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Macron ne comprend pas le malaise social - 655ème semaine politique

Publié le 30 novembre 2019 par Juan

Macron ne comprend pas le malaise social - 655ème semaine politique

1891 - Grève des transports, un omnibus est pris d'assaut. 1891


Il parait qu'il est fatigué. Emmanuel Macron entame une phase diplomatique alors que la France se prépare à un choc de grèves en cascade le 5 décembre.
Il a du réagir aux massacres de civils en Iran contre l'opposition. Puis 13 soldats français sont morts dans un accident au Mali, sans que l'on comprenne quel ets l'objectif politique de cette présence militaire. Puis voici l'autocrate turc Erdogan l'a agité quand il le déclare en "état de mort cérébrale", à la veille d'un sommet de l'OTAN: "Je m’adresse depuis la Turquie au président français, Emmanuel Macron, et je le redirai à l’OTAN. Fais d’abord examiner ta propre mort cérébrale." Macron venait de râler contre l'OTAN.
Incapable d'en sortir, incapable de s'en sortir, le petit monarque s'agite et agace. Oulalala... Macron se fâche tout rouge et fait convoquer l'ambassadeur turc pour qu'il s'excuse.  Il y a deux mois, Macron s'est pourtant lamentablement couché devant Trump et Erdogan quand ce dernier s'est décidé à sacrifier les Kurdes laïcs qui combattaient Daesch en Syrie. Depuis cette trahison, quel crédit diplomatique accordé au petit homme de l'Elysée ? Le massacre des Kurdes était autrement plus sérieux que cette joute machiste #Kikalaplusgross. Erdogan est grossier, Macron est lâche.
Un attentat à Londres, puis un autre à la Haye pouvaient encore divertir l'attention du sujet franco-français du moment: l'amplification des luttes. La journée du 5 décembre approche, on transpire dans les ministères et à l'Elysée. Peu après la grève historique et quasi totale du 13 septembre à la RATP, les appels à la grève générale pour le 5 décembre, avec cortèges dans les gares, se sont multipliés.
Cette grève fait peur.
La RATP et la SNCF s'apprêtent à faire appel à des cadres de réserve. Jeudi 27 novembre, Edouard Philippe fait un "point d'étape". Il tente de donner des gages, mais rien n'y fait. Malgré des descriptions caricaturales et des menaces en tous genres contre les grévistes et les effets de la grève, les sondages du Parti Médiatique sont largement favorables ... aux grévistes. C'est dire si le gouvernement a échoué dans son travail de sape contre les oppositions. C'est dire si sa réforme des retraites est devenue un épouvantail.
Elle est même illisible: la Macronie s'est empressée d'en cacher les détails pour plaider qu'elle cherche la concertation. "Et en même temps", les porte-paroles du président des riches répètent que Macron restera "ferme", que cette réforme est une "promesse de campagne". Coincé entre souplesse et détermination, le clan Macron s'appuie aussi et surtout sur des chiffrages théoriques pour justifier sa réforme: le régime n'est pas en déficit. Pire, les scenarios gouvernementaux s'appuient sur la baisse des financements des retraites à cause de la baisse de l'emploi notamment public et de la non-compensation de certaines exonérations de cotisations sociales.
La réforme est devenue floue, mais il reste encore quatre principes :
  1. Macron veut économiser plusieurs milliards d'euros (8 à 17 milliards en 2025) sur les retraites, plutôt que mieux les financer. La France vieillit, la Macronie réduit les cotisations sociales sur les revenus les plus inégalitaires. Sans surprise, les régimes des retraites sont à nouveau en déficit. 
  2. Macron veut repousser l'âge de la retraite. Quelque soit la méthode retenue (report de l'âge minimum, augmentation de la durée de cotisation, etc), l'objectif est là.
  3. Macron veut mettre en place un système par points, qui permettra à l'Etat de moduler le niveau des pension en fonction du nombre du points.
  4. Macron veut "égaliser" la quarantaine de régimes de retraites sur un dispositif commun. Cette injonction à "l'égalité" émanant de l'auteur de la plus réforme fiscale la plus inégalitaire de la Vème République fait sourire. En novlangue macroniste,on dit qu'on veut un système "universel" avec "les mêmes règles pour tous". Le même argument n'est pourtant pas utilisé, et pour cause, quand il s'agit d'expliquer pourquoi les revenus du travail sont désormais plus taxés que ceux du capital. 
Mais c'est pire encore. Dans ses principes, cette réforme est une arnaque politique majeure ou un contre-sens historique :il n'y a pas de problème de financement des retraites. Les différents fonds de réserve, dont la CADES créé par le gouvernement Jospin 1997-2002 (qui est abondée de 18 milliards par an via la CSG et la CRDS), disposent d'environ 150 milliards d'euros. Et une politique de l'emploi plus généreuse suffirait à effacer toutes les prédictions idéologiques du gouvernement sur d'éventuels déficits plus tard. L'attention politique devrait se porter sur la paupérisation à venir des plus vieux: le renchérissement du traitement de la dépendance et la stagnation voire la baisse des pensions dans quelques années devraient inquiéter plus largement que cette diversion sur l'âge de départ et la durée de cotisation: même le COR est obligé de reconnaitre que "sous l’effet des réformes de retraite, les générations qui arrivent aujourd’hui à la retraite liquident leurs pensions avec des taux de remplacement plus faibles."(page 39 du rapport de novembre 2019). En 2030, es retraités seront plus nombreux, plus âgés et et moins payés qu'actuellement, à cause des réformes Fillon, Sarkozy et Hollande.
Macron ne comprend pas le malaise social - 655ème semaine politique
Macron a peur, et c'est heureux. "Ce n'est pas normal que les députés ne défendent pas cette réforme" s'est il inquiété cette semaine. Deux député(e)s macronistes ont d'ailleurs quitté les rangs du parti présidentiel cette semaine.
Macron ne comprend pas le malaise social. 
Il préfère pointer vers l'étranger ("c'est pire ailleurs"), ou opposer les catégories populaires entre elles (cheminots contre employés du privé,  chômeurs "qui gagnent plus qu'en travaillant" contre salariés, etc).  Il préserve la classe minoritaire dont il défend les intérêts. Il caricature les oppositions pour taire le débat public.
Quinze jours avant la grève du 5 décembre, l'INSEE publie son portrait social du pays, un bilan annuel qui mériterait bien des colloques et des mobilisations officielles si la Macronie avait quelques considérations sociales. L'INSEE répète ce que le pays sait déjà:
"Par rapport à une situation où elles n’auraient pas été mises en œuvre, les nouvelles mesures sociales et fiscales intervenues en 2018 augmentent le niveau de vie de l’ensemble de la population de 1,1 % une fois pleinement montées en charge (...). Les plus modestes bénéficient de mesures sur les minima sociaux et la prime d’activité et de la mise en place du chèque énergie, mais ils sont pénalisés par le gel des aides au logement. (...). Les 10 % de personnes les plus aisées bénéficient d’un gain en niveau beaucoup plus important que les autres grâce au remplacement de l’impôt de solidarité sur la fortune par l’impôt sur la fortune immobilière et à la mise en place du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du patrimoine."

