Ses premiers mots sortent à midi 30. Il est debout depuis 8 h, muet. Sans blonde, ni chien, ni coloc. Si le téléphone ne sonne pas, la bouche reste fermée, à moins d'une rencontre fortuite : petit orteil/base de lit ou couteau/pouce. Telle est la vie des gens qui ne parle pas le matin.
La case horaire du matin est propice au mutisme. Le soir aussi. Finis de travailler à cinq heures, couche-toi à minuit, levé à 6 heures, première parole à huit : ça donne 15 heures de non-dit, peut être plus. « Pas de misère avec ça, moi, le silence » dit votre fier-pet de collègue en entrant au bureau. Les nouveaux pauvres sont muets, contre leur gré.
Même avec la technologie, la parole reste d'or et sa cote grimpe sur les marchés relationnels.
Le nouveau snobisme est de rire des nouveaux pauvres, les muets matinaux, quand il arrive au bureau ou dans la classe et qu'il pose une question, la voix éraillée, sous-utilisée.