« Vraie vie » ?
Le café entre les halles de Pau et le chapiteau des producteurs (le nouveau marché est en construction) est notre lieu de rdv du samedi matin. Les habitués et les passants nous offrent une fabuleuse galerie de personnages. Comme cet habitué, parlant volontiers seul, parfois agressif, qui passe, vêtu d’un pantalon à petits carreaux et d’une chemise rayée décorée d’une magnifique broche incrustée de strass. Ou encore « Jésus » (nous pratiquons fréquemment le surnom), homme maigre aux longs cheveux gris qui a une immense croix en plastique autour du cou, et erre dans les parages avec un seau crasseux, au contenu mystérieux dans la main. La table d’à côté multiplie les conversations graveleuses qui ne nous échappent pas. Mais aborde aussi des questions d’actualité comme le G7.
Sommes-nous, pour reprendre une expression à la mode, plongés dans la « vraie vie » ? En tous cas, dans une vie éloignée de celle des 7 qui nous barrent ce week-end l’accès à la côte… Même si nous posons un regard de classe sur notre entourage, nous y sommes toutefois réceptifs.
Une autre figure du quartier me fascine par sa vie sociale intense, il est toujours en conversation avec quelque personne qui s’arrête pour discuter avec lui. Comme chaque jour, ce SDF britannique assis face au chantier lit. Un passant s’arrête et lui demande d’ailleurs ce qu’il lit :
- Un livre anglais traduit en français.
- C’est pour apprendre le français ?
- Non ! Je le sais déjà sinon je ne pourrais pas le lire ! répond d’une voix posée l’homme tandis que tout son corps manifeste au contraire qu’il pense la question absurde : sa tête dodeline, ses yeux se lèvent au ciel.
- Elémentaire mon cher… Ai-je envie de rajouter…
Colette Milhé