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Maxime Renahy, consultant IE et militant ou l’importance de la crédibilité dans le choix des missions

Publié le 15 octobre 2019 par Infoguerre

Maxime Renahy, consultant IE et militant ou l’importance de la crédibilité dans le choix des missions

Cette tribune a pour but d’ouvrir le débat à propos de l’intervention de M. RENAHY dans le cadre des rencontres organisées par les clubs de l’AEGE, le 17 octobre 2019.

Média et création d’un mythe : L’histoire d’un homme qui côtoie le monde fermé du renseignement

Depuis Avril 2019, le visage de Maxime Renahy et son histoire pénètre nos médias. Invité régulier des plateaux de télévisions et d’interviews en ligne, il raconte avec un tempérament discret et sans fracas sa collaboration avec la DGSE. C’est un sujet qui passionne par le côté sulfureux et teinté de secret dans l’imaginaire collectif. Cela contribue à la promotion de son livre Là où est l’argent. Les journalistes sont souvent plus friands d’anecdotes sur ses infiltrations et d’informations pratiques sur le fonctionnement avec la DGSE que sur les sujets de fonds. En effet en tant qu’administrateur de fonds à Jersey il est témoin des ingénieries financières et réalise que les informations auxquelles il a accès peuvent intéresser la France. Il est alors une source désintéressée au service de la France. Ses récits sont passionnants et criants de sincérités.

Renseignements d’états et désillusion

Agent de renseignement et désormais lanceur d’alerte, il dénonce un « monde dévoyé qui délocalise et s’enrichit au mépris de l’humain ». Dans l’article du point il témoigne de sa volonté de changer de combat: « J’ai fini par éprouver de la lassitude à faire ces allers retours avec mes clés USB classées secret-défense. A la fin, j’avais l’impression d’être un tout petit grain de sable pas si efficace que ça ». Surtout, il comprend que le renseignement français n’a d’autre objet que de préserver les intérêts des grands groupes nationaux, qui ne lavent pas toujours plus blanc que leurs concurrents étrangers : « En bossant pour la boîte, même gratuitement, j’ai fini par comprendre que je bossais pour le grand capitalisme français et pas autre chose ». « Au lieu d’aider les milliardaires et les champions tricolores à se maintenir à flot dans la mondialisation, ils feraient mieux de servir directement les citoyens », rêve-t-il. »

Une évangélisation qui fait son chemin dans notre élite politique

Son travail d’évangélisation des consciences fait son œuvre et sera notamment cité jusqu’à l’assemblé nationale par Fabien Roussel (GDR ; ex-PCF), député du Nord 20, le 17 Juin en séance ordinaire lors échanges sur la Lutte contre la fraude et l’évasion fiscale. « L’auteur de ce livre révèle que nous confions nos enfants aux crèches Babilou, financées par le fonds Alpha, implanté lui aussi à Jersey. Il raconte que nos parents sont accueillis dans les EHPAD – établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – appartenant aux groupes EMERA ou DomusVi, dont les actionnaires sont les Émirats arabes unis et dont le siège est lui aussi à Jersey. Comme vous le voyez, nous sommes tous concernés par ces zones offshores, ces paradis fiscaux. C’est pourquoi nous proposons la création d’un ministère dédié à la lutte contre l’évasion fiscale. Il ferait travailler ensemble des services qui peuvent aujourd’hui être éclatés, notamment, entre Bercy et le ministère de la justice. Ce tout nouveau ministère prendrait ses fonctions en présentant une loi-cadre qui concrétiserait la grande priorité publique nationale pour 2020. »

Une enfance maoïste: une conscience militante

Dans son entretien à l’express, il se défini d’une famille militante et engagée ; “un familier de la clandestinité, [ayant] grandi avec les souvenirs de mon grand-père du temps de la Résistance. Et mon père, militant maoïste convaincu, a vécu longtemps sous pseudo”. En rapprochant cela du témoignage poignant de Christian Harbulot c’est une éducation pleine de combat pour le sens. “Les maos parlaient avant tout de la France…des problèmes vécus par le peuple d’en bas. On les a souvent taxés de populisme, voire de démagogie à ce propos. Il n’empêche qu’ils ont révélé les dessous d’une certaine misère sociale.” “Je n’aimerai pas être enfant de mao. Et pourtant, j’ai trois enfants et je ne leur cache rien de mon passé. Plus qu’un discours sur le désenchantement, j’essaie de leur transmettre l’envie de se battre pour donner un sens à leur vie.” Les deux hommes communiquent sur leur visions et quêtes de sens dans ces combats de sociétés ainsi que les approches à avoir pour être dans les actions. C’est un fond humain profondément engagé pour la France et ces citoyens, mettant en avant dans les combats le bien commun.

