" Aujourd'hui, nous avons trouvé un accord avec le gouvernement britannique sur le retrait ordonné du Royaume-Uni et le cadre de notre future relation. C'est le résultat d'un travail intensif des deux équipes de négociateurs, l'équipe britannique et notre propre équipe, que je veux personnellement remercier pour leur ténacité et leur professionnalisme, mais aussi, du côté européen, d'un dialogue permanent avec les vingt-sept États membres et le Parlement Européen, avec qui nous avons réellement co-construit ce nouvel accord. (...) Ce texte (...) permet d'apporter de la sécurité juridique et de la certitude là où le Brexit crée de l'incertitude (...). " (Michel Barnier, à Bruxelles le 17 octobre 2019).
Quelques heures seulement avant le début du Conseil Européen de Bruxelles de ce jeudi 17 octobre 2019 et après trois journées d'incertitude, il a été annoncé un nouvel accord entre l'Union Européenne et le Royaume-Uni pour le Brexit. Annoncé parallèlement par Michel Barnier, le négociateur en chef des Européens, et par Boris Johnson, le Premier Ministre britannique, il redonne espoir à tous que le sujet ne sera bientôt plus qu'une vieille histoire à partir du 31 octobre 2019. C'est surtout la perspective d'un Brexit sans accord qui s'éloigne, ce qui, pour les économies européennes (entre autres) a de quoi rassurer et soulager.
Une période de transition de quatorze mois a été instaurée, jusqu'au 31 décembre 2020, éventuellement prolongée de deux ans.
Michel Barnier a explicité plusieurs points du nouvel accord, notamment celui-ci : " Le gouvernement de Boris Johnson a fait le choix clair d'un accord de libre-échange. Toute référence à d'autres options, notamment l'option de créer entre nous un territoire douanier unique, a donc été éliminée. Ce qui ne change pas, en revanche, est notre proximité géographique et notre interdépendance avec l'économie du Royaume-Uni. ".
Ainsi, il est convenu de définir " un socle commun sur les standards applicables à la fin de la transition, en matière de droits sociaux, de protection de l'environnement, d'aides d'État et les questions de fiscalité. ".
Pour Michel Barnier, " nous avons obtenu ensemble un résultat juste et raisonnable, qui correspond à nos principes ". Et de conclure en insistant : " Nous avons aujourd'hui une base juste et raisonnable, fair and reasonable, pour un retrait ordonné du Royaume-Uni et surtout, pour commencer, nous le souhaitons le plus tôt possible, dès le 1er novembre, à travailler à un nouveau partenariat avec le Royaume-Uni. ". La séparation devrait donc avoir lieu le jour d'Halloween !
Arrivant à Bruxelles pour le sommet européen, le Président français Emmanuel Macron a salué ce nouvel accord qui est à la fois technique et politique. À la question sur l'incertitude d'une ratification du Parlement britannique, Emmanuel Macron a seulement lâché, avec un grand sourire : " It's not my job ! ".
Les vingt-sept chefs d'État et de gouvernement de l'Union Européenne devront évidemment approuvé cet accord ces 17 ou 18 octobre 2019 à Bruxelles, mais tout semble indiquer que le soulagement l'emportera et que l'approbation aura lieu du côté européen (il faudra aussi l'accord du Parlement Européen). L'incertitude de ce côté-ci de la ratification est faible car tous les États ainsi que le Parlement Européen ont été impliqués et consultés durant les négociations.
En revanche, Boris Johnson n'est pas encore sûr que cet accord sera ratifié par la Chambre des Communes et pourrait se retrouver comme sa prédécétrice (prédécesseure ? -sseuse ?) Theresa May, devant un mur des oppositions des députés britanniques. Le leader travailliste a d'ailleurs appelé ses députés à s'opposer à ce nouvel accord, tandis que le petit parti irlandais unioniste s'est déclaré également opposé. Les libdems, pro-européens, pourraient alors rejoindre les députés conservateurs pour donner à Boris Johnson, contre toute attente, la majorité qui lui fait défaut.