La Macronie est une présidence pour les riches, elle a davantage servi les foyers aisés que les 90% de la population restante.
L'INSEE ne prend en compte que les prélèvements directs dans son évaluation du niveau de vie. Or, en 2018, les prélèvements indirects se sont aussi dégradés, ce qui pénalisent plus durement les classes populaires: "la hausse des taxes sur les produits pétroliers et sur le tabac représente l’équivalent de 0,4 % du niveau de vie des ménages : lorsqu’on les intègre, l’impact global des mesures fiscales et sociales de 2018 est réduit à 0,7 %. Cette hausse des prélèvements indirects pénalise l’ensemble de la population, mais davantage les personnes les plus modestes en proportion de leurs revenus, à comportement de consommation constant."
L'analyse de l'INSEE est particulièrement détaillée: en 2018, Macron a réinjecté 11 milliards d'euros dans le niveau de vie des ménages français:
  • +2 milliards d'allégements de cotisations sociales pour 15 millions de foyers: ces cotisations perdues ne sont pas compensées sur le budget de la Sécu ou des retraites, d'où les réformes en cours pour réduire les prestations chômage (qui affectent 2 millions de chômeurs depuis le 1er novembre), le coût de la santé publique et, maintenant, attaque sur les retraites.
  • +3,4 milliards d'euros de suppression de l'ISF pour seulement 340 000 foyers ont bénéficié de
  • +1,4 milliards d'euros de réduction d'impôts et de cotisations sociales sur les revenus financiers ("Flat tax"), pour 4,4 millions de foyers. 
  • +3,5 milliards d'euros de réduction de taxe d'habitation pour 18 millions de foyers (y compris les plus riches) 
  • +540 millions d'euros de revalorisations des prestations sociales (sur 728 milliards d'euros... soit +0,07%... ), qui se décomposent en une baisse des aides aux logement de 300M€ pour 4,7 millions de foyers, de 500M€ de la PAJE pour 1 million de foyers, et d'une hausse de 1,3 milliards des minima sociaux et chèque énergie. 
Traduisons: le gain moyen annuel est estimé à 80 euros par ménage pour la baisse des cotisations sociales, et à 10 000 euros pour la suppression de l'ISF.

Macron ne comprend pas le malaise social - 655ème semaine politique

source: INSEE, "Portrait social de la France", novembre 2019


Le 5 décembre, les blocages d'activités seront nombreux. La présidence des riches devrait sentir la fronde. Ses supporteurs tenteront de cliver les gens les uns contre les autres. Ils insisteront sur la gêne des blocages, ils insisterons sur les heurts provoqués par des Black Blocs qui par ailleurs ne seront pas empêchés. C'est la "retraite par poings", s'amuse le Canard Enchaîné du 27 novembre.
La lutte paye. La lutte échoue parfois. Mais sans lutte, point de résultats.  
Un million de signatures pour l'organisation d'un référendum sur l'ahurissante privatisation du premier point d'entrée sur le territoire nationale - ADP - n'est pas suffisant. (il en faut encore 3,6 millions). Mais sans ce million, le sujet ADP serait tombé aux oubliettes.
La lutte échoue parfois. L'an dernier, les blocages du rail ont été insuffisants pour empêcher la réforme de la SNCF et préparer la privatisation du rail. Les restructurations en cours désorientent les personnels et créent de la souffrance. Et le gouvernement, discrètement, réduit de 300 millions (sur les 3 milliards promis) son financement aux investissements pour la modernisation et l'entretien du rail public.
Des milliers de manifestants et des centaines de services d'urgence en grève ont fait reculer le gouvernement sur l'hôpital public, insuffisamment mais réellement. Malgré le mépris de classe et la répression sanglante dont ils ont été victimes, les Gilets Jaunes, régulièrement caricaturés en fascistes, ont permis d'obtenir 10 milliards d'euros de dépenses sociales supplémentaires (qui expliquent le regain de pouvoir d'achat mesuré par l'INSEE au premier semestres 2019).
La Macronie cherche à instiller découragement, résignation, ou peur pour passer en force un programme sur lequel elle n'a pas été élue.
Ami castor, où es-tu ?


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