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La polémique sur la guérison du paludisme

Publié le 04 novembre 2019 par Infoguerre

La polémique sur la guérison du paludisme

Le paludisme ou la malaria a été découvert le 6 novembre 1880 à l’hôpital militaire de Constantine en Algérie par un médecin de l’armée française, Alphonse Laveran, qui reçut le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1907. C’est en 1897 que le médecin anglais Ronald Ross prouva que les moustiques anophèles étaient les vecteurs de la malaria. La piqure de cet insecte propage le parasite appelé Plasmodium . En 2017, 219 millions de cas ont été recensés par l’OMS, tandis que le paludisme a causé la mort de 435 000 personnes. L’Afrique reste le continent le plus touché par la maladie. Tour d’horizon des chiffres clés pour le continent. Pour les aider à affronter le moustique et le parasite, l’OMS et d’autres organisations internationales déploient des moyens considérables autour de trois piliers : la distribution de moustiquaire imprégné, L’épandage d’anti moustique (corporel ou pour de vastes étendues), la distribution de médicaments antipaludéens.  Il s’en ait suivi une valse des médicaments Car l’histoire de la lutte contre le paludisme est parsemée d’échecs à cause de la résistance du parasite aux médicaments existants, les uns après les autres. En premier La quinine est le symbole du succès de l’industrie pharmaceutique contre le paludisme mais aussi de son échec, ensuite La chloroquine ou nivaquine développée par Sanofi, qui était jusqu’à récemment l’arme de référence contre le paludisme et Même chose pour la méfloquine, commercialisé par Roche avec le Lariam, et le Fansidar dont l’efficacité décroît progressivement à cause des résistances naissantes et grandissantes.  Aujourd’hui, ce sont les fameux ACT (Artemisinin-based Combinaison Therapy), des polythérapies médicamenteuses qui associent deux molécules dérivées de l’Artémisinine extraite de la plante Artemisia annua, qui sont à la base de la lutte contre le paludisme et l’émergence des résistances aux monothérapies. Cette plante l’Artémisia est à la base d’une grande discorde dans le domaine pharmaceutique. Pourquoi ? Qu’en est-il de cette plante ? Pourquoi dérange-t-elle autant ?

Artemisia : Un remède dans les bois africains

Alors que la médecine naturelle a le vent en poupe, un miracle répond au doux nom d’Artémisia. Celle-là même à l’origine de l’ensemble des dérivés d’artémisinine utilisés dans les ACT. En réalité, deux espèces sont connues pour avoir des propriétés antipaludéennes : Artémisia annua, qui contient de l’artémisinine et Artémisia afra, qui n’en contient pas et que l’on retrouve surtout sur le continent africain. La première est annuelle, la seconde est vivace. On doit cette découverte à plusieurs scientifiques chinois, surtout Youyou Tu qui réalisa l’extraction de l’artémisinine à froid entre 1967 et 1971. La découverte de cette molécule ne date pas d’aujourd’hui. Mais cette grande dame a reçu pour ce travail le prix Nobel de médecine en 2015. L’Artemisia annua, une plante issue de la pharmacopée traditionnelle chinoise, fait polémique.

D’un côté, une association française, La Maison de l’Artemisia, affirme que la plante, prise sous forme de tisane, permettrait de soigner et de prévenir le paludisme encore plus efficacement que les traitements conventionnels. De l’autre côté, des médecins et des chercheurs français s’inquiètent de la montée en puissance de cette pratique pour laquelle les preuves d’efficacité manquent. À tel point que l’Académie nationale de médecine prévoit de publier prochainement une mise au point, affirme au Figaro l’un de ses membres, le Pr Martin Danis. Car si l’idée d’une tisane miracle pour terrasser le paludisme est séduisante, elle cache une réalité plus complexe.

Ces derniers temps, la plante a beaucoup fait parler d’elle : un documentaire, des émissions télévisées et un livre lui ont été consacrés, la présentant comme une solution pour mettre fin au paludisme. L’accès aux médicaments antipaludiques est un échec partiel dans beaucoup de pays, explique Lucile Cornet-Vernet, fondatrice de La Maison de l’Artemisia et coauteure du livre Artemisia, une plante pour éradiquer le paludisme. Pourquoi se priver d’une plante efficace que chacun peut faire pousser dans son jardin ?

L’Artemisia intrigue et inquiète les spécialistes. Cette plante connaît un énorme succès sur le continent africain malgré le débat qui l’entoure. En moins de cinq ans, plusieurs Maisons de l’Artemisia se sont créées dans 18 pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire qui compte cinq lieux. L’association, qui promeut l’utilisation de la plante, affirme sur son site internet que « l’Artemisia annua ou afra soigne et prévient le paludisme », prise en tisane selon le régime de « 5 g infusés 15 minutes dans un litre d’eau bouillante à boire sur la journée pendant sept jours ». Ceci constitue un enjeu de très grande taille en Afrique : Le continent, étant très pauvre, concentre 91 % des 445 000 décès annuels dus à la maladie et 90 % des 219 millions de cas dans le monde. La phytothérapie peu onéreuse y serait un avantage par rapport aux médicaments souvent plus chers, rares ou faux. Cependant, la communauté scientifique se préoccupe des effets secondaires et reste sceptique sur son efficacité.

