Quotidien de misère
Samedi dans un rayon de supermarché. Un homme, la soixantaine, et une employée conversent. Lui parle de son genou douloureux et de la mutuelle ʺ qu’ « ils » nous ont changé sans rien nous direˮ ! Elle acquiesce, je comprends qu’ils sont collègues. Il continue :
- Il faut que j’y aille, parce que celle-là, elle ne vaut rien !
Elle acquiesce encore. Il reprend :
- C’est mon dernier jour aujourd’hui, je suis rentré en 1985 !
- Moi j’aurais pu partir à 60 aussi mais je me suis arrêtée quelques mois, du coup je dois aller jusqu’à 62 ans… répond-elle d’une voix lasse.
Plus tard, j’attends à la caisse et la même vendeuse arrive derrière moi, un misérable sandwich emballé à la main. Sa journée de travail est sans doute terminée. Elle prend des nouvelles de sa collègue caissière :
- Ça va mieux toi ?
- Non. J’ai dû prendre froid !
- Oui, c’est comme moi avec mes cervicales…
Merci les jours de carence… Elle salue enfin l’autre caissier :
- A demain !
- Non ! Demain c’est mon jour de repos !
Sa voix exprime un triomphe dérisoire.
Jeudi, ils ne seront pas à la manif. Quoi que l’on essaie de nous faire croire, ce ne seront pas les privilégiés qui y seront mais ceux qui ont encore les moyens de défendre les droits de tout le monde.
Colette Milhé