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RWC 2019 – Que peuvent espérer les Tonga ?

Publié le 19 septembre 2019 par Sudrugby

UN PEU D’HISTOIRE EN COUPE DU MONDE

L’équipe des Tonga, dont le premier match remonte à 1922, sort de l’anonymat rugbystique à l’occasion de la première Coupe du monde du rugby disputée  en Nouvelle-Zélande en 1987. Invités au détriment des Samoa, ils terminent à la dernière place de leur groupe après des défaites contre le Canada, le Pays de Galles et l’Irlande. Ils ne sont ensuite pas qualifiés pour la Coupe du monde 1991, avant de faire leur retour lors du mondial sud-africain en 1995. Après deux premières larges défaites (mais dans la douleur pour les adversaires) contre la France et l’Ecosse, les Tongiens sauvent l’honneur en battant le petit poucet Ivoirien dans un match de sinistre mémoire (l’ivoirien Max Brito se blesse gravement aux vertèbres et devient tétraplégique).

L'ouvreur Elisi Vunipola, oncle des Anglais Mako et Billy, joueur cadre des Tonga entre 1990 et 2005

L’ouvreur Elisi Vunipola, oncle des Anglais Mako et Billy, joueur cadre des Tonga entre 1990 et 2005

Les Tongiens sont ensuite incapable de suivre le virage du professionnalisme, accumulant un retard important, et les coupes du monde 1999 et surtout 2003 sont de graves échecs. En 1999, l’équipe termine à la 3e place (sur 4) de sa poule, après une victoire face à la faible Italie, et deux lourdes défaites contre la Nouvelle-Zélande et l’Angleterre (101 à 10 !). En 2003, le sélectionneur néo-zélandais Jim Love et ses hommes terminent à une humiliante dernière place de poule, après quatre défaites. Si les défaites contre la Nouvelle-Zélande, l’Angleterre, ainsi que l’Italie (alors dans son âge d’or), étaient inévitables, celle contre les Canadiens fait tâche.

Après la coupe du monde 2003, s’en suit une période trouble où l’ancien Wallaby Viliami Ofahengaue (2004-2005) et Adam Leach (2016-2007) se succèdent, dans un climat très tendu au sein de la fédération. Leach démissionne d’ailleurs en mars 2007, à quelques mois du mondial, lassé de la situation du rugby national et des querelles avec sa fédération. L’ancien ailier international Quddus Fielea est donc nommé dans la foulée et à la dure tâche d’emmener cette équipe au mondial 2007, tenu en France. C’est alors une des meilleures générations du rugby tongien, avec de grands joueurs comme Inoke Afeaki, Nili Latu, Hale T-Pole, Epi Taione ou encore le légendaire Pierre Hola. Les Ikale Tahi commencent la compétition en battant les Etats-Unis et le rival Samoan. Ils s’inclinent ensuite honorablement contre l’Angleterre, et d’extrême justesse contre le futur champion du monde sud-africain. Les Springboks étant passés bien près d’une embarrassante défaite ce jour-là. Les Tonga finissent alors troisième de poule, insuffisant pour se qualifier donc, mais remplissent leur objectifs personnels.

Les Tongiens Halani Aulika, Taniela Moa et Sona Taumalolo fêtent leur victoire face au XV de France à Wellington

Les Tongiens avec en tête Halani Aulika, Taniela Moa et Sona Taumalolo fêtent leur victoire face au XV de France à Wellington

Succédant à Fielea, Isitolo Maka obtient le poste de sélectionneur en 2010, et c’est lui qui mène les troupes tongiennes lors du mondial néo-zélandais. Il doit lui aussi travailler dans un contexte troublé par l’éviction de Latu par la fédération (pour avoir critiqué la gouvernance et lancé une grève des joueurs) et par la nomination de son frère Finau au rôle de capitaine. La compétition est cependant une réussite, malgré une lourde défaite inaugurale contre les néo-zélandais et une défaite surprise contre le Canada. En effet les Tongiens l’emportent logiquement contre le Japon, puis remporte un succès historique contre les français, évènement ayant eu un vrai retentissement dans le rugby mondial. Installé en 2012, Mana Otai avait connu un mandat de 4 ans fut plutôt difficile, avec des troisièmes places systématiques en Pacific Nations Cup. Pour la Coupe du monde 2015, beaucoup attendaient les Tongiens au tournant, mais ces derniers furent surpris d’entrée par les Géorgiens, avant de s’incliner logiquement contre l’Argentine et la Nouvelle-Zélande, terminant ainsi à une décevante quatrième place de poule.

