Critiquer la Ligue 1 est un sport national, mais les arguments de la fiscalité et du prestige des championnats voisins ne sont-ils pas de simples mirages qu’il convient d’ignorer ?
Alors oui les clubs français ne peuvent pas s’aligner sur les prétentions salariales des joueurs dès lors qu’ils ont des propositions de l’étranger. Bien sûr aucun club français n’aura un jour un palmarès comparable au Real Madrid, à l’AC Milan, au Bayern Munich ou même à l’Ajax Amsterdam. Non ! Marseille non plus ! Évidemment à choisir (au summum de la mauvaise fois) entre Arsenal-Liverpool et Le Mans-Auxerre, la confrontation anglaise prendra le dessus. Mais cela suffit-il pour conclure que notre championnat est tout miteux ? Comparer Toulouse – Lorient à Inter Milan – AS Rome relève bien plus du lobbying de la sinistrose que d’une opinion bien fondée, pourtant n’importe quel Jacky entamera son argumentaire contre la ligue 1 par là. Real Saragosse – Santander atteint autant d’approximations techniques et tactiques que Sochaux – Rennes, mais pourquoi personne ne s’en émeut ? Balancer sur la nullité de notre championnat est bien plus vendeur et si les arguments sont crétins, le constat n’est pas loin d’être tout de même faux.
Manque de stars, mais sait-on au moins remarquer les bons joueurs ?
Samir Nasri, Hatem Ben Arfa, Karim Benzema, voici le talent de notre compétition domestique résumée à ces trois joyaux. Personne ne songe réellement à les voir évoluer sur nos pelouses d’ici un an ou deux. Le Marseillais a déjà mis les voiles pour sa part (Arsenal). Seydou Keita, Franck Ribéry, Didier Drogba, Thierry Henry, David Trezeguet, Zinédine Zidane… L’arrêt Bosman a mis à mal la qualité technique de notre championnat. Depuis 15 ans, l’inexorable travail de sape d’Arsène Wenger et des agents de joueurs condamne la formation française à sortir de nouveaux talents quasi annuellement. Pourtant à toujours plus vendre qu’acheter, les clubs Français s’en tirent financièrement pas trop mal globalement et surtout depuis la somme astronomique perçue dans la redevance des droits télés. Et si un lourd passif les obligeait à combler les découverts dans un premier temps, cela fait trois ans que la plupart d’entre eux (tous en fait sauf Marseille et Paris) génèrent des bénéfices qui appellent des investissements. Mais sait-on remarquer les bons joueurs de ligue 1 là où ils sont ? Si Lorient ne fait rêver personne, il y a tout de même de quoi s’étonner de l’absence de reconnaissance pour la justesse et passe et la vista d’un Fabrice Abriel. Joueur qui serait bien plus en valeur (commercialement) s’il évoluait ne serait-ce à Rennes. On peut également souligner les résurrections après leurs passages parisiens de Christophe Landrin (ASSE) et David Hellebuyck (Nice). On a peut-être trop tendance à déclarer dans les trous paumés, il n’y a pas de bons joueurs, c’est faux.
Les stades.
Lyon, Nice, Le Mans, Valenciennes, de nombreux clubs de ligue 1 voient grands. Devenir un club réputé et huppé oblige des installations irréprochables. Centre d’entraînement et stade en première ligne. Les difficultés sont nombreuses pour avoir un nouveau stade et l’on est obligé de revenir à la Coupe du monde 1998. Seul le Stade de France est sorti de toutes pièces pour l’événement. En 2006, les Allemands en ont construit deux (Veltins Arena et Allianz Arena) et profondément rénovés l’Olympiastadion de Berlin, le RheinEnergieStadion de Cologne, la Commerzbank Arena de Francfort, l’AWD Arena de Hanovre, le Fritz Walter Stadion de Kaiserslautern, le Zentralstadion de Leipzig, le easyCredit de Nuremberg et le Gottlieb Daimler Stadion de Sttugart. Et quand je dis rénover, c’est un pas un coup de peinture ! toutes les places assises, couverture des tribunes, aménagements d’espaces commerciaux dans les travées, installations de loges sur toute la circonférence du stade… De plus beaux stades, envie d’y venir, une vraie raison de payer sa place très chère et du spectacle mais ça c’est un autre débat.
Les salaires.
