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Le storytelling facilite le changement dans l’entreprise

Publié le 31 octobre 2019 par Dangelsteph
Le storytelling facilite le changement dans l’entreprise

Des chercheurs ont comparé l'effet du storytelling et celui d'une explication traditionnelle sur le changement de pratiques professionnelles dans le monde de l'entreprise. Résultat : le storytelling sort vainqueur.

Un travail de recherche achevé à l'été 2019 et accepté pour parution dans l'International Journal of Selection and Assessment a réalisé ce comparatif. Les chercheurs font partie de la Louisiana State University, la Manchester University (dans l'Indiana) et de la Society for Human Resource Management.

Le cas précis étudié est celui de la promotion de l'utilisation de techniques d'entretiens structurés par les managers en charge de recrutements. La comparaison a été effectuée sous la forme narration d'une histoire vs. démonstration basée sur une recommandation basée sur des preuves et aussi par la présentation de statistiques.

Une étude équilibrée pour ne pas avantager le storytelling

Pour ne pas biaiser l'étude, le récit ne fait pas explicitement la promotion des techniques d'entretien structurées, même si l'histoire racontée dépeint une utilisation réussie. L'explication argumentée ou statistique, par contre, est formulée comme un appel très clair à leur usage. On ne peut pas dire, du coup, que le storytelling, présumé être par nature supérieur en efficacité, bénéficie d'un avantage indu. Ou du moins, ce supposé avantage est-il gommé de cette manière. Pour varier encore les plaisirs, les chercheurs ont aussi testé des messages dans lesquels la présentation du protagoniste était plus ou moins développée.

Les participants à l'étude ont aussi eu comme instruction de contre-argumenter sur l'intérêt des méthodes structurées avant de témoigner des effets du storytelling et de l'explication.

La problématique des entretiens de recrutement :

On constate une résistance persistante des managers à utiliser des cadres structurés lors des entretiens de recrutement. Ils préfèrent grandement se fier à leur intuition pour mener les entretiens. Pourtant, les preuves sont là : de nombreux travaux de recherche ont montré que des techniques d'entretien structurées sont plus efficaces.

Mais les managers ont le sentiment que cela revient à minimiser leurs compétences dans le métier pour lequel ils recrutent. Ils trouvent aussi, globalement, les méthodes structurées trop rigides.

Un mauvais recrutement ce n'est pas anodin. Il y a un coût financier associé. Il y a aussi des conséquences sur la productivité, et parfois sur l'ambiance de travail dans l'organisation.

Les organisations essaient depuis longtemps de convaincre leurs managers. Elles rivalisent d'imagination pour présenter les statistiques qui sont des preuves éclatantes sous leur meilleur jour. Mais la résistance continue.

Pourquoi ? D'autres travaux de recherche apportent des réponses. Quand on challenge vos certitudes, et bien cela éveille de la résistance. Et quand un écart entre la recherche et la pratique est révélé, il génère beaucoup plus de la résistance que de de la motivation à changer de comportement. La nature de l'activité de recrutement fait aussi que l'on a plus tendance à se baser sur une expertise humaine que scientifique pour évaluer des individualités.

Les résultats de l'étude sur le plan des effets du storytelling et du rôle médiateur de la contre-argumentation :

Les personnes qui ont été exposées à l'histoire ont eu moins tendance à contre-argumenter que celles qui ont eu droit à la recommandation d'utiliser des entretiens structurés. En plus du volume de la contre-argumentation, un effet moindre en terme de force de conviction des contre-arguments a pu être observé. Une attitude plus favorable à l'utilisation des méthodes structurées en a résulté.

La consigne de contre-argumenter répondait au mécanisme naturel qui conduit tout un chacun à émettre des objections lorsqu'une intention de persuader est détectée. Nous fonctionnons de toute manière comme cela, c'est automatique.

Effets du storytelling vs. effets des statistiques :

La supériorité du storytelling sur la recommandation est une chose, le rapport aux statistiques en est une autre. Dans cette autre partie de l'étude, une recommandation d'utiliser des méthodes d'entretien structurées avec ou sans support de statistiques est opposée au récit.

Résultats ? Moins de contre-argumentation, encore, avec le récit, et pas d'impact significatif des statistiques. Même l'association des statistiques à une histoire ne s'est pas avérée décisive. L'évaluation des effets de l'immersion (le public se disant transporté par le récit) dans l'histoire a aussi montré un effet positif du storytelling sur le changement d'attitude à l'égard des techniques d'entretien de recrutement structurées.

Pas d'effet constaté, dans cette étude, d'une présentation plus ou moins développée du protagoniste de l'histoire. Par contre, les chercheurs ont recensé d'autres études de confrères qui ont identifié un rôle actif d'une présentation poussée du protagoniste, avec un impact supérieur, donc.

En conclusion : le storytelling est efficace et d'autres ressorts mériteraient d'être encore étudiés

Il ressort donc de cette expérimentation que le storytelling apporte un vrai plus en terme de persuasion, de passage à l'acte vers le changement de comportement, de pratiques professionnelles. Et ici, c'est d'autant plus convaincant que des éléments ont été intégrés à l'étude pour contrebalancer d'éventuels avantages compétitifs à priori du storytelling. Partir d'un terrain "neutre" permet d'avoir une évaluation encore plus pertinente de la réalité.

C'est aussi un bel exemple d'interrelations entre la preuve scientifique et la storytelling (interrelation ne veut pas dire relation de cause à effet, mais étude des relations entre les deux domaines).

Bon, maintenant, cette étude ne dit pas tout, elle n'a pas de réponse sur tout. Il faudrait étudier plus en profondeur le phénomène de transport narratif du public d'une histoire. Quels facteurs agissent sur ce phénomène ? Des histoires "imagées" (plus ou moins visuelles) sont-elles plus efficaces ? Le format de l'histoire joue-t-il un vrai rôle ? On ne parle pas de la longueur de l'histoire, mais du type d'outil de communication qui la véhicule.

Par ailleurs, est-il possible de concevoir une combinaison récit - statistiques qui apporte une vraie valeur ajoutée en terme d'efficacité de persuasion ? Est-ce que la contre-argumentation pourrait encore être réduite avec un tel duo équilibré différemment ? Les chercheurs auteurs de l'étude insistent sur leur souhait de voir les histoires associées aux preuves "scientifiques". Ils ne veulent pas que le seul ressort du storytelling soit actif dans la persuasion, pour ne pas laisser prise aux accusations de manipulation des esprits parfois émises à l'encontre du storytelling.

Les compléments qui seront apportés par d'autres études seront à analyser avec soin.

Plus d'informations encore sur le storytelling

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