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Ad Astra. L’Odyssée de l’espace

Par Balndorn
Ad Astra. L’Odyssée de l’espace
Résumé : L’astronaute Roy McBride s’aventure jusqu’aux confins du système solaire à la recherche de son père disparu et pour résoudre un mystère qui menace la survie de notre planète. Lors de son voyage, il sera confronté à des révélations mettant en cause la nature même de l’existence humaine, et notre place dans l’univers.
Sous les dehors d’un récit des plus classiques – retrouver pour dépasser le père –, Ad Astra figure avec désenchantement les tournures les plus cyniques de la colonisation spatiale.
« Nous sommes des destructeurs de mondes »
Bien qu’il ne la convoque pas clairement, le nouveau film de James Gray emprunte beaucoup à l’Odyssée. Quoi que les motifs présidant à leur aventure divergent – Ulysse errant vers Ithaque et sa famille, Roy McBride (Brad Pitt) partant en quête de son père (Tommy Lee Jones) disparu vingt-neuf ans plus tôt –, les deux voyageurs empruntent un chemin initiatique similaire. Leur dérive respective – qui à travers la mer, qui à travers l’espace – les amène à affronter un certain nombre de péripéties qui fonctionnent comme autant d’épreuves symboliques. Même si les épreuves d’Ulysse et de Roy diffèrent dans leurs formes, on remarque quantité de motifs partagés : des pirates, des monstres sauvages, des trahisons, etc. Toutes ces aventures témoignent d’un même cheminement moral. Au fur et à mesure que les héros approchent de leur but, ils se retrouvent de plus en plus solitaires et de plus en en plus dépouillés : seuls face à leur destin.James Gray avait déjà abordé sous cet angle l’exploration coloniale dans son précédent film, The Lost City of Z, où Percival Fawcett s’égarait dans la jungle aussi bien que dans l’opinion scientifique du Royaume-Uni. Dans Ad Astra, le racisme sous-jacent qui persistait dans The Lost City of Z s’efface en partie – notons tout de même que le héros demeure un homme blanc quinquagénaire et que les personnages racisés subissent encore le châtiment de la mort. Quant à l’impérialisme, la balade intersidérale de Brad Pitt en expose tous les travers. Comme l’Odyssée mettait en scène la Méditerranée antique, Ad Astraimagine notre système solaire dans quelques années, une fois la colonisation spatiale par l’espèce humaine vraiment lancée. Et rien de bon n’en sort. « Nous sommes des destructeurs de mondes », se désole Roy lors de son passage sur une Lune rongée par les touristes, les centres commerciaux et les industries minières âpres au gain et à la compétition sans foi ni loi. De même, sans verser dans la surenchère spectaculaire, Ad Astra donne à voir ce que pourraient donner les technologies de l’information et de la communication (TIC) dans quelques années. Miniaturisées, réduites à la plus petite surface possible, les TIC ont pris le contrôle de nos vies. Chaque paramètre physiologique – du pouls aux émotions intimes – est soigneusement mesuré, quantifié, disséqué : contrôlé. À l’instar du glacial Blade Runner 2049, nos corps ne nous appartiennent plus. Ils font partie de méga-complexes privés, pour qui la rentabilité financière prime sur les affects humains.
Vers un espace intime
Il est remarquable qu’à l’heure du renouveau de la conquête spatiale, dorénavant placée sous le signe de la privatisation des gains et de la compétition internationale, les films sur le sujet se désintéressent des problèmes politico-économiques. Dans Ad Astra, ils ne constituent que la toile de fond sur laquelle se joue le drame intimiste de la famille McBride. Comparons les quatre dernières œuvres états-uniennes évoquant la conquête spatiale : Interstellar(2014), Premier contact(2016), First Man (2018) et Ad Astra. Les quatre réalisateurs sont soit connus pour leur scepticisme envers le genre humain (Christopher Nolan, Denis Villeneuve et James Gray), soit pour leur nostalgie (Damien Chazelle). Deux tendances en découlent : Interstellar et Premier contact louent le sacrifice individuel pour le bien de l’espèce, First Man et Ad Astra négligent les enjeux politiques. Dans tous les cas, l’épopée nationale américaine, si présente dans les représentations de la conquête spatiale des années 60 et 70, disparaît de l’écran. Comme si, à mesure que la Nasa délègue ses missions à des entreprises privées, le cinéma hollywoodien – du moins ses auteurs phares – renie son pacte avec elle.En attendant que sorte Proxima, premier film sur l’espace réalisé par une femme (Alice Winocour) sur une femme (Eva Green), réjouissons-nous de voir qu’un genre aussi étroitement associé à l’impérialisme américain s’en démarque pour explorer des sujets autrement plus importants que le prestige national.
Ad Astra. L’Odyssée de l’espace
Ad Astra, James Gray, 2019, 2h04
Maxime
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