LEUR SAISON 2019

Après une année 2018 encourageante, on en attendait une confirmation de la part des Tonga en 2019. Cependant la Pacific Nations Cup, raccourcie en cette année de Coupe du monde, a été une grande déception pour les Ikale Tahi. La compétition a mal débutée avec une défaite de justesse contre des Samoa pourtant prenables, dans des conditions dantesques à Apia. S’en est suivi une large défaite contre le futur vainqueur japonais (et ses cinq joueurs d’origine tongienne), et une victoire compliquée contre le Canada, pourtant l’équipe la plus faible de la compétition. Rien de très rassurant à quelques mois du mondial. Les Tonga affrontaient ensuite en match de préparation la Western Force, les Fidji et pour finir la Nouvelle-Zélande. Les tongiens l’emportent logiquement à domicile contre la Force dans ce qui avait tout d’un match piège. Notons qu’il s’agissait du premier match international joué aux Tonga depuis 2017. Lors du match contre les Fidji, les Tongiens s’inclinent 29-19, non sans avoir livré un gros combat et leur meilleure performance de la saison.

4 essais pour l'ailier des Crusaders George Bridge lors de la démonstration des All Blacks face aux Tonga

4 essais pour l’ailier des Crusaders George Bridge lors de la démonstration des All Blacks face aux Tonga

Déjà très déséquilibré sur le papier, le dernier match contre les All Blacks s’est révélé être un naufrage complet, et s’est terminé sur un cuisant 92-7. Beaucoup trop désorganisés et inférieurs individuellement pour rivaliser, il semble impossible de tirer une quelconque leçon positive de cette rencontre.

LE STAFF TECHNIQUE

Toutai Kefu est le sélectionneur tongien depuis 2016, après avoir pris la succession de Mana Otai en 2016. Il est né aux Tonga, mais a porté à soixante reprises le maillot des Wallabies entre 1998 et 2003, remportant au passage la coupe du monde 1999. Solide troisième ligne centre, il a d’abord joué sous les couleurs des South de Brisbane, puis des Queensland Reds entre 1996 et 2003, avant de terminer sa carrière de joueur au Japon. Après une première expérience de coaching avec les Sunshine Coast Stingrays dans le championnat du Queensland pendant deux ans, il devient entraineur adjoint pour l’équipe des Tonga en 2011 à l’occasion de la préparation à la coupe du monde en Nouvelle-Zélande. L’année suivante, il occupe brièvement le poste de sélectionneur des Ikale Tahi entre le départ d’Isitolo Maka et la nomination de Mana Otai. Il entraine ensuite pendant quatre saisons le club japonais des Kubota Spears, avant d’être à nouveau nommé à la tête de la sélection tongienne en 2016.

L'ancien Wallaby Toutai Kefu est le sélectionneur des Tonga depuis 2017

L’ancien Wallaby Toutai Kefu est le sélectionneur des Tonga depuis 2016

Au sein de son équipe technique, Kefu s’est entouré de Grant Doorey, qui est en charge de la défense tongienne depuis 2017. Ce dernier, ancien treiziste australien, avait déjà occupé ce rôle aux côtés de John Kirwan avec les équipes nationales italienne (2003-2005) et japonaise (2007-2011), ainsi qu’avec les Blues (2013-2016). Il est également brièvement passé par le RC Toulon en tant que consultant sur la défense, au sein du staff de Diego Dominguez en 2016. Également dans le staff depuis 2017, le néo-zélandais Daniel Cron est en charge de la mêlée, poste qu’il occupe également avec Wellington et les Hurricanes depuis 2011. Enfin, l’ancien centre international tongien puis néo-zélandais Pita Alatini, est l’adjoint aux lignes arrière depuis mai 2018.

