Magazine Société

Ville bavarde, de Guillaume Rihs

Publié le 06 septembre 2019 par Francisrichard @francisrichard
Ville bavarde, de Guillaume Rihs

A l'auteur suisse et à Fanny, une auteure québécoise, le festival de Montréal, histoire de les faire dialoguer entre eux, demande de dresser le portrait de leur ville respective.

Comment dessiner ce portrait? En écoutant chacun les bavards de sa ville et en rendant compte de ce qu'ils se disent, car la ville, c'est ce que ses habitants ont en tête et en bouche.

Que constate l'auteur (Guillaume Rihs?) après s'être livré à l'exercice? Que les trois sujets de conversation favoris de ceux qui se connaissant sont l'argent, la nourriture et eux-mêmes.

Pour ce faire il s'est fait collectionneur de conversations, ce qui requiert discrétion et ténacité. La pratique lui a montré quelle était la méthode à adopter, et qu'il recommande:

Privilégiez les transports publics pour la proximité qu'ils imposent. Adoptez une attitude détachée, par exemple celle d'un individu absorbé par la rédaction d'un SMS. En évitant tout contact visuel avec votre sujet, consignez vos observations.

Privilégier les transports publics ne veut cependant pas dire qu'il faille se limiter aux bus et aux trams, même s'ils représentent la plupart des observations qu'il a consignées.

Ainsi le collectionneur étend-il son champ à un magasin, un tea-room, une sandwicherie, une cafétéria, la salle d'attente d'un médecin, une promenade, l'université ou une librairie...

Le collectionneur, après une année et demie de pistage et quelque cent trente prises, élabore des statistiques à partir de son tableau de chasse C'est dire qu'il a collectionné sérieusement.

Comment a-t-il fait son choix? Tantôt c'est le sujet de la conversation qui m'a interpelé, tantôt une tournure de phrase, une manière de concevoir la vie. Ce qui est révélateur.

C'est révélateur à la fois sur lui-même, sur sa Ville bavardeet sur ses habitants, si bien qu'il se demande un moment s'il n'a pas dessiné un autoportrait plutôt qu'un portrait...

Dans les conversations qu'il recueille, ce qui frappe c'est l'emploi récent dans le langage parlé de termes qui ne se retrouvent pas encore vraiment dans le langage écrit, même courant.

Sont employés par exemple:

- l'interjection genre

- les mots truc, ouais, pécho, pire ou trop (ces deux derniers: tous seuls ou suivis d'un adjectif)

- les verbes bader ou geeker

- les expressions trop pas (l'opposé de pire bien), juste pas ou  whadzefuck

La langue française évolue... sans que soient oubliés, les mots échangés le montrent, nombre de mots gras... que rigoureusement, ma mère m'a défendu d'nommer ici...

En tout cas, le collectionneur s'attelle à transcrire ce qu'il a entendu, mais pas que: il saisit aussi un moment tendre ou comique, de la colère, de la complicité.

Aussi non seulement le lecteur ne s'ennuie-t-il pas, mais il a de la reconnaissance pour celui qui sait si bien lui restituer ce dont il est le témoin dans la vie de tous les jours.

Francis Richard

Ville bavarde, Guillaume Rihs, 92 pages, éditions d'autre part


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine