Les choses les plus précieuses sont-elles les plus chères? Si l’on regarde le prix accordé à la nature, la réponse est clairement “non”. Prenons l’exemple de l’eau, absolument indispensable à l’éclosion de la vie terrestre et notre propre survie, et celui des bijoux, dont on peut très facilement se passer. Les articles récents faisant état de pollution massive des fleuves français soulignent le peu d’attention accordée à cette resource si précieuse. En revanche les bijoux des grands joailliers sont enveloppés des plus beaux écrins et bénéficient de mesures de protection sans égale. La grande différence entre les deux est peut-être que les bijoux ont un propriétaire qui se soucie de préserver et valoriser son bien alors que l’eau n’en a pas et qu’il n’y aucun marché incitant à sa protection.
Je n’aime pas l’idée qu’il faille mettre un prix sur la nature ou chaque espèce mais, notre monde étant gouverné par l’économie, il est important d’en utiliser le language et les outils pour démontrer de façon rigoureuse que la nature est la plus grosse économie sur notre planète et utiliser de solides arguments économiques pour sa préservation. C’est ce que tente de faire une étude sur l’économie des écosystèmes et de la biodiversité inspirée du rapport Stern sur l’impact économique des changements climatiques. Cette étude appelée de ses voeux par les ministres de l’environnement des pays les plus industrialisés (G8 + 5) a fait l’objet d’un rapport d’étape le mois dernier, à Bonn, au cours de la conférence de la Convention sur diversité biologique.
Le résultat sera, bien sûr, imparfait puisque entre en considération des valeurs éthiques ou esthétiques étrangères à l’économie; chaque peuple, chaque composante de la population a un lien différent avec la nature; pour certains elle est sacrée, pour d’autres purement utilitaire voire un obstacle au développement. Par ailleurs, il est impossible d’estimer le coût de la vie et impossible de reconstituer des écosystème complexes; de nombreux bénéfices que l’on tire de la nature ne sont pas quantifiables et on ne peut les reconstituer que très approximativement. Les chiffres obtenus sont tellement astronomiques qu’ils ne signifient peut-être plus grand chose pour le commun des mortels…
Cette étude devrait néanmoins fournir un outil puissant à destination des politiques. A titre d’exemple, les seules aires protégées (parcs, réserves naturelles…) qui couvrent 10% des terres émergées et moins de 1% des océans, généreraient entre 4,400 et 5,200 milliards de dollars chaque année.