L’ÉQUIPE POSTE PAR POSTE

Paula Ngauamo

Paula Ngauamo

Au poste de talonneur, le titulaire probable est l’agenais Paula Ngauamo. Bien qu’il soit toujours difficile de parler de « cadre » pour une équipe avec une politique de sélection aussi erratique que celle des Tonga, Ngauamo en est assurément un. C’est un joueur physique, bon en mêlée fermée, et présent en sélection depuis 2014. Il sera par son expérience un des leaders du pack tongien. Sosefo Sakalia, devrait être son dauphin attitré. Ce dernier est un modeste joueur amateur dans le championnat tongien, après avoir passé plusieurs saisons dans le championnat roumain. Il n’offre évidement pas les mêmes garanties que Ngauamo, mais présente un profil de joueur mobile et disponible dans le jeu courant. A la surprise générale, Siua Maile a été préféré aux expérimentés Taione et Anga’aelangi pour être le troisième hooker du groupe. Ce jeune talonneur du Shirley RFC dans le championnat de Canterbury est charpentier dans la vie et totalement inexpérimenté du plus haut niveau, son propre niveau étant d’ailleurs une inconnue (même pour Kefu selon ses propres dires). Il a connu un baptême du feu très délicat lors du dernier match de préparation contre la Nouvelle-Zélande, mais reste à revoir dans une rencontre plus équilibrée.

Siegfried Fisiihoi

Siegfried Fisiihoi

Peu de surprises chez les piliers, où nous retrouvons le futur palois Siegfried « Ziggy » Fisi’ihoi sur le côté gauche de la mêlée. Très à l’aise dans le jeu courant grâce à sa mobilité héritée d’une formation au poste de troisième ligne, il n’en est pas moins performant en mêlée. Bien qu’ayant éclot tardivement (il n’a fait ses débuts professionnels qu’à l’âge de 27 ans), il est le taulier à son poste depuis ses débuts en sélection en 2017. Pour jouer sa doublure, il n’y que des joueurs bien moyens avec le rookie Vunipola Fifita formé en Australie et le massif Latu Talakai (passé par Waikato et Grenoble). A droite, l’expérimenté joueur des Glasgow Warriors Siua Halanukonuka s’avance comme le titulaire du poste. Disputant sa première coupe du monde à l’âge de 33 ans, ce tongien roux est reconnu pour son talent ballon en main et sa tenue en mêlée sérieuse. Notons qu’il est également capable de jouer à gauche. Derrière lui, l’imposant joueur du Racing 92 Ben Tameifuna et ses 145 kg (à vérifier avec une balance non plafonnée) sera sa probable doublure. « Big Ben » parait loin du niveau qu’il affichait lors de sa période aux Chiefs (alors qu’il était proche des All Blacks) ou de sa première saison en France. En effet, s’il est toujours redoutable par sa puissance et surprenant par ses skills, c’est un joueur très indiscipliné et avec une hygiène de vie douteuse. On peut également rappeler l’opportunisme discutable de ce joueur, qui ne s’est rendu disponible pour son pays d’origine qu’après avoir échoué à devenir un All Black, et après avoir renoncé à la sélection française. Le troisième larron est Ma’afu Fia, passé par les Highlanders et actuellement aux Ospreys. Il apporte de solides garanties en mêlée fermée, et devrait avoir du temps de jeu.

Sitiveni Mafi

Sitiveni Mafi

En seconde ligne, l’attelage titulaire devrait être Leva FifitaSitiveni « Steve » Mafi. Le premier, frère aîné du All Black Vaea, est un joueur très sous-coté. Évoluant à Grenoble depuis décembre 2017 après s’être révélé sur le tard, il était l’an dernier un des meilleurs deuxième lignes du Top 14. Véritable tracteur, et avec un très gros abattage, cela en fait le titulaire logique du maillot floqué du n°4. Mafi quant à lui, présente un profil davantage mobile et aérien. Il est également un des joueurs les plus expérimentés de ce groupe tongien, car international depuis 2010. L’ex Castrais est également capable d’être un blindside flanker de haut niveau. L’ancien treiziste Sam Lousi apporte ensuite une certaine profondeur de banc à ce poste, lui qui vient de se rendre disponible pour la sélection en quittant les Hurricanes pour rejoindre la franchise galloise des Scarlets. Il devrait être utile dans la rotation, et apporte son punch et sa puissance physique. Le quatrième lock du groupe, Dan Faleafa, n’est en fait pas un spécialiste du poste. Ce futur joueur d’Austin Elite aux USA, est un utility forward et a la faculté de jouer indifféremment deuxième ligne, flanker côté fermé ou n°8.

