Etre particulièrement bon dans la responsabilité sociétale d'entreprise (RSE) ne suffit pas à motiver, stimuler les collaborateurs dans une organisation. Aussi malheureux que cela puisse paraître, il en faut bien plus. Du storytelling, par exemple ?
La question a été au menu de la 5th International CSR Communication Conference, qui s'est tenue à la School of Economics de Stockholm en Suède, en septembre 2019. CSR, for those who don't know, c'est la RSE version anglaise (Corporate Social Responsability).
Cela dit et pour commencer : c'est quoi la RSE ?
C'est particulièrement un chercheur de Macromedia University of Applied Sciences en Allemagne, Riccardo Wagner, qui s'est penché sur le sujet des ressorts de l'engagement des collaborateurs dans la thématique RSE. Il a pour cela mené une enquête qualitative sous forme d'étude de cas approfondi dans une une compagnie d'assurances allemande et d'interviews auprès d'acteurs clés de la RSE et de la communication en Allemagne.
Les résultats de l'étude storytelling et RSE :
Des performances au dessus de la moyenne en termes de RSE dans des organisations ne sont absolument pas une garantie de stimulation des acteurs clés que sont les collaborateurs. Quand on parle de stimulation, c'est une envie de participer à la démarche et un intérêt pour le sujet à même d'en faire des ambassadeurs convaincants (et convaincus !).
Par sa nouveauté (encore, oui, car relativement récente), la RSE est une transaction, une négociation, formelle ou informelle, dans l'organisation, pour une intégration réelle dans ses pratiques. C'est à dire aussi une confrontation avec la culture existante de l'organisation qui lui est souvent plus ou moins (et plutôt plus que moins) favorable. Cela challenge l'existant, c'est un processus complexe. Bref, rien que la mise en place de la RSE est déjà (toute) une histoire. Du storytelling en live.
Du coup, il est assez courant que les collaborateurs opèrent un mouvement de retrait (on peut aussi appeler ça désengagement) par rapport à la RSE.
Quels sont les facteurs qui incitent à ne pas s'engager dans la démarche ?
- une culture d'entreprise dominante et qui convient à tout le monde : pourquoi donc en changer, voire aller à l'encontre de cette si belle histoire vécue jusque là ?
- Une forte signification (du sens) apportée aux pratiques existantes, ce qui les légitime d'autant plus
- une stratégie de communication interne qui privilégie l'information, dans un but de persuasion des collaborateurs
Ce sont en tout cas les trouvailles du chercheur. On peut avoir une autre expérience, une autre pratique de la RSE, mais il faudrait alors bien vérifier qu'il n'y a pas d'erreur d'attribution. Exemple : un succès de la démarche attribué à une communication informative, alors que la communication informative ne sera que concomitante, sans lien de cause à effet.
Pour le chercheur, ces facteurs suppriment le processus individuel et collectif qui consiste à donner du sens aux choses, aux projets. Et quand il n'y a pas de sens, très naturellement il y a très peu de chances de parvenir à motiver qui que ce soit.
Que faut-il faire pour que la RSE puisse être convenablement boostée auprès des collaborateurs ?
Le chercheur pense que la communication à mettre en oeuvre doit être plus axée sur l'intégration des parties prenantes. C'est à dire que sa priorité doit être d'ouvrir un espace de prise de parole, d'échanges. Et bien entendu, quand on parle de discussion, de dialogue, c'est une porte qui s'ouvre pour que le storytelling puisse entrer en scène.
La conversation productive, c'est en effet du storytelling. Pour que tout cela puisse fonctionner à la perfection, il faut aussi mettre en place des conditions appropriées. Je m'explique : sur une thématique aussi complexe que la RSE, demander aux gens d'échanger, c'est un peu comme demander à un conducteur de train de prendre les commandes d'un hélicoptère. Il faut fournir un kit de ressources narratives facilitant la connexion entre les gens sur cette thématique.
Et ce n'est pas tout. Les acteurs de l'organisation (l'entreprise ou toute autre organisation) doivent être placés dans une posture les incitant à raconter des histoires. Il y a les outils (le kit dont nous venons de parler), et il y a aussi les conditions permettant l'usage de ces outils.
Cela réclame aussi d'aller dans la compréhension en profondeur du sens réel de la RSE. Cela peut passer par exemple (en tout cas, c'est comme ça que je vois les choses) par un workshop de sensemaking sur le sujet. C'est important : la RSE ne sera alors pas seulement un projet de l'organisation, mais une valeur qui entre en connexion avec les valeurs fondamentales, personnelles des collaborateurs, parce qu'ils auront pu la connecter avec ces dernières.
Alors évidemment, on pourra toujours dire que les choses sont bien différentes d'une entreprise à une autre. Tout est aussi question de culture d'entreprise. Ce qui est vrai dans l'entreprise étudiée par le chercheur n'est pas forcément transférable tel quel dans une autre organisation. Il le dit lui-même. Par contre, comme mode de compréhension des mécanismes d'appropriation de la RSE par les collaborateurs dans quelque organisation que ce soit, la transférabilité du raisonnement est une certitude. C'est ensuite une question de curseur, quand on en arrive à envisager le kit narratif, l'empowerment des acteurs pour être des storytellers...
Voilà, la RSE et le storytelling : ce sont deux sujets en connexion dont il fallait parler parce que leur combinaison peut vraiment générer une valeur ajoutée.
Pour en savoir encore plus sur le storytelling et tous ses usages