Analyste aux services de causes

Suite à cette période dans le milieu financier et en tant que source pour la DGSE, Maxime met désormais son savoir-faire aux services de causes. C’est dans ce contexte, pour lutter contre les fraudes fiscales et délocalisation. Comme le présente son éditeur: “Maxime Renahy offre son expertise aux victimes de ce système écrasant et nous alerte sur l’impunité financière qui déstabilise nos sociétés. Là où est l’argent raconte le surprenant parcours de Maxime Renahy, un homme soucieux de patriotisme, de résistance et d’intérêt général.”

Lactalis : première campagne de défense des producteurs contre une multinationale opaque

Comme le révèle l’Express, Maxime Renahy accompagne ses écrit d’actes avec dès le “11 avril, au lendemain de la parution de son livre, hasard du calendrier judiciaire, le géant agroalimentaire Lactalis devra s’expliquer devant le tribunal de commerce de Paris pour « non-publication de ses comptes ». Une action en justice lancée grâce à l’opiniâtreté d’un certain Maxime Renahy, plus vraiment espion, définitivement empêcheur de frauder en rond.” C’est un combat dévoilé dès 2018 suite à de long mois d’enquêtes aux côtés de la Confédération qui est mené pour accuser publiquement Lactalis et en appeler au parquet financier pour identifier « que certaines boîtes en liquidation étaient en réalité détenues en toute discrétion par des sociétés off-shore. »

De son côté Lactalis ne pas souhaite « communiquer ses comptes consolidés pour ne pas donner d’informations stratégiques [à ses] concurrents». Cela est à rapprocher au rocambolesque sauvetage de la laiterie de Carhaix du chinois Synutra reprise par Lactalis / Sodiaal avec 8 années de Guerre économiques et informationnelles. Dans cette guerre économique, « Synutra International n’est pas une société chinoise : elle est domiciliée dans l’État du Delaware, aux États-Unis, considéré comme un paradis fiscal pour les entreprises. En tant que holding, elle ne possède pas directement les moyens de production, lesquels sont à la charge de ses filiales. »

L’attaque informationnelle et juridique mise en place par M. Renahy mettent en lumière des schémas similaire de Lactalis. Néanmoins, il ne s’agit plus ici de défendre les intérêts économiques mais bien d’un acte militant pour dénoncer les dérives fiscales de sociétés et de leurs propriétaires.

Bigard : de la lutte de classe à l’antispecisme : L214 à la manœuvre

Un second coup d’éclat visible est l’attaque contre Bigard pour la publication et transparence de ses comptes. On découvre lors de l’interview sur Thinkerview la proximité de Maxime avec L214. Sont notamment cités Brigitte Gothière sa présidente et Sébastien (Arsac) son mari. Lors de cette même interview est fait référence à Pierre Hinard « éleveur et défenseur du développement technique de l’élevage en système herbe. Il dresse un constat réaliste des dérives du système agroalimentaire dans son livre Omerta sur la viande. »

Sur le blog de L214, et le communiqué de presse, on retrouve au côté de L214 Alexandre Renahy, frère de Maxime et journaliste, en tant que correspondant presse. On découvre que la finalité de l’attaque n’est pas tant l’approche économique qu’une volonté de nuire simplement à une marque. C’est une attaque filée de longue date. En effet, L214 est connue à plusieurs reprise et condamnée pour avoir abusé de diffusion d’informations obtenues de façon illégale. La collaboration avec des « lanceurs d’alertes » leur permet désormais d’utiliser et de s’appuyer sur des tiers pour dédouaner leurs actions. Les communications qui sont faites par L214 ne reprennent pas les convictions de lutte de classe, mais se concentre sur l’attaque de l’image de marque et le combat de l’association contre les abattoirs. Maxime donne désormais les armes de l’IE aux mondes associatifs et militants.