Pour l'instant, le document juridique de l'accord est disponible aux membres du Conseil Européen et à leur staff mais n'a pas encore été rendu public. Il sera intéressant notamment de regarder la solution technique retenue pour l'Irlande du Nord.
Boris Johnson revient de loin. C'est clair que les historiens mettront du temps pour savoir la part de bluff, la part de colère, la part d'inconséquence et la part de grande habileté politique dans l'action de Boris Johnson depuis le milieu de l'été 2019, depuis sa nomination, il y a moins de trois mois, à la tête du gouvernement britannique.
Si Boris Johnson réussit à faire ratifier ce nouvel accord à Londres, il pourra alors entrer dans l'histoire par la grande porte. Et refaire des élections législatives qu'il gagnera probablement parce qu'il aura mis en acte ses paroles fermes. Dans le cas contraire, rien n'empêcherait Boris Johnson de demander un ou deux mois de répit à l'Union Européenne et d'organiser de nouvelles élections législatives pour le 21 ou 28 novembre 2019 (il faut cinq semaines pour faire la campagne). Mais ce serait déjà un peu plus confus.
Quant à Michel Barnier, qui a brillé dans ses fonctions de négociateur depuis trois ans, on peut commencer à comprendre pourquoi Emmanuel Macron voulait attendre le Conseil Européen avant de désigner le remplaçant de Sylvie Goulard à la Commission Européenne...
Rappelons enfin quelques éléments depuis un mois...
16 septembre 2019.
Rencontre entre Boris Johnson et Jean-Claude Juncker.
24 septembre 2019.
La Cour suprême du Royaume-Uni a jugé illégale, nulle et non avenue, la suspension du Parlement britannique par Boris Johnson. Non seulement c'est un camouflet politique pour Boris Johnson, mais cette décision fera date dans l'histoire constitutionnelle du Royaume-Uni. Certains ont réclamé la démission de Boris Johnson parce que sans majorité parlementaire et désavoué par la plus haute cour de justice de son pays.
25 septembre 2019.
Reprise des travaux de la Chambre des Communes par le speaker John Bercow.
26 septembre 2019.
Boris Johnson a adressé ses condoléances aux Français à l'annonce de la mort de Jacques Chirac.
28 septembre 2019.
Une motion de censure a été déposée contre Boris Johnson pour la semaine suivante.
02 octobre 2019.
Devant la Chambre des Communes, Boris Johnson a annoncé qu'il venait de transmettre à Bruxelles la proposition britannique d'un nouvel accord avec l'Union Européenne pour le Brexit. Il a réaffirmé une nouvelle fois sa détermination à maintenir la date du 31 octobre 2019 pour l'application du Brexit, et cela malgré une loi qui l'obligerait à demander un report de la date si aucun accord n'était trouvé avant le 19 octobre 2019. Boris Johnson a voulu une nouvelle fois suspendre le Parlement britannique jusqu'au 14 octobre 2019 pour lui permettre de négocier avec les Européens. Boris Johnson a ainsi présenté cette proposition britannique de nouvel accord qui a été reçue avec scepticisme par l'Union Européenne.
14 octobre 2019.
Lors de la rentrée parlementaire britannique, la reine Élisabeth II (93 ans) a annoncé que le Brexit pour le 31 octobre 2019 était la priorité du gouvernement et que ce dernier " prévoit de travailler à l'élaboration d'une nouveau partenariat avec l'Union Européenne fondée sur le libre-échange et une coopération amicale ".
17 octobre 2019.
Juste avant le Conseil Européen réuni à Bruxelles, annonce d'un nouvel accord pour le Brexit, équilibré et bon selon les deux parties.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (17 octobre 2019)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Brexit : le nouveau deal, enfin, in extremis !
8 contresens sur le Brexit.
Boris Johnson, apprenti dictateur ?
Boris Johnson, le jour de gloire.
Union Européenne : la victoire inespérée du Président Macron.
Européennes 2019 (6) : le paysage politique européen.
Theresa May : Game over.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20191017-brexit.html
https://www.agoravox.fr/actualites/europe/article/brexit-le-nouveau-deal-enfin-in-218634
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2019/10/17/37719554.html