Guerre de communication…

« L’OMS ne recommande pas l’utilisation de matériel végétal d’A. Annua, sous quelque forme que ce soit, y compris le thé, pour le traitement ou la prévention du paludisme« , stipule l’Organisation Mondiale de la Santé. En effet, Comme pour la plupart des herbes médicinales, « la teneur en artémisinine et son efficacité dépendent des conditions climatiques, géographiques et environnementales« , explique l’organisation dans des recommandations visant à guider les industries pharmaceutiques dans la production d’artémisine de qualité suffisante. En effet, « toutes les plantes d’Artémisia annua L ne contiennent pas nécessairement d’artémisinine et dans certains endroits, en fonction de la qualité du sol et des précipitations, la teneur peut être très faible« , d’après l’OMS. De plus, « les patients traités contre le paludisme avec du thé A. annua risquent de ne pas être suffisamment dosés » en raison de la faible solubilité et de l’instabilité de l’artémisine dans l’eau et à des températures élevées. « Afin de recevoir une dose équivalente à un comprimé ou à une capsule d’artémisinine à 500 mg, les patients devraient boire jusqu’à 5 litres de thé d’A. Annua par jour pendant au moins sept jours consécutifs« , précise l’OMS, une posologie peu faisable dans la réalité, où les patients prennent plutôt autour d’un litre quotidien de ce thé.

Mais l’OMS oublie bien vite l’histoire de cette plante riche d’enseignements. Artemisia annua a été utilisée pendant 2 000 ans en Chine pour éradiquer le paludisme. Une mission parfaitement réussie grâce à cette plante, sans apporter le moindre signe de résistance. L’OMS le sait très bien, mais reste figée dans une position incompatible avec la situation que vivent les populations d’Afrique Subsaharienne. Elle s’oppose idéologiquement à toutes les initiatives qui ne concernent pas un médicament ou un vaccin. Il n’y aurait pas de scandale si les Africains n’avaient pas à leur disposition un remède naturel, qualifié d’extrêmement efficace contre le paludisme par ces défenseurs, et qui permettrait même d’en guérir sans entraîner la moindre résistance. Une simple infusion ou un thé aussi efficace que les meilleures polythérapies et sans effet secondaire, qui dit mieux ?

Le nerf de la guerre, c’est apporter la preuve que les deux espèces d’Artémisia annua et afra, sont efficaces pour guérir, mais également prévenir le paludisme, à moindre coût et sans générer de résistance. Ce précieux sésame permettrait peut-être à l’OMS de lever son blocage institutionnel qu’elle impose à cette plante. Pour le docteur en orthodontie Lucile Cornet-Vernet, c’est la bataille de sa vie. Elle veut faire reconnaître l’efficacité de la plante et généraliser son utilisation par le biais de grandes études cliniques. Elle est à l’origine de l’association la “Maison de l’Artémisia” qui a pour but d’organiser un réseau de culture et de distribution labélisé d’Artémisia et de “prouver l’efficacité médicale des Artemisia annua et afra”. Elle mène un combat titanesque pour lever des fonds privés afin de financer les travaux scientifiques. Depuis plusieurs années, une sorte de coalition internationale (européenne, américaine et africaine) s’est formée autour de la Maison de l’Artémisia pour obtenir cette reconnaissance, et faire sauter les verrous institutionnels. Une reconnaissance qui permettrait à des millions de personnes de se soigner à moindre coût, efficacement, mais qui représente une perte sèche pour les laboratoires qui commercialisent les ACT.

Le développement de la reconnaissance scientifique de l’Artémisia en tant que traitement efficace, non toxique et qui lutte contre le phénomène de résistance, va directement à l’encontre des intérêts économiques des firmes pharmaceutiques. Pas une seule firme n’irait investir son argent dans une plante qu’il est impossible de breveter, qui peut pousser n’importe où (mais il faut quand même bien s’y prendre) et qui ne coûte pratiquement rien. Le scandale du business du paludisme est en train d’éclater au niveau international. La volonté du docteur Lucile Cornet-Vernet, de son association et de toutes les personnalités scientifiques, médicales et professionnelles qui travaillent sur ce sujet va faire pencher la balance en faveur de l’Artémisia. Pour l’instant, il continue de traiter les cas de paludisme de milliers d’habitants sur les continents africain et asiatique en particulier.

En attendant la fin de la guerre entre l’OMS via les laboratoires pharmaceutiques et les associations pour l’artemisia, cette plante continue de traiter les cas de paludisme de milliers d’habitants sur les continents frappés par cette pandémie.

Moulaye Dao

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