Dévoyer l’intérêt public du lanceur d’alerte par son utilisation militante ?

Avec son frère Alexandre, Maxime communique sur le lancement de leur plateforme pour lanceurs d’alertes. Néanmoins, les premiers éléments sont des prises de positions militantes assumées. On y retrouve le combat de l’assignation de Bigard avec L214. Dès lors qu’un commentaire leur propose de nuancer le rôle de L214, leur financement et leur finalité, la réponse en commentaire est sans appel : “Nous avons toute confiance en L214 et partageons entièrement leurs convictions.”vDans ce combat ce n’est plus la volonté de transparence des comptes qui est demandé, c’est l’utilisation de cette obligation à des fins de communications et la volonté de nuire pour une conviction.vCe premier combat porté par https://lanceuralerte.org est dors et déjà un grain de sable qui les suivra longtemps car il discrédite la légitimité de celui-ci. Utiliser le « lanceur d’alerte » à des fins de nuisance décrédibilise les actions futures.

Le Média : Convergence des luttes, opportunités et besoin de financement

En publiant chez Les Arènes, c’est aussi un réseau de journaliste d’investigation engagé lui est ouvert. La proximité entre l’éditeur et Denis Robert est affiché. Les synergies de convictions entre Maxime Renahy et Le Media sont explicites. Lors d’une vidéo de rentrée le côté subversif de Le Media est assumé ; les informations et volontés de Maxime de dénoncer les fraudes fiscales sont des promesses pour une large couverture médiatique en lien avec la ligne éditoriale. Aussi, des informations recueillies et identifiées par Maxime feront l’objet de 10 procès contre des sociétés connues du grand public, mettant en avant une lutte de classe. Le Média tire profit à plusieurs niveaux de cette collaboration offrant même à Maxime l’opportunité de rejoindre ses équipes durant l’interview. C’est surtout la promesse de nombreux sujets à couvrir, de long procès avec des publications nombreuses et en exclusivités pour Le Media. C’est aussi l’occasion de communiquer sur une lutte des classes et de lancer un appel aux dons pour financer les 30 000 euro de budget que va nécessiter ces actions. Appel aux dons lancés par ce projet de procè ; mais à destination de la rédaction dans son ensemble. L’accès aux journalistes d’investigation est une belle tribune permettant de mobiliser les masses et d’évangéliser sur ces sujets complexes. Je ne reviendrais pas ici sur la ligne éditoriale de Le Media mais son utilisation n’est pas dans le contexte présent à des fins de lanceurs d’alertes, il s’agit d’un positionnement militant.

En conclusion : d’un lanceur d’alerte à un objet de légitimité

Mon point ici n’est pas de remettre en cause les missions que se donne Maxime Renahy dans le cadre de son combat idéologique. Mais bien de souligner que malgré son savoir, ses convictions et ses collaborations ; il peut de nouveau être manipulé pour servir des causes qui ne sont pas identifiées de prime abord. Certains acteurs sont légitimement convaincus de leurs combats, néanmoins certains ne le sont que par synergies d’intérêts. Il est néanmoins dangereux pour l’auteur de cet ouvrage que sa légitimité soit de facto associée à des combats qui lui échappent aux profits d’intérêts divergent. De plus, le choix de certains combats où de mauvais alliés est un risque à la légitimité du combat qui souhaite être mené en tant que militant.

Maxime n’est plus une source, ni même un consultant IE aux services de causes. En tant que personne publique, il devient un garant de la légitimité d’actions menées par des tiers et a désormais la responsabilité des combats pour lesquels il choisit d’utiliser ses armes dans le domaine de l’intelligence économique. Il est un mercenaire plein de conviction dont les combats dans lesquels il sera visible créera sa réputation. Il est important de ne pas être dupe de glissement, car c’est désormais en tant que militant que Maxime Renahy intervient. Passer de l’ombre à la lumière nécessite de l’attention sur ces choix de communications, aux risques de perdre en crédibilités mais aussi de devenir soit même un point de faiblesse des causes défendues.

Frédéric Choudat

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