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"Lâcher prise" et "Under control"

Publié le 09 décembre 2019 par Alexcessif

C’était un soir où je décidai de tromper ma liberté avec le cinéma–mon–amant. Marche à pieds, tram. Azimut, Utopia–mon–amour qui céderait à la séduction d’un billet de dix . Décision/objectif/contrôle pour que « ça » marche il faut faire entrer l’objectif dans la grille O.R.P.A.C (organiser/ réfléchir / préparer /agir/contrôler). L'importance des actions mises en œuvres disproportionnées en regard de l'objectif est un signe indicateur de gaspillage, de générosité ou, tout simplement, de stupidité.
Au delà de ces trois hypothèses, le besogneux inactif prendra la mesure de son ambition et de ses moyens engagés pour marquer des buts modestes dans les cages de sa vie sans coéquipière pour lui passer le ballon.
A une demi-heure de la dernière séance, avec un parachute doré d’un quart d’heure de marge, j’avais évalué mes chances de succès de mon "lâcher prise" concédé à la distraction "sous le contrôle" des horaires et des conditions d’accès. Afin de laisser à la variable inconnue sa marge de manœuvre, je n’avais pas pris mon carnet d’abonnement laissant au destin une chance d’organiser dans la file d’attente la rencontre aléatoire de la future femme de ma vie. Le tram est en retard. Je déduis cinq minutes à la louche. Station CAPC tram bloqué pour une durée indéterminée. Je décompte les minutes et j’additionne du temps, soustrait des chances, évalue des probabilités, construit des hypothèses. Je "lâche prise" en gardant "sous contrôle" à l’horizon des événements préparant la trajectoire de ma course tout à l’heure jaillissant du tramway. Au plus prés de l’issue des portes coulissantes, je projette l’image du vieil homme que je suis devenu à force d'attendre les belles choses de la vie sautant le trottoir pour couper par les rails avec un contrôle visuel des obstacles, enquillant la rue Sainte Catherine par la place de la Comédie avec une trajectoire médiane pour éviter la cassure chronophage de l’angle droit à l’intersection du Chapeau Rouge, le risque d’une collision et l’économie d’énergie de la relance. Il y aura des piétons dans la queue devant le Mac Do à l’angle de la Porte Dijeaux, des chalands nonchalants devant les vitrines des galeries Lafayette et les boutiques éphémères. Au centre de la rue commerçante la plus longue de France, gérant la précarité de l’adhérence et de la motricité sur des dalles peu propices à la course d’un dératé, profitant de la déclivité jusqu’à la Fnac, accélérant devant la boutique des Girondins, ignorant Guiraude orpheline de Sud-Ouest, arrondissant les angles des Trois Conils et de Saint projet pour les même raisons d’évitement, dégageant la perspective du futur missile vers Saint Siméon. Entre "lâcher prise" sur des événements dont je ne suis pas maître et "sous contrôle" pour la mise en œuvre de ce plan B, j’organise et prépare. Je stocke la rage qu’il faudra muter en énergie. A quelques centaine de mètres de la station finale, si je ne capitalise pas sur le solde des cinq minutes que j’estime nécessaire pour une course d’un kilomètre entre les passants d’un samedi soir sur la terre indifférent à mon passage sur la planète, il n’y aura pas de course. Arrêt intendance ! Trop tard : il manque 90"pour faire 1.30’. Pourtant, il n’est pas l’heure de penser mais celle de courir. Il s’est passé ce qui était prévu ! Je pousse la lourde menuiserie métallique du hall de l’Utopia . La file de mes attentes est bien là. Plus dense que je ne l’avais anticipée dans ma plus pessimiste des versions. L’heure de la séance est érigée comme un mur entre la caisse et l’entrée de la salle convoitée. Avec un ticket préacheté, je serais apte à profiter de mon record du kilomètre en 3.30’. A la bourre, comme d'hab!
Oh, variable inconnue à toi de faire ! « Alors les dieux, la chance et la victoire furent mes esclaves soumis » Exécution !
La voix du salut et de la guichetière prononce les mots magique coupe file pour les VIP du film que j'ambitionne de mater
— « les personnes pour " Three Bilboards" s’il vous plait ! » Trois personnes sortent de la queue et se présentent au guichet. Sa majesté Moi souffle court et suant ainsi que P. et une copine à elle inconnue de moi. P. est la secrétaire d’une asso dont je suis le vice président et sa copine DRH de je-ne-me-souviens plus quelle boite. Deux célibataires endurcies bien baisées par la vie et mal par les hommes. Sans doute n’ont-elles pas suffisamment "lâché prise" jusqu’à perdre le contrôle de leur existence. Il ne reste qu’une place, elles sont deux inséparables comme les lèvres d’un vieux gant trop sec et je suis monogame. J’embrasse Patricia sur les deux joues, shake hand pour sa copine tandis que le préposé détalonne mon billet et je gagne ma place chèrement gagnée dans le sanctuaire de la solitude des égoïstes.

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