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La paternité et la montre

Publié le 29 décembre 2019 par Alexcessif
La paternité et la montre Il parait que l’on doit remercier ses darons de nous avoir donné la vie. C’est maman qui m’a dit ça.
Comme j’ai répondu que je ne lui n’avais rien demandé pour les remerciements inscrivez "dommage" car papa avait assisté à la conversation et j’ai su ce jour-là qu’une ceinture ne servait pas qu’à soutenir un pantalon.
Moi, c’est plutôt mes mômes que j’ai envie de remercier. L’aîné en premier.
Quand il est né, nous habitions un studio rue Saint Rémy dans le cœur du Bordeaux historique (en VO un quartier à putes). Sa naissance nous a pris de court, question immobilier et la salle de bain lui servit de chambre d’enfant. Socialement j’étais sur le premier barreau et un mois plus tôt j’allais chercher sa mère enceinte qui faisait les ménages à Lormont sur ma mobylette de fonction tard le soir.
Je te laisse former l'image d'un couple sur une selle dont le mot de duo compte double sur le porte bagage d'une meule sans suspension coincée contre ma caisse de livraison dans les chaos de cette cité dortoir. De là sans doute l'habitude et la hargne de cet embryon accrocheur de se cramponner à cette vie qui ne lui fait pas de cadeau de l'autre coté du globe.Très vite, c'est grâce à la pression sociale de cette naissance qui, concomitamment, m’a permis en retroussant mes manches de grimper l’échelle éponyme. Coursier puis chauffeur promotion interne et me voilà cadre avec les privilèges afférents. De quoi taper dans la caisse Agirc-Arrco. La bagnole de fonction a remplacé la mobylette.
Merci Dadou
...Un crash plus tard (pas solide le dernier barreau de cette putain d'échelle surtout à trois dessus) la seconde naissance est une fille et elle m’a permis de recréer un cercle de famille grâce à la seconde maman qui assumait mes frères et ma sœur "confiés" par mon père pendant la longue maladie de notre mère et mon boulot de pue la sueur pour faire bouillir la marmite.
... Un crash plus tard, sa tête cherchant mon épaule dans l'obscurité amnésique de nos séances cinéma de papa un week/deux m'a fait croire longtemps que je pouvais être un protecteur crédible alors que c'est elle qui me consolait en faisant son baluchon du dimanche soir.Sa petite silhouette, un sac à dos, un doudou qui dépasse, hante encore ma mémoire les nuits où les cadavres sortent des placards et pourtant c'est elle, petit bout de femme, qui m'a appris à serrer les dents pour garder les morceaux du courage quand je vomis ma peur et léguer celui de nettoyer les écuries d'Augias
Merci Stéphie
...Un crash plus tard mais pas l'ultime dispersion du Moi, le petit dernier m’a bien secoué la motivation puisque dans un effort surhumain pour rassembler mes compétences venues de la joie de sa naissance, je suis devenu Chef de trafic chez un gros transporteur de la région (je me revoie une nuit de Novembre avec sa mère en train de taper sur une Canon d’emprunt mon projet d’organisation du département manutention spéciale que m’avait demandé son PDG en guise de CV) puis gérant de ma société.
C'est grâce à lui que je sais qu'il n'est pas encore l'heure de mettre un genou à terre (dans la vraie vie, il m'a offert une montre)
Merci Ben
Un enfant c'est le compte à rebours qui débute, tic-tac-tic-tac-tic-tac. Ne te demandes pas s'il faut couper le fil rouge ou le fil vert, tu as quelqu'un pour qui trembler désormais prés de cette bombe à retardement et si t'es daltonien t'es dans la merde. Je veux dire par là que si l'acquisition du pouvoir de donner la vie est venue passivement en écoutant pousser sa moustache, le mode d'emploi de l'éducation n'est pas fourni en même temps que le matos génétique. Je parle pour les robinets, nos amies tire-lire s'en sortent mieux.
Les murs ont des oreilles et les meubles vivants que l'on déplace de déménagement en divorce ont une mémoire et la forme de l'eau des fontaines pas trés claire.
Ils ont bien vu que tu courais plusieurs lèvres à la fois, que tu avançais à plat ventre ou marchais en titubant sans éviter les trous de balles quand tu sortais un peu trop souvent de la tranchée revenant au chagrin avec un pitoyable alibido .
S'ils ont lu Freud et son conseil de tuer le père tu peux te faire du mouron et diversion en allant flinguer le tien (pantalon, ceinture, rancœur etc..).

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