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Le nouveau Christ- 643ème semaine politique

Publié le 07 septembre 2019 par Juan

  Le nouveau Christ- 643ème semaine politique

Il est écolo, si, si, on vous l'assure.

La conversion écologiste d'Emmanuel Macron est autant un exercice d'auto-persuasion macroniste qu'un réflexe d'autodéfense de la classe dominante.


En France au moins, l'année 2019 marque un tournant dans la prise de conscience publique que le climat est déréglé. Les climatosceptiques se montrent plus violents et plus grossiers. Rares sont les bulletins météos où l'on n'insiste pas sur le caractère anormal des conditions du temps. Il n'a pas plu une goutte d'eau à Nîmes en août 2019. Et la sécheresse a frappé des milliers de communes françaises. L'hiver fut étonnamment doux, les hurricanes se font plus désastreux. Le printemps puis l'été ont connu des secousses de chaleur plus rapprochées qu'avant. Les milliers d'incendies dans la forêt amazonienne ont bousculé l'agenda du G7 et forcé le gouvernement français à retourner fort heureusement sa veste sur un énième traité de libre-échange mauvaise pour la préservation de l'environnement.
La (petite) poussée électorale des écologistes aux élections européennes (13% des suffrages en France) en mai 2019 fut un autre de ces signaux faibles qu'un évènement plus fort était en passe d'arriver. Et si le plus grand nombre réalisait enfin l'urgence ?
La Macronie la plus ultra explique que Macron a été empêché dans son action écologique par ... les Gilets Jaunes. Il faut se rappeler que le mouvement a démarré en novembre à cause d'une hausse du diesel. Mais on se souvient également combien le pouvoir macroniste mentait quant à la vocation écologiste de cette hausse de taxe carbone à la laquelle il a fini par renoncer en décembre.
Alors, tous écolos ? 
Déjà, sondeurs et éditocrates promettent que "la matrice écologique est en train de se substituer à la matrice catholique" (Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’IFOP). Le catholicisme est cette branche de la chrétienté que la République a mis de côté il y a plus d'un siècle, et qui n'intéresse ou motive aujourd'hui qu'une petite minorité. Mais la "matrice catholique" structure encore notre société bien au-delà de son cortège de fidèles. De nouveaux 10 Commandements, écologistes cette fois-ci, remplaceraient-ils les croyances d'hier et la surenchère consumériste ? L'écologie politique disposerait de tous les attributs d'une nouvelle religion - Prophète, préceptes de vie, et vision apocalyptique du monde. Le raisonnement est facile, et il rassure les optimistes. Il permet au passage de se moquer, de minorer le sujet écologique. La destruction de la planète n'est pas une affaire de convictions ou de croyances, c'est une réalité.
Le nouveau Christ- 643ème semaine politiqueMais ce raisonnement est aussi (et surtout) porté pour servir une autre analyse que celle de la conversion des gens à la cause de la défense de l'environnement, à l'ajustement des politiques publiques, voire à la sortie du consumérisme. Ce raisonnement nous est servi sur un plateau, à cette rentrée politique, pour appuyer une autre prétendue conversion, celle de Macron. Le jeune monarque se veut attentionné, ouvert et bienveillant en cette rentrée politique. A la fin du mois d'août, juste avant son G7, il a même sorti la même rengaine que son mentor Sarkozy en 2007: il a "changé". Désormais, il croit en la défense de l'environnement. Il a compris. Il est prêt à agir.
