Il n’y a que les égocentriques qui se croient tout permis lorsqu’ils se retrouvent à la tête d’un Gouvernement. Surtout lorsqu’ils n’y sont forts que par la légalité constitutionnelle dont la légitimité est issue de celle du Président de la République, élu au suffrage universel qui les désigne et de celle résultant du compromis entre les différentes légitimités des différents députés qui avalisent le choix du Président. Entre la légalité constitutionnelle et la légitimité populaire, il y a un rapport de hiérarchie qui place l’exécutif sous la tutelle symbolique, mais moralement contraignante de la Présidence de la République et sous le contrôle, en aval, de la Chambre des députés. A la différence des putschistes qui recourent au fait accompli du droit de la force pour transformer , par la suite, cette légalité arbitraire , en légitimité populaire , par l’organisation de simulacres d’élections.
Entre le Premier Ministre d’un régime présidentiel qui organise un putsch médical pour « mornaguer » son Président » et le Président du Gouvernement d’un régime parlementaire , dépendant d’une Chambre gangrénée et à majorité corrompue, qui renie son allégeance morale au Président qui l’avait désigné, il y a une ressemblance qui fait du Jeune Chahed un Ben Ali en puissance, avec beaucoup moins de moyens que ce dernier.
En se privant de son allégeance morale à Béji, Chahed ne pouvait recourir, pour survivre, qu’aux compromis malsains avec des élus dont une partie ont « privatisé » leur « représentation » en recourant au « tourisme parlementaire » qui fait d’eux des « corruptibles » à la merci du plus offrant parmi les différentes mafia qui constituent une menace réelle pour la survie de l’Etat. Personnellement, en tant qu' »observateur engagé » pour la cause de mon pays et de sa révolution, j’avais espéré voir Chahed jouer en équipe avec Béji et faire preuve d’élégance dans sa prestation, pour mieux « dribbler » Ghanouchi qui ne sait pratiquer que le recul tactique, au service d’une stratégie occulte et inavouée, bénéficiant de son obédience, effrontément déclarée, au lobby sioniste de la nouvelle droite américaine. Mais les événements ont montré que le Jeune Chahed ne pouvait jouer en équipe.Et ce, en essayant de « marquer » tout seul en dribblant tout le monde , y compris les joueurs de l’équipe à laquelle il appartient. Une équipe qui n’est pas seulement le gouvernement dont il est le chef. Parce que l’équipe dont je parle est obligatoirement une équipe nationale dont le gouvernement et son chef font seulement partie.
Le manque flagrant de maturité politique dont Chahed est entrain de faire preuve est lisible dans deux récentes déclarations se rapportant à la candidature de Abselkrim Zbidi à la Magistrature suprême . La dernière a été mis en exergue par le journal Le Maghreb qui a insinué que Chahed et son équipe (différent de son gouvernement) considère comme illégal le fait que le Ministre de la Défense ait présenté sa démission, non pas au Chef Du Gouvernement, mais au Président de la République intérimaire Mohamed Ennacer . Insinuant par la même que les prérogatives de ce dernier ne l’autorisent pas à accepter la démission de son concurrent, Abdelkrim Zbidi sans son accord , en tant que Chef du Gouvernement .Dans cette situation, la personne mise en cause ce n’est plus Zbidi mais bel et bien Mohamed Ennacer, Président élu de la Chambre des députés et Président par intérim de la République. Comme tout dictateur en herbe, il semble que Chahed ne reconnait comme pouvoir que la légalité du fait accompli à partir de la quelle, il a décidé de ne pas démissionner,en se portant candidat à la Présidence , comme l’a fait le Ministre de la Défense. Chahed continue à réfléchir en termes de vacation de pouvoir au sommet de l’Etat. Oubliant que le pouvoir de Mohamed Ennacer , dans un régime parlementaire, et en tant Président élu de la Chambre, est beaucoup plus légitime que le sien qui découle d’une désignation par Béji et de l’approbation de l’Assemblée dont Mohamed Ennacer est encore le Président. Mourou qui n’a pas eu à assumer l’intérim à la Présidence est encore Vice Président et non pas Président de l’Assemblée, n’a pas eu besoin de démissionner pour présenter sa candidature à la Présidence de la République, n’étant pas impliqué dans l’exercice du pouvoir exécutif . Tout cela veut dire que Chahed et son équipe, ne reconnaissent pas les limites et les conditions objectives de l’exercice du pouvoir en tant qu’exécutif.
Ce que beaucoup de gens oublient est que de tous les Ministères de Souveraineté, celui de la Défense dépend essentiellement du Président de la République. Et dans ce cas, même intérimaire, Mohamed Ennacer est plus légitme que Youssef Echahed pour accorder sa démission à son Ministre de la Défense.
La seconde déclaration est plus ancienne, mais elle relève également d’un manque de tact et de désir de domination à l’égard de tout le personnel politique . Chahed avait effrontément reproché à Zbidi de ne pas l’avoir mis au courant de son intention de se présenter aux élections présidentielles. Alors qu’il savait qu’il allait être son concurrent.
Jeune présomptueux ! aurait écrit Corneille. Mais pour notre Rodrigue national, « pour les âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des année! ».
Avec tous mes respects pour l’institution stratégique qu’il dirige et à laquelle il s’identifie, tout en prétendant à élargir l’objet de cette identification à la Magistrature Suprême. Que Dieu protège la Tunisie! .