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Quand une minuscule banque suisse s’en prend au géant missilier MBDA

Publié le 26 septembre 2019 par Infoguerre

Quand une minuscule banque suisse s’en prend au géant missilier MBDA

La banque suisse Aldini AG, basée à Fribourg (CH), accuse le missilier européen MBDA de fraude lors du rachat d’une pépite française des semi-conducteurs, le grenoblois Dolphin Intégration à l’été 2018. Les choses ont débuté en 2012 lorsque Dolphin commence à souffrir du ralentissement de l’économie mondiale et la diversification concurrentielle de ses clients historiques. En effet, en quelques années, Dolphin se trouve en situation très précaire au moment de son rachat: la société avait enregistré une perte de 1,2 millions d’euros sur l’année 2017, lors de son dernier exercice complet dont KPMG, son commissaire aux comptes, avait même publié un rapport d’alerte dès la fin de la même année. En juin 2018, Dolphin annonçait une baisse de son chiffre d’affaires et un gros report de commandes susceptible de menacer la continuité d’exploitation. Un mois plus tard, le groupe, en cessation de paiement, était ainsi placé en redressement judiciaire. L’affaire inquiète jusqu’en haut lieu alors que Dolphin, lancé en 1985 avec l’appui de la Direction générale de l’armement (DGA), est un fournisseur important de Thales et Airbus, mais aussi de MBDA, qui utilise ses puces dans ses missiles. Fin août 2018, la société de pointe cotée sur Euronext, est finalement reprise par une (Joint-Venture) co-entreprise détenue à 60 % par Soitec, également expert de l’industrie micro-électronique, et à 40 % par MBDA, groupe figurant parmi les leaders mondiaux de conception et de fabrication de missiles, lui-même parent avec Airbus. « Une opportunité stratégique » pour la société de micro-électronique Soitec basée à Bernin, dans la vallée du Grésivaudan. « L’accès à l’ensemble de l’industrie de l’armement française et européenne » pour le géant du missile MBDA.

Enjeux des technologies embarquées sur missiles

L’acquisition ne doit rien au hasard. MBDA était déjà un client important de Dolphin depuis 2004 pour les applications liées à l’armement. Cela permettra au missilier d’« intensifier sa coopération industrielle avec Dolphin Integration ». Et pour Dolphin, le but devient donc de « faire progresser ses positions dans les domaines de l’aéronautique et de la défense ». Quant à l’entreprise iséroise Soitec, elle est déjà active dans les circuits électroniques à faible consommation, au travers de sa technologie silicium sur isolant (SOI pour “silicon on insulator” en anglais), alternative au procédés sur silicium brut. Elle absorbe ainsi le savoir-faire de Dolphin Integration pour « renforcer son offre de brevets et services dédiée aux solutions sur le plan énergétique pour le design de puces. Quasiment au même moment, juste un peu avant vraisemblablement, Soitec annonçait vouloir investir 120 millions d’euros en Isère… et recruter.

Le groupe isérois Soitec, renouait avec une forte croissance et annonce poursuivre sa stratégie d’investissements massifs dans ses usines de Bernin. Avec de nombreux emplois à la clé. Il est loin le temps de la crise pour Soitec, celui de l’abandon de la division solaire et des nuages noirs sur l’emploi. En manque de contrats, la société s’est recentrée en 2016 sur ce qu’elle savait faire de mieux : l’électronique. Et a procédé à une restructuration de sa gouvernance. Après avoir relevé la tête en 2017, elle confirme son rétablissement. Publiés courant juin 2018, ses résultats économiques témoignent ainsi du succès de cette réorganisation. Le fabricant de matériaux semi-conducteurs (notamment de plaques de silicium sur isolant) a enregistré un chiffre d’affaires de 310,6 millions d’euros, en hausse de 26 % par rapport à l’exercice précédent. À taux de change constants, ce chiffre s’élève à 31 %. Cent millions d’euros investis en 2016-2017 Un bilan favorable qui permet au groupe basé à Bernin d’envisager de nouveaux investissements, en particulier en Isère. En 2016-2017, il avait déjà investi 100 millions d’euros au total, dont 55 sur ses deux usines de Bernin. Ce sera davantage encore cette année, comme l’annonce le directeur-général de Soitec Paul Boudre, dans un document annuel de référence disponible sur le site web de l’entreprise.

Au total, le groupe Soitec devrait investir environ 120 millions d’euros en 2018-2019, à Bernin mais aussi à Singapour, où il possède une usine. À en croire le président du conseil d’administration Thierry Sommelet, cette stratégie bénéficiera à l’ensemble du territoire isérois : « La santé économique recouvrée de l’entreprise participe directement à la dynamique favorable de tout l’écosystème grenoblois », confie-t-il dans ce même document. Ils annoncent même d’importants investissements « Nous avons réagi parce que personne d’autre ne réagissait », soulignait le patron de MBDA Antoine Bouvier le 19 mars 2019, lors de la présentation des résultats 2018 du groupe. « L’objectif est d’éviter la reprise de cette activité par des acteurs non européens potentiellement hostiles. Le maintien de ce genre de compétences hautement technologiques est non seulement un facteur de souveraineté française, mais de souveraineté européenne ».

