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Chirac, l’homme et le politique

Publié le 01 octobre 2019 par Alex75

Jacques Chirac s’est éteint, vendredi dernier, à 86 ans. Une file d’attente interminable à l’Elysée, les Français se pressant pour signer leur registre – livre d’hommage, ouvert en l’honneur de Jacques Chirac, pour un président qui est jugé sympathique par 9 Français sur 10. Un hommage public lui a été rendu par des milliers de Français, ce week-end, venus se recueillir devant sa dépouille aux Invalides. Un hommage militaire lui a été rendu ensuite, ce lundi 30 septembre, en présence du président de la République Emmanuel Macron, dans la cour carrée des Invalides, suivi d’une messe à St-Sulpice en présence de différentes personnalités, puis de son inhumation dans la plus stricte intimité familiale. Depuis samedi matin, toute la classe politique salue l’homme, son amour de la France, le parcours du combattant d’un grand fauve qui a arraché deux mandats présidentiels. A l’heure du départ, ces adversaires saluent ces grandes oeuvres. C’est le bal des hypocrites dans les médias. Tous ceux qui l’ont traité de « supermenteur », qui l’ont attaqué notamment pour les « affaires » et qui, au mieux, ont jugé sa présidence totalement inutile, rivalisent de louanges devant les caméras, tel le commentait récemment l’économiste Mac Fiorentino.

« C’est la règle du genre » mais on ne s’y habitue toujours pas, pour le citer encore. La palme d’or revient à Anne Hidalgo : « Il sera à jamais notre maire ». Pendant plus de quarante ans, Chirac a participé au gouvernement de la France et dansé sur le fil du pouvoir, fascinant funambule. Sa carrière témoigne d’un art de convaincre et de manipuler, l’histoire politique contemporaine se résumant à son nom pour la majorité des Français en 2019, tel l’analysait Denis Jeambar dans un réquisitoire sans équivoque. Sa vie publique est un miracle, une succession de résurrections dont le secret est l’imposture, la politique chiraquienne reposant sur un artifice. Il suffit de proclamer une idée pour faire croire qu’elle se réalisera. Un président qui est jugé sympathique par 9 Français sur 10, ce qui fait distinguer l’homme qui rattraperait le politique. Du monde entier également des messages de soutien affluent. Quel image laisse-t-il ? Quels sont ses parts d’ombre ? Quel est son bilan politique ? Quel est son parcours ? D’où vient-il ? Qui était vraiment Chirac ?

C’est une page de l’histoire de la France qui se tourne, il faut le reconnaître, Chirac représentant plus de 40 ans de vie politique. C’était l’un des derniers dinosaures de la vie politique. Il est dans notre paysage depuis très longtemps. Il a été élu pour la 1ère fois en Corrèze en 1967. Il a été 9 fois député, 7 fois ministre, maire de Paris pendant 18 ans, 2 fois premier premier ministre, plusieurs fois candidat à la présidence et élu à la 3e tentative. Chirac, c’est 16 ans à la tête du pays, entre premier ministre et président. Des hommes politiques contemporains qui ont été 16 ans au pouvoir, il y en a pas d’autres. Mitterrand a été pouvoir pendant 14 ans. Pour bien des Français, le temps est venu de juger Jacques Chirac sur ses actes. La question du bilan ? Lorsqu’il est président, on retient son discours contre la guerre en Irak, la suspension du service militaire. Mais c’est bien peu. Le réquisitoire de Denis Jeambar est implacable, dans un essai paru en 2007. Tout ou presque est faillite dans ce bilan moral, politique, économique, social, institutionnel chiraquien. L’Histoire saluera cette longue carrière de conquérant du pouvoir, mais condamnera sans doute un président sans qualité. Le problème principal de décrypter le chiraquisme, c’est qu’il n’y a pas une pensée chiraquienne, car il n’a pas arrêté de changer d’avis sur les sujets les plus importants de la vie politique française et mondiale. Ainsi il se revendiquait de la famille du gaullisme, qu’il a ruinée, non comme un héritier prodigue, mais parce qu’il a capté l’héritage afin de servir sa soif de conquête du pouvoir, dont il ne savait que faire ensuite.