Sione Kalamafoni

Sione Kalamafoni

La troisième ligne est généralement le point fort de cette sélection tongienne, qui a toujours bénéficié de joueurs puissants et rugueux, et le cru 2019 n’y fait pas exception. On notera par ailleurs que tous les joueurs de la liste son capable de jouer au poste de troisième ligne centre, ce qui en dit long sur leurs profils. En blindside flankers, le joueur de Leicester Sione Kalamafoni fait son retour, lui qui n’était pas apparu depuis la coupe du monde 2015. Il est le joueur le plus expérimenté du squad (présent depuis 2007), et dispute sa troisième coupe du monde. Son physique colossal (1m96 pour 120 kg) est un réel atout aussi bien en attaque qu’en défense, et demeure également une des meilleures options au poste de n°8. Derrière pas vraiment de back up désigné, si ce n’est les polyvalents Faleafa ou Kapeli. Du côté des openside flankers, le titulaire en puissance n’est cette fois pas un joueur rompu aux joutes des championnats européens, mais un simple joueur du championnat provincial néo-zélandais. En effet, Fotu Lokotui, joueur des Counties Manukau depuis 2016, est un joueur méconnu mais néanmoins redoutable. Doté d’un gabarit très dense (1m80 pour 110 kg, c’est un excellent joueur dans les rucks grâce à ses qualités de plaqueur-gratteur, auxquelles s’ajoute une belle faculté à casser le premier placage en attaque. Celui qui avait failli rejoindre le Stade rochelais l’an dernier (qui avait finalement préféré recruter le samoan Levave), cherchera à profiter de la coupe du monde pour gagner en exposition, et pourquoi pas essayer de monnayer ses talents à l’étranger. L’alternative en 7 se nomme Zane Kapeli, qui est un joueur moins performant dans les rucks mais présentant une palette d’actions plus large. Le joueur de Bay of Plenty, qui sort d’une PNC très satisfaisant, est un remplaçant idéal par sa capacité à jouer à tous les postes du back row. Pour occuper le poste de n°8, Toutai Kefu devrait accorder sa confiance au castrais Ma’ama Vaipulu, très bon ball carrier, présentant un profil physico-physique, et sera souvent sollicité en attaque pour mettre de l’avancée. L’ancien capitaine des Highlanders, aujourd’hui joueur de Trévise en Pro14, Liukanasi Nasi” Manu est la belle histoire de ce groupe. Il sort d’une saison blanche en club après avoir lutté contre le cancer, dont il s’est remis juste à temps pour participer à la dernière PNC, avant de finalement rater la compétition en raison d’une blessure. Si sa forme physique actuelle est un mystère, il n’en demeure pas moins un joueur de très haut niveau, et devrait apporter son expérience et son leadership à cette équipe assez inexpérimentée.

Sonatane Takulua

Sonatane Takulua

Au poste de demi de mêlée, pour la première fois depuis très longtemps (Sililo Martens en 2003 ?), les Tonga bénéficieront d’un vrai bon joueur d’expérience avec Sonatane « Tane » Takulua. Celui-ci joue à Newcastle depuis cinq saisons, dont les trois dernières comme titulaire indiscutable, ce qui est un fait très rare pour un joueur du Pacifique jouant à un poste de la charnière. C’est un 9 très complet : bon dans l’animation, leader, dangereux autour des rucks, doté d’un très bon jeu au pied et également buteur de niveau international. Deuxième halfback dans la hiérarchie, l’ancien Baby Black Leon Fukofuka devrait se contenter de miettes de temps de jeu. Joueur bénéficiant d’une petite expérience en Super Rugby (5 matchs avec les Crusaders en 2016 et 2017), c’est une doublure correcte capable d’accélérer le jeu en fin de match. Troisième n°9 du groupe, le très solide Samisoni Fisilau (1m85 pour 110 kg !) présente un profil de « neuvième avant » dans la plus pure tradition des puissants 9 tongiens allant de Sione Tuipulotu à Taniela Moa. Il était déjà présent lors des RWC 2011 et 2015, et il est capable de dépanner à l’ouverture. Son niveau actuel est sujet à caution, lui qui est retourné jouer dans le championnat amateur d’Auckland en 2017, et qui n’avait pas porté le maillot tongien depuis la dernière coupe du monde. A l’ouverture, le taulier depuis 2009 se nomme Kurt Morath, actuel joueur des Doncaster Knights en D2 anglaise. Buteur fiable, il est le meilleur réalisateur de l’histoire des Tonga, mais devrait cette fois laisser le but à Takulua. Hormis son bon jeu au pied, il s’agit d’un joueur propre mais assez moyen et sur la pente descendante, et n’a jamais eu le niveau pour jouer dans un championnat de premier plan. Il devrait se partager le poste avec James Faiva. Celui-ci est la surprise potentielle à ce poste d’ouvreur. En effet ce véritable globe-trotter de 25 ans, qui avait joué jusque-là uniquement au niveau amateur, sort d’une excellente saison avec El Salvador dans le championnat espagnol. Il est réputé bon buteur et bon animateur, et également capable de jouer en 12 et 15. A voir s’il pourra élever son niveau de jeu et concurrencer Morath.

