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MICROBIOME : Pouvoir le suivre dans sa dynamique in vivo ?

Publié le 18 novembre 2019 par Santelog @santelog
Aujourd’hui, la méthode la plus courante pour « suivre » le microbiote intestinal consiste à extraire les bactéries d’échantillons fécaux, puis à séquencer leurs génomes.

Si les études se font toujours plus nombreuses sur les multiples fonctions du microbiome intestinal humain dans la santé, jusqu’à l’axe intestin-cerveau de mieux en mieux documenté, il reste aujourd’hui complexe voire impossible d'observer comment le microbiote évolue dans le temps, en réponse à différents stimuli. En particulier en temps réel in vivo, et de manière continue. Pourtant, ce sont bien ces changements qui s’avèrent associés au déclenchement de certaines maladies, ou, a contrario, à de meilleurs résultats de santé. Cette équipe du Wyss Institute de la Harvard Medical School (HMS) propose, dans la revue Nature Communications, un nouvel outil, un ensemble de gènes bactériens conçus pour détecter et enregistrer ces changements.

Aujourd’hui, la méthode la plus courante pour « suivre » le microbiote intestinal consiste à extraire les bactéries d’échantillons fécaux, puis à séquencer leurs génomes. L’approche a l’inconvénient de laisser passer les données concernant le lieu et le moment des changements bactériens dans l’intestin, elle n’apporte donc aux scientifiques qu’une image incomplète et fractionnée de la dynamique du microbiome.

Le cycle du repressilator se répète après 15,5 générations bactériennes, quelle que soit la rapidité ou la lenteur avec laquelle les bactéries se développent.

Suivre en temps réel la croissance des différentes communautés bactériennes

Un outil de suivi en continu : cet ensemble de gènes bactériens conçus pour détecter et enregistrer les changements permet de suivre l’évolution des différentes familles de bactéries au fil du temps. Ici la preuve de concept est apportée sur des intestins de souris vivantes et cela avec une précision unicellulaire. Au point que les chercheurs envisagent d’exploiter l’outil pour des diagnostics et des thérapies complexes.

Le système utilise une sorte d'horloge génétique ou « repressilator », un réseau de régulation génétique composé de 3 gènes bactériens qui codent pour 3 protéines (tetR, cl et lacI), chacune bloquant l'expression du gène suivant. Les gènes sont liés dans une boucle de rétroaction négative, de sorte que lorsque la concentration de l’une des protéines du repressilator tombe en dessous d’un certain seuil, la protéine suivante est alors exprimée, ce qui bloque l’expression de la troisième protéine et ainsi de suite. Lorsque les 3 gènes sont insérés dans un plasmide et introduits dans une bactérie, le nombre de cycles de boucles de rétroaction permet d’enregistrer le nombre de divisions cellulaires subies par la bactérie. Chaque fois que les bactéries se divisent, les protéines de répression présentes dans leur cytoplasme sont diluées, de sorte que leur concentration diminue progressivement et déclenche l'expression de la protéine suivante dans le cycle du repressilator. Le cycle du repressilator se répète après 15,5 générations bactériennes, quelle que soit la rapidité ou la lenteur avec laquelle les bactéries se développent. Cela lui permet d'agir comme une mesure objective du temps, un peu comme une horloge. Ainsi quel que soit le nombre de bactéries suivies, leur mesure est basée sur le même timing (Visuel 2).

Une lecture par fluorescence : l’évolution de la communauté bactérienne déclenche des signaux fluorescents. Pour que ces données de division bactérienne soient plus lisibles, les chercheurs ont couplé chacune des 3 protéines du repressilator à une molécule fluorescente de couleur différente et ont mis au point un flux d'imagerie au niveau des cellules qui permet de savoir quelle protéine est exprimée à différents moments de la croissance de la bactérie. Ainsi, au fur et à mesure que la colonie bactérienne se développe, l’outil induit différentes signatures fluorescentes. Le modèle obtenu permet d’étudier comment les taux de croissance varient entre différentes bactéries et dans différents environnements.

Ce repressilator est testé in vivo chez la souris : les chercheurs administrent à l’animal E. coli par voie orale, puis analysent les bactéries extraites d'échantillons fécaux. Ils constatent que :

  • le repressilator reste actif jusqu'à 16 jours après l'introduction, ce qui montre que cet outil peut être maintenu à long terme dans les bactéries intestinales (ici E. coli) chez les mammifères vivants ;
  • l'analyse par fluorescence permet de détecter des changements dans les modèles de croissance de la bactérie ;
  • à la suite d'une inflammation intestinale provoquée toujours chez la souris, les chercheurs constatent que les repressilators des bactéries de souris atteintes d'inflammation sont calés sur un plus grand nombre de phases (que les bactéries de souris témoins), ce qui suggère que l'inflammation induit des incohérences dans la croissance bactérienne, qui peuvent expliquer le déséquilibre du microbiome intestinal (dysbiose).

Etudier le microbiome in vivo et dans sa dynamique semble donc désormais possible. De plus, la plateforme va permettre d’effectuer des diagnostics et de suivre l'effet des traitements en temps réel, soulignent les chercheurs.

Source: Nature Communications 11 October 2019 Bacterial variability in the mammalian gut captured by a single-cell synthetic oscillator

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Équipe de rédaction Santélog Nov 18, 2019Rédaction Santé log




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