Il manque 50 centimes
Landes. Caisse d’Intermarché, vers 14 heures à un moment creux de la journée.
La dame devant moi est bloquée. Il lui manque 50 centimes d’euros pour pouvoir emporter ses courses. Des courses à minima, vraiment à minima. Et pas au top.
Elle jette autour d’elle un regard anxieux.
Pas grave, j’ai la solution, il n’y a qu’à les mettre sur ma note, je n’ai pas de monnaie sur moi mais j’ai ma carte bleue.
La caissière acquiesce. La dame a si peu de choses, je dis que je paie tout, ce sera plus simple. Je viens de voir ses quatre sacs, j’imagine qu’elle est SDF et pourtant elle est bien mise, jolie, française, petite cinquantaine soignée et même ses quatre sacs dans le rose sont assortis à sa tenue.
Elle se confond en remerciements, me propose ses piécettes que je décline toute confuse.
La dame disparaît alors que je bataille avec mon gros caddie.
De retour dans ma cuisine, je regarde le début de ma note et donc la liste de ses courses.
Quatre éléments pour un montant de 2,90 euros :
Top budget cola pet un litre cinq 0,43 euros
Chabrior extra moelleux 0,63 euros
Ivoria pâte à tartiner 1,18 euros
Top budget spécial fromage 0,66 euros.
Depuis, je n’arrête pas de penser à elle. Je l’ai aperçue sur la route marchant à pied sous la grande canicule. J’aurais dû mieux l’aider.
Où dort-elle à cette heure ? Comment fait-elle avec les prédateurs ? Quelle est son histoire terrible ? Combien de temps va-t-elle tenir avec ses affreuses tranches de pain de mie ? A-t-elle accès à de l’eau potable ?
Comment survivre dans tant de détresse ? Notre monde est-il si sauvage ?
Thérèse Marsan
Septembre 2019