Jacques Chirac a flirté tout jeune avec le parti communiste, exploré rapidement les arcanes du PS avec Michel Rocard, s’est laissé séduire par l’Algérie française durant ses années de service. Puis il a rallié le gaullisme par opportunisme et l’a pratiqué sous la forme du pompidolisme. Avant de le condamner et de se faire le défenseur du travaillisme à la française, dans les années 1980, furieusement néo-libéral inspiré du modèle thatchéro-reaganien et qui a fait campagne en 1995 sur la fracture sociale. On ne peut pas imaginer plus différent. Celui du discours en 1991 sur le bruit et les odeurs, qui a appelé à faire barrage à Le Pen en 2002. Il a fait des appels à se désolidariser des Américains sur la politique européenne et est devenu très pro-européen arrivé à l’Elysée. Personne n’a mieux compris cette règle du jeu de l’utilité de la ruse que Chirac, sa vie politique étant passée par toutes les couleurs, se faisant élire sur le social en 1995, puis réélire en tant que dernier défenseur des libertés face au péril fasciste. A ce niveau – là, la ruse devient opportunisme et l’habileté, un machiavélisme. Nul ne sait ce que pensait cet homme et le savait-il lui même ?…

Il y a une épopée Chirac, il faut le dire. C’est un garçon né à Paris, de parents de la moyenne bourgeoisie. Le père travaille dans la banque, puis chez Dassault dont il gérait les comptes. Chirac réussit à apparaître comme l’homme qui aurait des racines paysannes, tout à fait inventé, ses quatre grands-parents étant instituteurs. Sorti de l’ENA, il vient de se lancer en politique, quand Pompidou, alors premier ministre le remarque. Il l’envoie arracher la Corrèze à la gauche. Le père Dassault financera sa campagne électorale. La Corrèze a beaucoup servi dans la proximité chiraquienne. Il est élu député de Corrèze en 1967 et conseiller municipal à Sainte-Féréole, où son grand-père était instituteur. C’est la classique posture barrésienne. Les pieds dans la glaise. La terre qui ne ment pas. Il a opté pour la Corrèze, comme Mitterrand le Nivernais. Elu en 1969, Pompidou le nomme secrétaire d’Etat. Chirac est efficace. Pompidou le surnomme mon « bulldozer ». Il crée l’ANPE. A la mort de Pompidou en 1974, qui fut son mentor, il cherche à se positionner. Il y a plusieurs candidats à droite. C’est alors qu’il a trahi Chaban, qui était le candidat gaulliste, en ralliant 43 députés gaullistes sur la candidature de Giscard. Cela lui valut d’être nommé premier ministre par Giscard pour ce coup de poker.

A cette occasion, Chirac entérine le regroupement familial. Il présente l’image du jeune énarque brillant, dessiné sous ses traits dans un album d’Astérix, un grand maigre au costume trop court avec des lunettes d’expert-comptable. Son comportement le gêne aussi. Il était très figé, avec un costume trois pièces. Mais Giscard cumulait à la fois l’Elysée et Matignon. L’inimité devient forte entre les deux hommes. Chirac finit par démissionner en 1977, pour conquérir la mairie de Paris – suite aux 1ères municipales mettant fin au statut spécial de Paris – et créer le RPR dont il fit un outil de conquête du pouvoir. La mairie de Paris lui servira de tremplin, par ses infrastructures, son rayonnement. L’activisme notamment international que la capitale lui offrait, lui permit de se faire connaître sur la scène internationale. Il remplace ses lunettes par des lentilles et se met à porter des costumes plus amples, pour se détacher de son image un peu coincé. Il se construisit une image, celle d’un Chirac encore jeune, dynamique et fringant. Celle de mes souvenirs d’enfance, d’un grand beau gosse aux cheveux gominés et plaqués en arrière, qui claquait la bise à Madonna reçue pour un gala.

La politique, c’était sensuel, cela consistait à inspirer le désir. Chirac est un bel homme, qui plait à l’électorat féminin. Il fait battre Giscard pour faire élire Mitterrand en 1981, en ne donnant pas de consignes de vote au 2e tour et s’impose comme le chef de l’opposition, avec le RPR. Il parvient à arracher la cohabitation à Mitterrand en 1986, qui le nomme premier ministre. Il est battu au 2e tour des présidentielles par Mitterrand en 1988 et replonge dans l’opposition. Sa femme Bernadette avait déclaré en 1988, « les Français n’aiment pas mon mari ». Il a quand même traversé beaucoup de déserts avant d’arriver au pouvoir. Il a été humanisé, car il a connu des hauts, des bas. Une seconde cohabitation s’impose en 1993 et Chirac fait appel à Balladur pour le poste de premier ministre. Balladur le trahira en se présentant contre lui en 1995 et se verra rallier Sarkozy, Séguin et Pasqua qui pensaient aussi que Chirac étaient un très mauvais candidat.