La guérilla juridique

Mais certains actionnaires minoritaires de Dolphin, dont le groupe français David Gerbier (classé dans les 500 plus grandes fortunes de France) et surtout la petite  banque suisse Aldini, ne l’entendent pas de cette oreille. Cette banque d’affaires discrète, basée à Fribourg, se lance mi-2018 dans une guérilla juridique impitoyable pour bloquer le rachat de la pépite grenobloise. « Ce qui est arrivé à Dolphin Intégration est scandaleux et s’apparente à un cambriolage d’entreprise, effectué secrètement en août au moment où toute la France était à la plage », justifie Daniel Baumslag, responsable des marché dette et actions chez Aldini, cité dans un communiqué. Sur demande de la banque, un huissier a même tenté de saisir des documents au siège de MBDA, au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), le réveille se fait sous haute tension. Munie d’une ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre, une huissière de justice, accompagné de deux policiers du commissariat de Clamart et d’un expert informatique, pénètre à 9h35 dans le QG du géant européen des missiles (3,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires).

Selon une ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre, l’huissière a pour mission d’accéder aux courriers, emails, dossiers et ordinateurs du PDG de MBDA Antoine Bouvier et du directeur général de MBDA France, Henri Berger. Objectif: recueillir tous les documents en lien avec le rachat de la pépite française des semi-conducteurs Dolphin Intégration par MBDA et Soitec à l’été 2018. La procédure a été lancée par une banque suisse quasi inconnue, Aldini, actionnaire minoritaire de Dolphin qui conteste le rachat de la société grenobloise.

Mais l’opération tourne court. MBDA, évoquant des « éléments couverts par le secret défense », refuse de donner accès à ses documents. L’huissière de tenter de négocier: elle propose de laisser les documents dans un « container chiffré » au sein des locaux du groupe. Mais la direction juridique du missilier et l’avocat du groupe restent inflexibles. Après trois heures de pourparlers dans une salle de réunion, l’huissière se retire finalement. Dans son procès-verbal, elle prend acte de l’ »obstruction » de MBDA. Le groupe européen assume. « MBDA et ses locaux sont soumis aux dispositions de l’ordonnance ministérielle N.1300 sur la protection du secret de la défense nationale, explique le groupe, une coentreprise détenue par Airbus, BAe et l’italien Leonardo. MBDA conteste aussi l’ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre. « L’exécution de la recherche de documents excessivement large et disproportionnée de l’ordonnance du juge de Nanterre obtenue frauduleusement, qui plus est par une société étrangère, constituait une violation de la loi à laquelle MBDA ne pouvait que légitimement s’opposer ».

La polémique sur le mode opératoire de MDBA

La première procédure, devant le tribunal de commerce de Grenoble, ayant été un échec. Dans un jugement rendu le 18 décembre 2018, le tribunal de commerce assure ne voir aucune fraude dans l’opération. Le tribunal estime même que la position d’Aldini et de ses alliés « repose sur des affirmations non démontrées » et ne constitue qu’une « tentative désespérée, dans un but purement dilatoire, de paralyser l’exploitation de la société » en dépit des « conséquences dommageables prévisibles sur l’emploi et la pérennité d’une activité hautement stratégique ». Aldini et ses alliés sont déboutés et condamnés aux dépens.

Mais la banque suisse n’a pas dit son dernier mot. Elle ouvre une nouvelle procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre, du fait de la domiciliation de MBDA dans les Hauts-de-Seine. Pari gagnant: le 02 avril 2019, elle obtient l’ordonnance du tribunal de commerce de Nanterre, qui autorise un huissier de justice à accéder aux courriers, dossiers et e-mails des dirigeants de MBDA en lien avec le rachat de Dolphin. « C’est uniquement en dissimulant des informations essentielles au tribunal qu’Aldini a pu obtenir une autorisation de pratiquer des mesures d’instruction civiles », répond MBDA. Mais que reproche l’investisseur suisse aux acheteurs ? La banque estime que les dés étaient truqués dès le départ, avec la présence au conseil d’administration de Dolphin d’un représentant de MBDA, Harold Van Den Bossche, et d’un cadre de Soitec, José Bériot. Ceux-ci, estime Aldini, disposaient d’ »informations privilégiées » et ont agi comme des « chevaux de Troie » dans le rachat de la société, se rapprochant dangereusement du délit d initié.

