Un simple tweet du 45ème président américain à briser la trêve fragile et à relancer les hostilités entre l’Union Européenne et les Etats d’Unis d’Amérique. Donald Trump a menacé, dans son tweet, Bruxelles d’appliquer des taxes douanières sur 11 milliards de dollars de produits venant de vieux continent. Le département américain a dressé une liste de 14 pages de produits à taxer. Parmi ces produits il y’a des motos, des anoraks, des fromages, des vins, du Whisky, de l’huile d’olives … et bien évidement des avions d’Airbus. L’organisation Mondial du Commerce (OMC) a approuvé une taxation de 10% sur les avions d’Airbus. La sanction s’élève à 7,5 milliards dollars. L’OMC a justifié cette décision par des subventions financières illégales dont a bénéficié le constructeur aéronautique européen de la part de Bruxelles. On peut se demander si, dans ce panel de mesures de rétorsion,l’administration américaine n’a pas cherché à s’en prendre aussi Airbus, pour tenter d’atténuer l’énorme crise financière, industrielle et technique, qui en train de vivre le constructeur de Seattle depuis la fin de 2018.
Une guerre commerciale déjà ancienne
Il s’agit d’un vieux conflit entre les deux géants du ciel Airbus et Boeing. L’histoire de ce litige juridique remonte à 15 ans. Quand, les Etats Unis de George W Bushes ont accusé la France, l’Allemagne l’Espagne et le Royaume-Uni de sponsoriser leur champion Airbus avec de l’argent publique. Un an plus tard, Bruxelles accuse Washington d’octroyer des subventions de 19 milliards de dollars, entre 1989 et 2006. Une bataille sans fin et d’une grande absurdité selon les dires de l’ancien patron de l’OMC Pascal Lamy, qui pense que ces subventions sont illégales mais elles sont nécessaires pour pouvoir développer des programmes (comme l’A380, B787, A350XBW …) assez pointus, consommateurs de financements et qui représentent des risques très élevés liées à l’incertitude des marchés de l’aviation. Depuis de décennies, les deux avionneurs se livrent une guerre commerciale pour avoir la première place dans le secteur de l’aviation civile[1]. Le tweet de Donald Trump n’est pas dû au hasard.
La fragilisation technique de Boeing
En moins de 6 mois, deux avions de son produit phare– le B373Max – ont subi des accidents mortels. Le premier crash concerne l’indonésien Lion Air en octobre 2018, avec 189 morts. Le second crash a affecté l’Ethiopien Airlines en mars 2019, avec 157 morts. Les pertes financières suite à l’annulation des commandes[2] et l’immobilisation des avions 737MAX (plus de 380 avions cloués au sol à ce jour) vpnt coûter à Boeing près de 10 milliards de dollars selon les spécialistes du secteur aérien. Les déboires de Boeing[3] ne s’arrêtent pas là. Boeing a notifié la présence des fissures structurelles sur un petit nombre d’avions B737NG (l’ancienne version du MAX qui a été mise en service en 1997). La FAA a ordonné l’inspection et la vérification des 2000 avions utilisés aux Etats-Unis.
Après la victoire des Etats-Unis d’Amérique devant l’OMC, l’Union Européenne a lancé ce qui fait figure de contre-attaque :
- En taxant les avions Boeing pour répliquer aux subventions accordées par Boeing par le gouvernement américain.
- En ouvrant une enquête approfondie sur la nouvelle joint-venture entre Boeing et le brésilien Embraer. Un tel rapprochement – et d’après Bruxelles – entraînerait la suppression du plus grand constructeur dans le secteur aéronautique. Cette enquête pourrait contraindre Boeing à proposer des concessions pour obtenir l’aval de l’UE.
Le partenariat Boeing-Embraer n’est qu’une réponse à la prise de contrôle du programme CSeries de l’avionneur canadien Bombardier par Airbus. Courant 2017, une alliance Airbus-bombardier commence à se concrétiser. Les québécois trouvaient des difficultés à développer les ventes de leurs monocouloirs dans le marché américain, et précisément après le conflit avec Boeing. Et le constructeur toulousain cherche à conquérir des marchés supplémentaires avec une gamme d’appareils plus petite que ses A320NEO. Mais au-delà de l’affrontement traditionnel entre Boeing et Airbus, se profile la crainte du nouvel entrant chinois qui positionne le Comac C919, comme première étape marchande pour tenter d’affaiblir le duopole d’Airbus et de Boeing sur le marché mondial des constructeurs aériens.
Gilles Delucot
[1] L’année 2018 ils ont battu tous les records de vente : 806 avions pour Boeing contre 800 pour Airbus.
[2] Les prise de commandes ont chuté de moitié.
[3] Donald Trump n’a pas hésité à suggérer à Boeing de modifier l’appellation commerciale de l’avion B737 MAX comme stratégie de sortie de cette crise. Boeing a déclaré à ce propos qu’un rebrinding du 737MAX n’est pas envisageable et que leur priorité immédiate et de remettre l’avion en service en tout sécurité et de regagner la confiance des compagnies aériennes et les voyageurs.
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