Mais Chirac finira enfin par l’emporter, sur un slogan affligeant et aussi vide que sa campagne « Mangez des pommes », sa victoire s’étant opérée à un cheveu. Fin 1994, on le crédite pourtant que de 14 % des voix. Il commettra des bourdes, comme la dissolution de 1997. Chez la plupart des hommes politiques français, il y a un fil, quitte à faire attention, à remettre dans sa malette ce qui ne passe pas dans l’opinion. Mais on a pas des zig zag aussi importants. Le Chirac de l’appel de Cochin et le Chirac européen sont très opposés. C’est très difficile de comprendre. Il appelle à voter oui à Maastricht en 1992, contre l’avis de son camp, de Pasqua et de Séguin. Il le fait plus pour paraître progressiste aux yeux d’une partie de l’opinion (qui était partagée et aurait voté non si la prise de position de Chirac avait été autre), que par conviction. Chirac est avant tout un opportuniste. Pour conquérir, il tient un discours qui est porteur de son point de vue, à ce moment-là. Il a été très contradictoire. Ces contradictions l’empêchent de passer à l’action. En 1994, il disait en riant, « vous serez surpris par ma démagogie ».

On le présente souvent comme un rassembleur, mais cela reste discutable. Il a été un facteur de division, quand il était président du RPR. La déchirure nationale l’a plutôt contraint à l’immobilisme. Elu sur le discours sur la fracture sociale, à l’automne 1995, il faut un virage à 360 ° et a mis la France dans la rue. En 1986, avec Oussekine, c’est une 1ère affaire pour lui. Il comprend qu’on ne peut pas secouer la France. Finalement, il comprend avant d’autres, que la réforme ne peut plus se faire comme on la fait dans les années 1960. Il n’a cependant jamais transigé sur les valeurs républicaines de droite, si l’on peut dire. En dépit des discours populistes des années 1980 qui le firent surnommer « Facho Chirac » et de l’alliance du RPR avec le FN à des élections municipales en 1983. Au début, il a été très maléable. Chirac cherchait le pouvoir, pour se fuir lui-même, mais était dans un flottement quand il le décrochait. Elu en 1995, il venait d’être élu, étant à l’Elysée parmi tous les journalistes, il ne savait pas ce qu’il allait faire de son mandat, presque désemparé, comme l’a commenté Raphaëlle Bacqué. Et dans une même situation de flottement, élu en 2002, buvant de grands verres de coca-cola pour rester réveillé et ça ne prenait pas. Il a eu à plusieurs moments des périodes de flottement au pouvoir.

Il est devenu gaulliste social, mais il était plutôt radical-socialiste. Sur le plan international, il a un bilan, que l’on soit d’accord ou pas. Il y a eu le non à la guerre en Irak. L’Irak, c’est une non-action. C’était très important. Le fait de ne pas envoyer la France se battre en Irak. Mais ça fait peu, en 40 ans de vie politique. Et son viatique sur les droits de l’homme est bien maigre pour voyager. Il dit aimer la France, mais ne sait en parler. On peut y voir une modestie, le refus d’un lyrisme trop lourd. Jacques Chirac connaît les grands de ce monde, mais ne connaît pas le monde, le découvrant dans sa version Potemkine, de cortège officiel en salon d’honneur d’aéroport. Même si sa culture politique, géopolitique, historique ressemble à une anthologie des relations internationales de 1970 à nos jours. Mais c’est sans projet et sans ambition. La France est le pays le plus visité du monde, mais c’est une nation-musée aujourd’hui. On le voit d’ailleurs, dans la perte d’influence de la France au Moyen-Orient. Dans notre pré-carré de l’Afrique de l’Ouest, Chirac a pratiqué une politique à l’ancienne. Sur le plan intérieur, c’est extrêmement controversé. Maire de Paris, il n’a pas pris la moindre mesure écologique, en dépit de sa promesse de se baigner devant huissier dans la Seine. Sur le plan économique, ses réformes ont été assez minces.

Sur le plan institutionnel, il n’a pas rendu les institutions aussi solides qu’à son élection, son bilan constitutionnel étant connu. Il y a l’ombre des affaires. Depuis le scandale de Panama, qui a vu tant d’élus de la IIIe République pris dans la tourmente de la corruption financière, la France n’avait pas connu une telle affaire, que celle des emplois fictifs et des HLM de la ville de Paris. Mais c’est quelqu’un qui a traversé un époque, les lois sur le financement des partis politiques ayant profité de pratiques qui sont formellement interdites. Sarkozy avait dit que c’était un roi fainéant. Quand on cherche quelque chose, on ne trouve guère de changement. 82 % des Français votent pour lui en 2002, soit l’ensemble des Français et de la gauche, disant qu’il avait compris le pays, place de la République, devant des milliers de drapeaux français, algérien et marocain. Et il fait un gouvernement réunissant 18 % des suffrages et nullement d’union  nationale. Le bilan politique se termine avec 2 ans de prison avec sursis. Ca n’a été pas un grand président, mais auxquels les Français restent attachés par cette image qu’il laissait. Car c’est une époque.