Surtout, Aldini estime que Dolphin a été vendu à un prix bradé, sans rapport avec son véritable potentiel. La banque évoque ainsi un prix d’achat de 200.000 euros, alors que « la société vaut au moins 200 millions d’euros », assure un porte-parole de la société. « En se basant sur les multiples de valorisation de Soitec, la valorisation de Dolphin serait même plus proche de 350 millions d’euros », estime la banque suisse. Le calcul apparaît contestable. Soitec est valorisé à six fois son chiffre d’affaires (2,8 milliards d’euros, pour 444 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018-2019). Avec ce multiple, même un Dolphin en bonne santé ne vaudrait que 107 millions d’euros. Certains s’interrogent donc sur les motifs de la guérilla lancée par Aldini. Simple colère de voir une société prometteuse vendue pour 200.000 euros et retirée de la cote? « C’est l’hypothèse la plus probable. Mais alors, pourquoi envoyer un huissier chez MBDA, et pas chez Soitec, qui est actionnaire majoritaire de Dolphin? »

Billard en trois bandes 

Les informations sont, en tout cas, rares sur la banque suisse. Dans sa communication, Aldini se présente comme « une banque d’affaires européenne qui gère 1 milliard de dollars et investit 100-150 millions d’euros par an dans les petites et moyennes entreprises ». Mais si son siège est installé à Fribourg, son dirigeant, Daniel Baumslag, est aussi cité comme un des dirigeants de KBC Aldini , un fonds basé à Dubaï et dirigé par un investisseur indien, Kalani Mangilal. Or, ce monsieur Kalani Mangilal, est aussi un haut dignitaire de la diaspora indienne de par ses activités passées ; enregistré a plusieurs objets au registre indien « Ministry of Corporate Affairs (MCA) »

Il en faut peu pour comprendre qu’à cette échelle, les connexions ont une valeur bien particulière, dont les zones grises de l’écosystème du Moyen-Orient permet une agilité vorace  comme l’explique Jerry Harris dans «  The Nation in the Global Era: Conflict and Transformation » et que de la – à être proche des acteurs du gouvernement, qu’elle qu’ils soient, – rien n’est moins probable.  En parallèle de ces machinations juridico-financières, se déroulent justement un rapprochement MBDA/Larsen & Toubro (L&T) dans le cadre du programme indien « fabriquons en Inde » de MBDA, né du conglomérat industriel international privé L&T, avec qui ils ont fondé une société conjointe (JV) pour le développement et la production de systèmes de missiles pour satisfaire les besoins croissants des forces armées indiennes. Cette JV dénommée L&T MBDA missiles system Ltd, détenue à 51% par L&T et 49% par MBDA, sera enregistrée en Inde et sujette aux lois indiennes. Elle a pour raison principale le développement et la production de missiles et systèmes de missiles dans le cadre des programmes indiens de défense. Elle commencera ses opérations durant ce premier semestre 2017 une fois toutes les formalités accomplies.

L&T et MBDA, qui sont depuis longtemps partenaires, ont pu évaluer la forte synergie de leurs activités qui s’est déjà manifestée par des partenariats et co-développement et production de sous-systèmes majeurs tels que le lance missile MICA , des structures de missiles et des actuateurs pour des programmes de la défense indienne. Les deux sociétés sont convaincues qu’elles sont maintenant prêtes à proposer des systèmes d’armes aux forces armées indiennes en commençant par le développement et la production de missiles antichars, des missiles de défense côtière et des drones de grande vitesse. « Notre stratégie en Inde a toujours été de former des partenariats au meilleur niveau avec les forces armées et les industriels indiens. Ceci nous a conduit à effectuer des transferts de technologie et de production ainsi qu’à établir des partenariats avec des entreprises indiennes. Cette JV est une conclusion naturelle de notre stratégie de partenariat et avec L&T je suis convaincu que nous avons choisi le partenaire indien idéal» a déclaré peut être un peu contraint de fait, Antoine Bouvier, CEO de MBDA, a Chennai, le 11  Avril 2018.

Particulièrement, quand on s’aperçoit qu’ il existe bien un lien avec Aldini et un certain M. Prabhakar Anantharamaiah Banavar, Directeur Financier de L&T qui n’est autre qu’ un autre bout de la chaine relie par un intermédiaire, dirons-nous, d’affaires, nomme M. Harshraj Chandras Mariwala avec M. Mangilal Kalani  (Aldini Bank) qui se connaissent de longue date. Vraisemblablement, l’affaire ne se cantonne pas à des moyens de pressions détournés pour s’octroyer des parts de marches, sécuriser l’environnement concurrentiel ou contraindre des transfert de technologies, … pourrait peut-être aussi avoir contribué indirectement  à l’arsenal de négociations déployé concernant les rebondissements dans  l’affaire « dite des rafales (Dassault) » débuté en 2012, lesquels – pour ceux restants en jeux- devraient être équipés de missiles MBDA pour l’Inde fin Septembre 2017 .

Alexandre Schmitt

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