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Le banquier privé, éternel ? (épisode 2)

Publié le 04 septembre 2019 par Patriceb @cestpasmonidee
Milleis Banque Il y a 5 ans, jour pour jour, je réagissais aux rêves d'éternité d'une poignée de banquiers privés rassemblés pour un débat. La semaine dernière, Nicolas Hubert, directeur générale de Milleis Banque, reprenait à son compte leur optimisme dans une tribune publiée par les Échos, comme si rien n'avait encore changé dans le monde « digital ».
Le rachat de Barclays France par le fonds Anacap et le nouveau nom donné à l'établissement auraient pu constituer une extraordinaire opportunité de bâtir une vision d'avenir pour un domaine toujours largement dominé par la tradition et le conservatisme. Apparemment, il n'en sera rien : la perception du marché qu'expose Nicolas Hubert reste désespérément ancrée dans une logique passéiste et manque terriblement d'une sensibilité aux transformations qui affectent notre environnement quotidien.
En résumé, son modèle pour demain repose sur une incontournable répartition des attentes des clients « patrimoniaux » en deux catégories, qui donnerait naissance à deux types de banques distincts. D'un côté, il y a ceux qui préféreront la simplicité et l'immédiateté, qui recourront à un service entièrement « digital » en toute autonomie. De l'autre, il restera les institutions privilégiant un accompagnement de proximité, capable de répondre aux besoins les plus complexes, où l'ingénierie patrimoniale est reine.
À l'appui de sa démonstration, Nicolas Hubert cite une inévitable enquête menée auprès d'un échantillon de consommateurs, selon laquelle plus de la moitié (57%) des français choisiraient de s'adresser à un conseiller humain pour leurs opérations d'épargne, d'investissement ou d'emprunt. Comme d'habitude, on passe ici sous silence les motivations des personnes interrogées (dont, peut-être, l'absence d'alternative crédible ?) et, surtout, la tendance inéluctable de cette proportion à baisser au fil des années.
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La faille du raisonnement est béante : là où le banquier ne parle que de produits financiers, le client – et plus encore quand il est aisé – veut qu'on s'intéresse à sa vie, à ses projets et à ses rêves. Je ne peux croire un instant qu'il se sente concerné (sauf exception) par la complexité d'un montage immobilier ou de la gestion de titres. Ce qu'il souhaite avant tout est de pouvoir atteindre ses objectifs et réaliser ses ambitions, que ses intérêts soient préservés et que les détails de mise en œuvre lui soient épargnés.
Naturellement, jusqu'à maintenant, la seule solution disponible face à ces enjeux consistait à personnifier la relation – et la confiance – sous les habits d'un conseiller individuel. Mais, entre la montée de la défiance vis-à-vis des institutions plus attentives à leurs propres intérêt qu'à ceux de leurs clients et l'émergence de nouvelles approches, elle est loin d'être indétrônable. En outre, dans l'ère actuelle, où, par exemple, l'amitié se vit sur les réseaux sociaux, le dialogue en face à face perd de sa valeur.
Enfin, aussi séduisant soit-il, le parallèle que propose Nicolas Hubert entre le banquier privé et le médecin de famille ne résiste pas à l'analyse. Certes, il aimerait croire que les deux ont un rôle similaire de confident et de partenaire… en oubliant que le second n'est consulté que pour des problèmes de santé et que seuls les hypocondriaques y prennent plaisir. Le même destin attend probablement le premier, de n'être contacté que par obligation, uniquement en cas de difficulté, ce qui, pour lui, n'était pas une vocation.
Bien que jeune, Milleis Banque est hélas fondée sur des principes qui ne résisteront pas au temps, depuis son discours centré sur les produits financiers jusqu'à son application mobile, dont la palette de services étriquée n'envisage pas que des clients puissent vouloir leur autonomie pour autre chose que les virements… Dès qu'apparaîtra une génération d'acteurs désireux d'appréhender les besoins profonds des consommateurs, gagnant par là-même leur confiance, elle risque d'être rapidement balayée.

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