Ce bouleversement intérieur du pays, cette prise de conscience écologique aurait été saisi, compris, digéré par Emmanuel Macron. Bref, Macron est le nouveau prophète, le guide qu'il manquait pour mener à bien ce combat.
Dans l'esprit étriqué et conservateur de la presse dominante, des élites politiques et des grands sondeurs, l'écologie a tout pour se fondre facilement dans le macronisme: elle devrait être "au-dessus" des parties, elle ne s'appuierait pas sur une vision de classes, elle est suffisamment inquiétante pour taire les oppositions; il s'agit d'une cause universelle qui vise loin, plus loin que les problèmes du quotidien immédiat. Les classes dominantes aiment à promettre des lendemains qui chantent pour se maintenir au pouvoir dans le temps présent.
La conversion écolo de Macron est un réflexe d'autodéfense. La prise de conscience grandissante appelle des changements autrement plus déstabilisants pour l'économie et la "start-up nation" que Macron tient si à coeur. La révolution écologiste, car il s'agit d'une révolution nécessaire, est d'abord aux antipodes des principes macronistes: la politique de l'offre, qui vise à soutenir les entreprises, fait fi des enjeux écologiques, du principe de précaution, et de la transition énergétique. Elle favorise la production, même polluante; elle allège les contraintes à la construction contre l'envirronnement (projets Europa City par exemple), à l'exploration minière en Guyane, à la consommation (même le dimanche), aux transports polluants (développement du bus contre le rail, suppression du transport ferroviaire des voitures sur les longues distances); elle soutient l'agro-industrie polluante (maintien des pesticides). La Macronie précarise les lanceurs d'alerte, et fragilise les journalistes d'investigation. Elle précarise les salariés en supprimant les comités d'hygiène et de sécurité. Elle repousse à plus loin les décisions les plus urgentes comme la dénucléarisation de la production d'énergie.
On ne compte plus les mesures anti-écologiques, assumées ou cachées.
Quand elle existe, l'action écologique de Macron est minimaliste et s'appuie sur trois piliers:
  • parler beaucoup,
  • qualifier de concrètes n'importe quelle annonce fut-elle floue et lointaine,
  • préserver le système productif et économique actuel.
Prenez l'Amazonie. "La forêt brûle" écrit Macron dans son intervention lors du G7 à Biarritz, au même moment. Et il s'empresse d'annoncer trois "mesures concrètes", citons-les in extenso, sans coupe ni reformulation:
  1. Mobiliser les membres du G7 et au-delà pour lever des financements pour pouvoir reboiser le plus vite possible.
  2. Développer des mécanismes de prévention beaucoup plus puissants de ces incendies.
  3. Trouver une forme de bonne gouvernance. Il faut associer les ONG, les peuples autochtones beaucoup plus qu'on ne le fait. Et il faut stopper le processus de déforestation industrialisée
Qu'il-y-a-t-il de concret dans la "mobilisation" ou les "mécanismes de prévention beaucoup plus puissants de ces incendies" ? Quelle est cette "forme de bonne gouvernance" ? C'est une fois de plus du pipeau, de la flute, de la bouillie pour médias paresseux et militants inquiets. Cela sert à meubler l'agenda quand l'attention est contrainte à se porter sur un désastre écologique. La seule mesure concrète que Macron a pris ce jour-là, dans l'urgence, fut une heureuse décision: renoncer à ce traiter Mercosur qu'il vantait quelques semaines auparavant.

