La récente exposition du projet Amazones à Paris invite à partager quelques interviews de photographes impliqués dans le projet

©Agnès Brezephin
Vous êtes connue comme typographe et graphiste, spécialités que vous enseignez au Campus caribéen des arts depuis plusieurs années, comme plasticienne après deux expositions, Lettre à Suzanne et Insectes. Vous y retravaillez par le graphisme ou la broderie en fils de soie de vieilles photographies. Avec ces œuvres créées pour Amazones, nous faisons connaissance avec votre pratique photographique, je veux parler de la prise de vue. Est – ce une pratique récente ou déjà ancienne ?
J’aime la photographie et collectionne depuis longtemps des appareils photographiques anciens, de vieux kodaks, des polaroïds démodés car j’aime le grain, la texture de leurs images. Ils fonctionnent tous/ils sont tous en état de marche. Donc, oui, je développe une pratique photographique personnelle, irrégulière, souvent familiale. Mes filles et moi aimons nous déguiser pour des séances dans des cabines de photomaton. Mais, vous savez, nous les graphistes – typographes sommes des artisans, nous touchons à plusieurs domaines , nous faisons de la photo ou de l’illustration sans pour autant nous sentir photographe ou illustrateur.
Pour les photos de Mélanie, j’ai utilisé un appareil contemporain, un Leica qui permet un rendu très « plastique »
Comment avez – vous abordé cette prise de vue particulière sur le plan de la relation du photographe à son modèle ?
Avant la prise de vue, le modèle et moi avons longuement échangé. Nous nous sommes rencontrées ce qui nous a permis de nous découvrir de nombreux points communs. Aussi lorsqu’elle m’a questionnée sur mes orientations et que je lui ai proposé une réalisation dans le style des photomatons de Prévert ou des surréalistes, elle a tout de suite adhéré à l’idée. Je lui ai montré quelques croquis préparatoires. Le choix des fils d’argent et de bronze, des pacotilles, des émaux, des perles de verre de haute couture avait été guidé par tout ce que l’on m’avait raconté de Mélanie avant notre rencontre, en amont du projet . Je trouve que cette exubérance de la matière lui correspond bien.
Par contre, nous ne disposions pas de beaucoup de temps pour la séance de pose. Il n’y a eu qu’une seule séance, chez moi, avec mes spots retro en aluminium des années trente comme éclairage. J’avais prévu un drap en lin afin de retrouver les plis du fond des cabines photomaton. Tout est resté très naturel, très détendu, très intime. Nous n’étions pas dans l’approche d’une photo de studio avec maquillage et pose sophistiquée.
J’ai pris près de deux cents clichés parmi lesquels Mélanie en a choisi quatre.
La relation du créateur à l’œuvre est elle identique lorsque l’on travaille une photo ancienne, anonyme, récupérée et lorsque l’on travaille avec une photo que l’on a prise soi même ?
Ma démarche créatrice m’amène à coudre et broder sur des photos anciennes, des photos de famille récoltées ici ou là, parfois même acquises chez des brocanteurs, donc que je ne les capte pas moi-même. C’est donc la première fois que je customise des photos récentes, en couleurs et prises moi-même.
Comme cette fois, j’ai réalisé les prises de vue, j’ai pu anticiper et choisir le cadrage, le format, le fond. Et donc pour répondre à votre question, oui, c’est très différent de customiser une photo ancienne pré-existante et une photo récente dont on est l’auteur. Cela m’a de plus offert une possibilité de re- tirage des images, dans un premier temps assez déstabilisante. La photo ancienne est unique, il n’y a pas de possibilité de repentirs ou alors ils seront visibles et c’est un parti – pris. De la photo récente, on peut effectuer un retirage et recommencer. Le premier tirage des photos de Mélanie, sur papier canson baryté était impossible à travailler. J’ai pu donc tester un autre support mais je me suis imposé de m’en tenir là, de ne pas recommencer plusieurs fois.

©Agnès Brezephin

©Agnès Brezephin