Siale Piutau

Siale Piutau

Successeur de Nili Latu pour le capitanat depuis 2015, le centre Siale Piutau est forcément le premier nom que Kefu et le staff tongien coucheront sur les feuilles de matchs. Véritable « papa des lignes arrières », c’est un joueur d’expérience, habitué aux rencontres de haut niveau et disposant d’un leadership important. Il est capable de jouer aux deux postes de centre, ainsi qu’à l’aile, mais c’est bien au poste de premier centre qu’il devrait être aligné, apportant ainsi à sa ligne de trois-quarts sa puissance physique et sa grosse défense. Son compère au centre sera, sauf surprise, le véloce Nafi Tuitavake (frère de l’ancien All Black Anthony). L’ancien agenais et narbonnais a joué pour les Baby Blacks, ainsi que la sélection néo-zélandaise à sept, avant de changer d’allégeance en 2016 afin de représenter son pays d’origine. C’est un second centre (ou ailier) explosif, avec de bons appuis, qui forme une paire de centre très complémentaire avec Piutau. Troisième centre du groupe, le néo-bayonnais Malietoa Hingano, a connu ses premières sélections lors de la PNC 2019. Ce dernier est capable de jouer indifféremment en 12 ou en 13, et apporte des qualités de franchiseur, et une bonne expérience du haut niveau. Cependant, petit bémol, il n’a que très peu joué lors de ses dernières saisons, que ce soit au Japon ou en France.

Cooper Vuna

Cooper Vuna

Au sein du back three tongien, la qualité des joueurs est variable, mais la polyvalence semble être le maître-mot. L’ancien treiziste Cooper Vuna part pour être un titulaire quasi-certain à l’aile, s’il n’est pas aligné au centre. C’est un joueur puissant, et un finisseur correct, mais dont le cruel manque de vitesse risque de cruellement le handicaper à ce niveau-là. On peut noter qu’il a avait auparavant porté les couleurs de l’Australie (deux sélections en 2012), avant décider de représenter les Tonga en 2016. Il y a d’avantage d’incertitudes pour désigner le titulaire à l’autre aile, mais l’expérimenté Tevita Halaifonua part avec une longueur d’avance sur la concurrence. C’est un vétéran de la dernière campagne mondiale tongienne, capable de jouer arrière, et qui possède lui aussi un profil d’ailier bulldozer, à quoi s’ajoute une défense extrêmement rugueuse dont il ne vaut mieux pas s’y frotter. L’ancien joueur des Sunwolves Viliami Lolohea complète le tableau des ailiers. Ce joueur amateur, licencié au club néo-zélandais de Papatoetoe, doit plus sa présence au maigre réservoir tongien à ce poste, et aux défections de certains joueurs, qu’à son maigre talent. Il a au moins le mérite d’apporter un profil différent de Vuna et Halaifonua, avec plus de vitesse et d’évitement. Le titulaire indiscutable au poste d’arrière de cette sélection tongienne depuis plusieurs saisons est l’excellent Telusa Veainu. En club, c’est un cadre des Leicester Tigers depuis son arrivée en 2015, après un début de carrière chaotique passé entre la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Ce petit gabarit, très rapide et avec des crochets incroyables, est une arme offensive d’une très grande valeur. Atieli Pakalani, aura bien du mal à changer la hiérarchie du poste, et devrait rester bloqué derrière Veainu. Cet ancien des Waratahs et international australien à sept, et ayant connu une brève carrière en Europe (avec l’US Carcassonne et à Leicester), joue aujourd’hui en Shute Shield (championnat amateur de Sydney) avec Eastwood. Polyvalent arrière-ailier, il pourrait avoir plus de temps de jeu au second poste.