Il y a une nostalgie des années Chirac. Cette émotion et cet intérêt pour le personnage, les Français les connaissent depuis son départ de l’Elysée, en 2007. Les années 2005 – 06 ont été des années redoutables, terminant son mandat à 30 % de popularité. Chirac était lucide sur le fait qu’il était devenu populaire, parce qu’il ne faisait plus rien. On a pas oublié ces épopées, suivi pendant 40 ans. Il était dans un trou, puis dans un sommet. En revanche, il n’a jamais recueilli aux élections plus de 18 % des voix. Bernadette Chirac en a été à déclarer « les Français n’aiment pas mon mari » à sa défaite en 1988. Mais c’était le président de la République le plus populaire dès 2009, arrivant largement en tête, devant Mitterrand. Chirac inspirait aussi une nostalgie d’avant – crise, ayant percé dans les années 60 – 70 puis 80, au début du chômage de masse et quelque part c’est l’aspect le plus conquérant de sa carrière politique. Et puis ce président a les vertus de proximité que ses successeurs n’ont pas eu. On sort d’un mouvement social et d’une année extrêmement difficile pour le président Macron et certains critiquent une distance par rapport aux Français, de l’arrogance, ce qui n’était du tout la caractéristique de Chirac.

En matière de proximité, on a retrouvé cette tentation. On a retrouvé cette phrase : « J’apprécie plus le pain, le pâté et le saucisson, que les limitations de vitesse ». Ca raisonne à l’heure des gilets jaunes et des limitations de vitesse. Il était proche des gens, il avait une écoute des autres. Il n’y a pas d’exemple comparable à celui de Chirac. Il pouvait passer une journée à chercher une chambre d’hôpital pour un enfant qui était malade, parce que la concierge d’un immeuble à côté de la mairie de Paris lui avait raconté l’histoire d’un enfant malade. Jacques Chirac avait la poignée de main facile et chaleureuse. Il avait toujours un mot gentil. Tous ses amis et adversaires rappellent la force de ce Chirac, qui avait le contact facile. C’était un vrai président normal. Il y en a après qui a voulu y jouer. De tous les témoignages le concernant, il prenait souvent la peine d’appeler pour prendre des nouvelles de la famille, ce qui était parait-il sincère. Qu’on aime ou qu’on aime pas Chirac, il avait cette tendance. Au fond, il a sans doute aimé plus les Français qu’incarnait la France et ça a aura été sa façon d’être président de la République, d’où un bilan assez contrasté. Sympathique est l’adjectif mis pour les sondeurs pour Chirac.

Les inventaires pour de Gaulle ou Mitterrand sont arrivés peu après, mais là les affections sont lucides, émanant parfois de personnes n’ayant parfois jamais voté pour lui. Il n’y a pas de panégyriques. Mais en même temps, l’homme parfois sauve l’homme politique. Il y a une espèce de comparaison que l’on veut avec ces successeurs. Il touche ce que beaucoup de Français pensent, qui trouvent les politiques, lointains, austères, distants, technocratiques, éloignés des préoccupations des Français. Alors même qu’on le rejetait politiquement, à sa fin de mandat, c’est quand même quelqu’un de sympathique. C’est une période qui s’en va. On les a tellement rejetés, tous, que c’est important d’avoir ça. Même si le bilan est très contesté. C’est l’homme auquel on rend aujourd’hui hommage. C’était un bon vivant. Jean-Lous Debré commente ce souvenir d’une escapade matinale improvisée à Rungis avec Chirac dans les années 80, à manger une entrecôte de 800 g. Il incarne un personnage gaulois avec une gestuelle, des citations, des perles, le rire. « L’Europe, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre » « On fait des cadeaux avant les élections, et on décide les impôts tout de suite après. » « Dans une campagne électorale, quand vous voyez un buffet il faut manger. Quand vous voyez des toilettes, il faut y aller. » « Ce type, c’est quand même un remède contre l’amour, non ? » (A propos de Balladur). « Qu’est-ce qu’elle veut cette ménagère, mes couilles sur un plateau ? » (à propos de Thatcher).