Nos pauvres smicards du football (dixit Éric Di Meco) doivent faire leur beurre sur les 10 ou 15 ans que dure une carrière. Conscient d’avoir un talent et d’avoir la chance d’en faire un métier, les joueurs sont gourmands à tort ou à raison. Sous prétexte d’aller voir ailleurs, les joueurs demandent trop à leurs patrons qui sont rarement en position de refuser. Pourtant, il est bien là le problème, en France il y a trop de joueurs surpayés à cirer le banc de touche. À Nancy, pour la saison 2007-2008, le salaire moyen au club est de 37 000 euros nets par mois. Pauleta valait certainement ses 300 000 euros par mois, mais Bernard Mendy vaut-il vraiment ses 100 000 mensuels ? Avec un meilleur contrôle des salaires, les clubs auraient davantage de marges pour conserver leurs meilleurs éléments. Sans cela, tout aménagement fiscal qui découlera du rapport de la commission pour le redressement du football français du fidèle Éric Besson est superflu.
Quel (en)jeu ?
Et puis il faut avouer qu’enchaîner au mois de novembre des déplacements à Auxerre, au Mans, à Nancy, à Lille, à Sochaux n’engage pas à l’euphorie. Néanmoins ces équipes ne sont pas plus mauvaises que leurs équivalents italiens, espagnols ou anglais. Là où le bât blesse, ce sont les locomotives. Les équipes du big four, l’AC Milan, la Juventus, l’Inter, le Real, le Barça ou le Bayern sont en crise quand ils finissent 4è. En France, on danse sur la table lorsque Marseille finit deux années de suite en la ligue des champions ou en tour préliminaire. Seul Lyon a pris le rythme et pourrait partager quand même !
Le bon joueur dans une équipe en a marre d’aller de saison moyenne en déconvenue. L’idée de tenter sa chance ailleurs est légitime sportivement.
De même que jouer pour ne pas perdre ! Si le nombre d’attaquants n’a jamais prouvé scientifiquement qu’une équipe marquait plus de buts (à part quand on jouait à 10 attaquants au début du XXe siècle), le manque de contribution offensive des milieux de terrains est patent. L’équilibre (sacro)défensif est de mise. Manchester United remporte la Ligue des Champions avec la meilleure défense de la compétition. On se souvient (puisque c’est d’actu) que l’équipe de France de 1998 jouait avec trois joueurs à vocation offensive (Zidane, Djorkaeff et Guivarc’h) lors de la finale contre le Brésil (3-0). La contraction des trois milieux défensifs (Deschamps, Petit, Karembeu) laissait toute latitude aux montées des latéraux (Lizarazu et Thuram) et les courses de Petit et Karembeu était rarement à vocation défensive une fois le ballon tenu. Le nombre d’attaquants ne fait pas tout. La question est quoi faire du ballon une fois qu’on l’a récupéré à la condition d’être placé assez haut tout de même. C’est-à-dire pas comme le PSG de la saison 2007-2008 qui jouait à 25 mètres de Landreau.
Quel engouement ?
Je l’ai clamé plusieurs fois, la France n’est pas un pays de football. Les footix nés après 1998 me diront le contraire, bien entendu, mais l’affluence moyenne pour une même équipe entre une bonne et mauvaise saison, le délaissement de la Ligue 2 et des compétitions inférieures sont autant d’indices qui font ressurgir davantage le succès sportif que l’amour d’un club, d’un maillot, d’une histoire. On aime son équipe que quand elle gagne !
Après jouer le maintien à Boulogne-sur-Mer faut avoir du courage. À Hull, Nottingham, Leipzig ou Genoa, ils en ont plus. Na !
La Ligue 2 (et on parle même pas du National) est très peu suivie en France et la disparition de France 2 Foot n’arrange rien à l’affaire même si l’émission était d’une médiocrité sans pareil. Pour voir de la Ligue 2, il faut payer, même pour voir les buts ! Qui vient en premier l’œuf ou la poule ? Est-ce par manque de demande qu’il n’y a pas d’offre ou l’inverse ? On penchera plutôt pour la théorie du monopole crypté…
Pour résumer : Le jour où l’on arrêtera de comparer nos préhistoriques clubs, qui payent trop les joueurs moyens, avec des tops clubs étrangers. Qu’on reviendra à l’essentiel du football (11 gars, un ballon, jouer, marquer des buts). Qu’on ne sanctuarisera plus l’élite (dit Ligue 1) en s’intéressant à la Ligue 2 (qu’il faudrait faire jouer le dimanche après-midi)… Et bah, on aura fait un grand pas.