QUI A RATE L’AVION ?

Latiume Fosita

Latiume Fosita

Parmi les joueurs tongiens qui manqueront cette Coupe du monde, on peut mentionner d’abord le pilier gauche clermontois Loni Uhila, qui bien que jamais sélectionné était dans les plans de Kefu pour le mondial, mais qui a décidé de rester jouer avec son club. Le Tongan Bear est un pilier moderne de très bon niveau, et qui aurait pu soulager Fisi’ihoi à gauche. De même, le polyvalent castrais Paea Fa’anunu, aurait tout à fait eu sa place à gauche, surtout avec l’absence de joueur talentueux. Un temps dans le viseur de Toutai Kefu, Pauliasi Manu, champion du monde avec les All Blacks en 2015, mais encore vierge de sélection (oui c’est possible), n’a finalement jamais été appelé. Au talonnage, l’absence du vétéran Elvis Taione, expérimenté joueur d’Exeter, est difficilement explicable. L’ex-biarrot Sione Anga’aelangi, qui était régulièrement dans la rotation à ce poste, n’a pas été retenu non plus. A droite, les tongiens profitent d’une abondance de bien impressionnante, ce qui leur permet de laisser à quai de très bons joueurs comme le Bayonnais Toma Taufa, le Rochelais Sila Puafisi ou le Vannetais Phil Kite. En deuxième ligne, le jeune Sam Ulufonua et le versatile rouenais Valentino Mapapalangi sont des joueurs honnêtes, et pâtissent de la décision d’emmener que trois seconde ligne de métier. En troisième ligne, il y a là aussi pléthore de joueurs de qualité. Le principal absent est l’excellent ball carrier Sione Vailanu. Ce joueur des Saracens (et futur joueur des Wasps), extrêmement puissant et doté d’une pointe de vitesse étonnante, était l’arme offensive n°1 des Ikale Tahi depuis ses débuts en 2017. Kefu a pourtant décidé de s’en passer pour la compétition. Les autres déçus sont le Catalan Michael Faleafa,  l’openside flanker Jack Ram ou encore Sione Tau, actuellement suspendu pour dopage. En 10,  Latiume Fosita peut se considérer malchanceux de rater la compétition, lui qui était la doublure de Morath depuis 2013, et qui s’est fait coiffer au poteau par l’émergence de Faiva. Cet ouvreur physique (1m84 pour 102kg) et joueur paye probablement ses performances plus que moyenne, et son jeu au pied très perfectible. Le polyvalent 10-15 Kalione Hala pouvait lui aussi espérer une place pour cette Coupe du monde, mais il ne s’est non plus jamais vraiment imposé. Au centre, les anciens septistes Otumaka Mausia et Fetuli Paea ratent le groupe de peu. De plus, l’explosif centre-ailier de Taranaki Latu Vaeno aurait pu sans problème faire partie du groupe, ainsi que, dans une moindre mesure, le puissant Viliami Tahitu’a. Pour le triangle arrière, le constat est simple : il que très peu de monde ayant le niveau international, et le staff tongien a dû faire feu de tout bois. Le seul joueur de haut niveau à rater le mondial est le grenoblois Daniel Kilioni, joueur rapide et explosif, qui semblait pourtant avoir une nette longueur d’avance sur Lolohea ou Pakalani. Mentionons également l’ailier Penikolo Latu, auteur d’une saison remarquée sous le maillot tongien en 2018, avant mettre sa carrière entre parenthèse en raison d’une blessure aux cervicales. S’il a récemment repris la compétition avec Napier Technical (championnat d’Hawke’s Bay), il est trop juste pour disputer une Coupe du monde.

Nili Latu

Nili Latu

On peut également parler de cette catégorie de joueurs, anciennes gloires du rugby tongiens, et actuellement au crépuscule de leurs carrières, et qui auraient pu apporter leurs vécus à cette équipe. Cependant leur âge, et fait qu’ils jouent désormais dans des clubs de seconde zone, n’a probablement pas agit en leurs faveurs. On pense ici aux avants vétérans comme Sona Taumalolo, Halani Aulika, Joe Tuineau ou encore le légendaire flanker Nili Latu. Derrière, les puissants Alaska Taufa et Sione Piukala, l’emblématique Vungakoto Lilo, ou le recordman d’essais Fetu’u Vainikolo entrent également dans cette catégorie.