Il y a l’incarnation du personnage auquel on a envie de ressembler, il est grand, il est beau, il a de l’allure. On le disait sympathique, sincère, mais le problème de la sincérité d’un homme politique, c’est compliqué. Les Guignols l’ont aidé beaucoup avec « Mangez des pommes », mais aussi « Super menteur », ce qui est le contraire de la sincérité, le talent de Chirac étant de paraître sincère en des moments où peut-être il jouait un peu. Le paradoxe c’est le Chirac sympathique, mais aussi l’animal politique sans pitié, ayant suscité des haines politiques tenaces. Chirac est déjà sans conviction réelle.  Il a trahi des amis, été trahi aussi. Il a connu des scandales, été englouti dans des affaires et a eu le temps, l’énergie de s’en relever. Il y a du pour et du contre qui permettent de commenter la complexité de l’homme. Il y a le Chirac sympathique et le Chirac brutal, d’une sévérité, d’une dureté. On l’a surnommé « le bulldozer » au début de sa carrière politique. Il était capable d’éliminer ses adversaires sans affect, sans état d’âme, brutal dans ses débats télévisés face à Fabius. Les Chirac se sont succédés. L’homme qui s’est révélé s’intéressant au temps long, avec les arts premiers. Et chacun peut retrouver un peu le Chirac qu’il a aimé. Le Chirac « bulldozer » repéré par Pompidou, a plu à certains gaullistes, puis il y a le Chirac du salon de l’agriculture. Chirac a inauguré cette pratique. Mitterrand n’allait pas au salon de de l’agriculture et depuis tous les présidents y vont.

On a cette image du président qui dévore sur les stands au salon de l’agriculture et celui des arts premiers, étant présenté comme complexe. Il faut s’adapter à tous les publics, Chirac étant souvent associé à la bière, la Corona, la BD et le salon de l’agriculture. Sa passion pour les arts asiatiques, on eut pu penser qu’il aurait pu y associer les Français, dans la suite de Malraux. Mais il a tout gardé pour lui et n’a pas voulu en parler, ayant pu en faire un atout. Il y a cette complexité, cette passion remontant à son enfance où il séchait les cours pour aller au musée Guimet. L’hypothèse est que c’est venu petit à petit, que ça s’est développé plutôt après les années 90. Ca révèle une sorte de contradiction apparente, pour quelqu’un qui a toujours montré une forme de trivialité dans ses campagnes. Il a pu montrer le Chirac plus intellectuel, bien que ce ne soit pas un intellectuel. Au début, lorsque l’on découvre ses passions, en 1995, il y a une exposition sur les Tahinos à Paris, auquel il s’intéresse et cela fait beaucoup rire dans son camp. Et ensuite il manifeste ses passions pour les arts asiatiques, ce qui fait beaucoup rire Sarkozy. Il a voulu marquer l’histoire avec l’inauguration du musée du quai Branly.

Il est parti et sa famille a veillé à ce qu’il n’y est pas l’image de ce Chirac, affaibli, flottant, triste, les dernières années de sa vie. Sa famille a tenu jusqu’au bout à ce qu’il y est très peu d’images de ces derniers jours. A l’exception de la remise de ce prix de sa fondation en 2012, il n’y a pas eu d’autre image. On l’a vu furtivement à l’enterrement de sa fille, en 2016, dans un fauteuil roulant, Claude Chirac ayant jusqu’au bout tenu à ce que l’on garde l’image du beau gosse des années 70 – 80 et de celui qui est entré à l’Elysée, encore bondissant, d’un Chirac dynamique. Suite à un AVC en 2005, il a terminé grabataire et totalement sénile, ayant enterré sa fille en 2016, sans comprendre qu’il enterrait sa propre fille. Les amis se sont faits plus rares. François Pineau a été l’ami le plus fidèle, car c’est chez lui, rue de Tournon, à Paris, près de la place St-Sulpice avec un staff payé par lui que Chirac a passé les dernières années de sa vie. La droite est en piètre état et se revendique du chiraquisme. On peut mentionner Christian Jacob qui est un bébé-Chirac de 1995, mais il est vrai que l’on a tourné la page du chiraquisme pour le sarkozysme, en réalité surtout des courants centristes sans conviction, ni ligne claire. Chirac a fait aussi cette carrière politique, où tout ce que l’on fait n’est pas révélé dans l’instantanéité, à cause des réseaux sociaux. Chirac, c’est la fin d’une époque.

   J. D.


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