines de disruption (juste derrière les paiements). Il n'est donc pas surprenant qu'elle soit sujette à des soubresauts – fermetures, consolidations, changements de modèle… Mais peut-être est-elle maintenant en train de vivre une vraie crise existentielle…
Les velléités du leader historique LendingClub d'acquérir une licence bancaire aux États-Unis offrent ainsi un indice supplémentaire des hésitations – sinon des errements – du secteur. Les arguments brandis pour justifier une telle opération ne manquent pourtant pas de bon sens, entre un besoin d'entretenir une relation plus étroite avec des emprunteurs occasionnels, donc difficiles à fidéliser, et les opportunités de capter une clientèle plus large, parmi les consommateurs n'ayant pas accès au crédit.
La réalité est cependant légèrement différente. Dorénavant, la plupart des plates-formes de crowdfunding sont financées par des investisseurs institutionnels, profitant de rendements attractifs par rapport aux supports classiques. L'offre étant couverte, leur principale préoccupation concerne donc la demande. Or, de ce côté, la situation s'avère compliquée : les particuliers et les entreprises tendent à conserver une certaine défiance vis-à-vis de ces acteurs et les avantages promis ne suffisent pas à les séduire.
La réponse des startups à cette difficulté se répartit aujourd'hui entre deux camps. Il y a celui que désire rejoindre LendingClub, consistant à aborder des métiers adjacents (sans véritablement adresser la question de fond), de manière à développer la clientèle potentielle de son activité principale. L'autre, illustré par le cas de P2BInvestor (et qu'exploite aussi LendingClub), repose sur l'idée de commercialiser les produits par l'intermédiaire des institutions possédant déjà la confiance de leurs clients.
Entre la fuite en avant vers la néo-banque (qui n'est souvent que l'illusion d'une solution magique) et l'aveu d'échec que constitue le modèle de fournisseur technologique, ces acteurs perdent de vue ce qui faisait leur particularité à l'origine : l'innovation. En effet, le cœur du problème pour beaucoup de FinTech (y compris au-delà de la finance participative) est l'absence de différenciation : quand les critères d'attribution, les conditions et les modalités du crédit de LendingClub sont similaires à ceux des banques (qui ont tout de même progressé), les clients se font automatiquement plus rares…
Concrètement, l'utopie inclusive des débuts a laissé place, au fil des ans et sous la pression des partenaires finançant les opérations, à une approche classique, qui exige un score de crédit élevé, un long historique financier et un quotient d'endettement limité pour accorder un prêt à un taux « banal ». Pendant le même temps, les acteurs historiques travaillent sur leur réactivité et introduisent de nouveaux critères d'évaluation de fiabilité pour les exclus du système. L'avantage concurrentiel du trublion fond à vue d'œil.
La seule option viable pour une jeune pousse qui veut réussir dans un secteur aussi encombré que la finance est d'apporter une proposition de valeur inédite et impossible à ignorer de la part de la cible visée. Ce que découvrent les plus anciennes est que cet impératif ne s'exerce pas uniquement comme un point de départ. À défaut de parvenir à établir une relation de confiance forte et stable avec leur marché (ce qui prendra très longtemps), elles sont contraintes de maintenir un état d'innovation permanente.