Hosea Saumaki

Hosea Saumaki

Certains joueurs tongiens, encore sans sélections, n’ont pas souhaités être disputer cette compétition afin de rester sélectionnable avec leur nouveau pays d’adoption. On pense surtout à l’ailier des Sunwolves Hosea Saumaki, qui a l’intention de jouer pour le Japon après 2020. Vraiment dommage pour les Tonga car cet excellent joueur aurait été un vrai plus à un poste en souffrance. De même l’ancien centre des Hurricanes, aujourd’hui joueur des Cardiff Blues, Willis Halaholo vise la sélection galloise, avec qui il sera sélectionnable au mois de novembre prochain. L’ancien international à sept niuéen Toni Pulu, véritable sprinteur et finisseur de qualité, possède des ancêtres tongiens, mais cherche à jouer pour les Wallabies dans un futur proche.

Jimmy Tupou

Jimmy Tupou

Comme bien souvent pour les nations iliennes, ce squad tongien ne comporte aucun joueur évoluant actuellement en Super Rugby, et ce pour des raisons contractuelles que nous aborderons plus tard. Nous mentionnerons toutefois seulement les joueurs qui manqueront le plus. D’abord, le pilier Siate Tokolahi, véritable force de la nature qui joue régulièrement en Super Rugby avec les Highlanders depuis trois saisons maintenant, aurait pu être une bonne option au poste pilier droit. Le talonneur Samisoni Taukei’aho, excellent impact player chez les Chiefs aurait lui aussi pu apporter un peu plus de concurrence à son poste. Les utility forwards Taleni Seu (Chiefs) et Jimmy Tupou (Blues) ont indéniablement le niveau international pour les Tonga, mais devront probablement attendre leur départ à l’étranger pour les représenter. Le jeune demi de mêlée des Highlanders Folau Fakatava, natif des Tonga, est considéré comme très prometteur, et espère probablement un avenir avec les Blacks. Orbyn Leger, fils de l’ancien international tongien Gus Leger, est un joueur de complément correct chez les Chiefs, mais sa polyvalence centre-demi d’ouverture, et son style technique, aurait été un véritable atout. Tous trois des centres-ailiers physiques, les Rebels Sione Tuipulotu ou Semisi Tupou n’auraient pas eu de mal à avoir leur place au sein de la ligne de trois-quarts tongienne.

Charles Piutau Blues Super Rugby

Charles Piutau

Pour terminer, un certain nombre de joueurs tongiens (ou d’origine tongienne) auparavant capés avec une autre nation, avaient émis le souhait de pouvoir changer de nationalité sportive afin de pouvoir représenter leur pays d’origine. Cooper Vuna avait réussi cette démarche, ainsi que Tuitavake et Pakaliani, tous deux capés à VII. Cependant, les autres n’ont pas réussis, faute d’avoir consacré du temps pour participer aux tournois à sept et/ou devant les réticences de leurs clubs pour les libérer afin de participer à ces tournois. Le principal joueur concerné est le All Black Salesi « Charles » Piutau, frère de Siale, et actuel joueur des Bristol Bears, et dont la dernière cape avec la Nouvelle-Zélande remonte à 2015. Ce dernier, considéré comme l’un des meilleurs arrière d’Europe, est incontestablement un joueur de classe mondiale, et aurait été un apport incroyable pour les Tonga. Parmi les autres joueurs dont on a prêté une volonté de switcher d’allégeance, il y a l’ancien Wallaby Sitaleki Timani et le All Black Frank Halai.