Le nouveau Christ- 643ème semaine politique

Analyse de Greenpeace


"Il y a deux mois, nous signions aux côtés de 340 ONG dans le monde une lettre ouverte pour appeler à stopper l’accord Mercosur. Nous appelions les responsables européens à soutenir les droits humains, la dignité humaine et un climat habitable au Brésil, et donc à faire pression sur le Brésil et la politique de Jair Bolsonaro. La réaction de l’Elysée à l’époque ? un silence assourdissant. Idem lorsqu’en juin nous bloquions à Sète un cargo rempli de soja pour dénoncer le drame de la déforestation : silence radio total. Il aura fallu que l’Amazonie fasse la une des médias pour que E. Macron s’élève contre le Mercosur, après avoir soutenu le traité contre l’avis des ONG pendant des mois." Greenpeace

Le nouveau Christ- 643ème semaine politiqueLors du G7, Macron avait trouvé un nouveau sujet, le textile. Comme souvent en Macronie, on met un étiquette à l'idée, c'est le "Fashion Pact", ça rend crédible, ça habille le dossier de presse. Et pour réguler la pollution du textile mondial, quoi de mieux que de demander à une trentaine de grandes entreprises représentant la moitié de la production mondiale de se mettre d'accord entre elles ?...  Les mesures sont pourtant connues, comme le rappelle Greenpeace: réduire la consommation de vêtements, inciter à la relocalisation et à l’économie circulaire, limiter la publicité pour les vêtements, comme cela a été fait pour le tabac. Mais imaginerait-on Macron, dont l'épouse Brigitte est une publicité ambulante pour quelques multinationales du luxe, prendre de telles mesures et s'affranchir de sa soumission aux lobbies de l'industrie ? Ben non... impossible. Ce serait trop violent, trop radical, trop contraire aux intérêts du consumérisme. Macron préfère autre chose. La lutte pour l'environnement, c'est du bénévolat, n'est-ce pas ? Les ONG crient à l'arnaque ! Macron laisse toujours les puissants définir leur propre régulation, même sur un sujet aussi essentiel que l'environnement.
Plutôt que d'agir, Macron s'agite. Il va faire changer la Constitution (bel effort, les forêts amazoniennes et africaines vous remercient).
La politique environnementale de Macron est d'abord un renoncement. Derrière les discours creux et grandioses, il y a le refus d'imposer la rénovation énergétique aux propriétaires de logements, la réduction des subventions pour ces travaux. Elle valide le CETA et ses importations agro-alimentaires, et le MERCOSUR (avant de le récuser pour d'autres raisons plus médiatiques). Au nom du "pragmatisme", Macron refuse d'interdire les pesticides les plus polluants: après 20 mois d'hésitations et de reculs, le gouvernement vient d'annoncer un décret interdisant la projection de pesticides à, moins de 5 mètres d'habitations... "J'ai cru à un poisson d'avril" se moque Yann Arthus-Bertrand.
Il s'oppose à Burxelles à une interdiction des perturbateurs endocriniens. Il refuse de sanctionner l'importation de bois amazonien. Pour soigner encore davantage les chasseurs, il fait publier un arrêté ministériel qui autorise la chasse du courlis cendré, un oiseau inscrit sur la liste rouge des espèces menacées.
Le nouveau Christ- 643ème semaine politiqueAprès l'échec de Nicolas Hulot, puis la démission forcée de François de Rugy pour cause d'abus de privilège, la politique environnementale de la Macronie s'incarne par la fade Elizabeth Borne, peu compétente en la matière, et son adjointe Brune Poirson. Cette dernière incarne parfaitement la fonction: elle parle beaucoup, elle agit peu. Elle abuse à merveille des artifices marketing qui habillent l'inaction macroniste. Elle relaye les éléments de langage avec talent: avec elle, l'écologie politique n'est évidemment qu'affaire de motivation et de bénévolat des plus grands pollueurs, matinée de quelques actions symboliques et lourdement mises en scène: son après-midi de table ronde avec des représentants de restauration rapide pour quémander le tri sélectif de leur déchets était risible. Y-aura-t-il des sanctions si ces entreprises ne respectent pas les objectifs qu'elles se sont fixées (car la ministre n'a même pas osé leur imposer...) ? Non... En cas de manquements, bredouillait Poirson en juin dernier "je fixe des objectifs en conformité avec la loi, je demande à chacun de présenter un plan de mise en conformité". Et "s'ils ne respectent pas ce plan là, alors je dénonce et je continue à travailler sur une méthode et je n'hésiterai pas, si nécessaire, à changer le régime des sanctions".  
Voilà tout entière résumée l'action écologique de la Macronie: ne pas imposer de mesures, laisser les pollueurs s'engager; protester une fois s'ils ne respectent pas leur propres engagements. Protester encore une seconde fois si cela ne s'améliore pas. S'autoriser enfin à définir des sanctions si cela perdure...
Quelle clémence...
Elle tait bien sûr la suppression de 127 postes de l'Agence en charge de la protection de la biodiversité, et appose sa signature au décret réduisant par 4 les débits des cours d'eau.
***

Il n'y a pas de "milieu", il n'y a pas de juste équilibre entre l'utilisation des pesticides et les cancers provoqués par ces mêmes pesticides, entre pollution incontrôlée et sauvegarde de la biodiversité, entre disparition et survie des espèces.




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