ÉQUIPE TYPE PROBABLE

1. Ziggy FISI’IHOI– 2. Paula NGAUAMO – 3. Siua HALANUKONUKA – 4. Leva FIFITA – 5. Steve MAFI– 6. Sione KALAMAFONI – 7. Fotu LOKOTUI – 8. Ma’ama VAIPULU – 9. Tane TAKULUA – 10. Kurt MORATH – 11. Cooper VUNA – 12. Siale PIUTAU (cap) – 13. Nafi TUITAVAKE – 14. Tevita HALAIFONUA – 15. Telusa VEAINU

PRONOSTIC ET ENJEUX

Pour cette édition 2019, les Ikale Tahi sont placés dans la très difficile poule C, considérée comme la « poule de la mort » par les observateurs. Ils seront en compagnie de trois solides prétendants à la qualification en quart de finale que sont l’Angleterre, l’Argentine et la France. A ces trois équipes s’ajoute ces ambitieux outsiders que sont les Etats-Unis, en constant progrès depuis la dernière coupe du monde et qui sont aujourd’hui la 13e nation mondiale (au 20 septembre 2019). Autant dire, qu’une qualification pour les quarts semble compromise. L’objectif principal sera d’éviter la dernière place en battant les Etats-Unis, chose à leur portée sur le papier. En bonus, les tongiens pourraient se permettre le luxe de surprendre une des grosses nations, qui seront contraint de faire tourner leur effectif au vu du calendrier. Et avouons-le, la France fait figure de victime idéale. Les objectifs seront aussi dans le contenu. Les Tonga doivent prouver qu’ils peuvent, à l’image du voisin fidjien, progresser dans l’organisation surtout, mais dans la vitesse d’exécution et les phases statiques, tout en conservant leur puissance traditionnelle. Il y a du boulot en perspective.

Les Mate Ma'a, l'équipe nationale Tongienne de Rugby à XIII

Les Mate Ma’a, l’équipe nationale Tongienne de Rugby à XIII

L’enjeu de cette compétition dépasse cependant largement une simple volonté de résultats. C’est une aujourd’hui une question de survie pour le rugby tongien, du moins pour sa variante à XV. Car voilà que surgit très inattendue concurrence du rugby à XIII dans l’archipel. En effet, depuis 2017, les rétributions des joueurs ont été équilibrées entre grandes et petites nations, et certaines stars treizistes d’origine tongienne comme Jason Taumalolo ou Andrew Fifita ont décidés de représenter le pays de leurs ancêtres. En résulte alors une coupe du monde très réussie, avec comme point d’orgue une victoire historique contre la Nouvelle-Zélande en poule, et une place de demi-finaliste. Depuis la popularité des Mate Ma’a (surnom de la sélection tongienne) explose au Tonga, éclipsant aisément celle des Ikale Tahi, et de plus en plus de jeunes se tournent vers le XIII plutôt que le XV, appauvrissant un réservoir de joueur déjà faible . Faute de moyens propres, et sans aides efficaces (c’est-à-dire qui ne soit pas détournée par les officiels tongien) de World Rugby, le XV tongien est incapable d’enrayer ce processus.

L’autre fragilité du rugby tongien est son réservoir de joueurs. De par la faiblesse du nombre de licenciés aux Tonga (8 000), les Tonga doivent déjà faire appel à leur importante diaspora, présente surtout en Nouvelle-Zélande et en Australie. Cette diaspora représente désormais une part très importante du squad tongien, alors qu’en 1987, quasiment tous les joueurs étaient nés aux Tonga. Par exemple, le squad pour cette coupe du monde compte seulement 16 joueurs nés aux Tonga, et dont seulement cinq y ont terminés leur formation rugbystique (et un seul joue encore dans le championnat local). Les joueurs sélectionnables avec les Tonga pullulent donc en Nouvelle-Zélande et Australie, mais pour eux, jouer pour les Tonga mettrait en danger leur carrière professionnelle dans les championnats locaux, en plus de mettre un terme à leur lucrative ambition de représenter un jour ces nations plus huppées.  De plus, les places pour les joueurs non sélectionnables sont très rares dans ces championnats, et un néo-international se verrait poussé vers la sortie, et devrait continuer sa carrière à l’étranger. A tout cela, s’ajoute désormais la massive concurrence japonaise, via des programmes d’études rémunérées, font venir dans leurs lycées et universités les meilleurs espoirs tongiens dès l’adolescence. Tout ceci dans le but d’en faire profiter les clubs de Top League, et la sélection nationale. Les exemples actuels sont des joueurs comme Amanaki Mafi, Asaeli Valu ou Ataata Moeakiola.

C’est à ce titre que la prochaine coupe du monde au Japon prend l’air d’un baroud d’honneur pour le XV tongien.


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