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Neiges intérieures, d'Anne-Sophie Subilia

Publié le 02 janvier 2020 par Francisrichard @francisrichard
Neiges intérieures, d'Anne-Sophie Subilia

Ce qui nous relie tous les quatre, c'est l'architecture et le paysagisme.

Ces 40 jours doivent nous servir. On s'inspire pour plus tard. Ce sera d'autant plus vrai si on nous confie le mandat de la nouvelle cité alpine.

Nous, ce sont deux hommes, N. et S., et deux femmes, C. et la narratrice. Tous quatre embarquent sur l'Artémis, un seize mètres d'aluminium, douze tonnes, taillé pour les mers de glace: pour capitaine, on a choisi Z sans le connaître, qui a choisi T. en le connaissant.

Le voilier, au nom bien choisi, les mènera à bon port, après avoir caboté longtemps au-delà du cercle polaire, dans la mer de Baffin, alors qu'une heure suffira pour faire le chemin inverse: les camarades et moi, on remontera dans un coucou rouge à hélices.

La narratrice remplit de notes quatre cahiers pendant ce périple, de mi-août à fin septembre. Et met en épigraphe, pour chacun des trois premiers, une citation qui est de circonstance: une de Paul-Émile Victor, une d'Hérodote et une de Victor Hugo.

Elle fait précéder le quatrième d'un proverbe, qui illustre peut-être le mieux ce qui se passe en elle, sur et autour du bateau où elle a embarqué avec ses camarades: l'intérieur de ta maison t'appartient, mais l'extérieur appartient au passant qui la regarde.

Ces notes soulignent ainsi par exemple le contraste entre l'exiguïté d'un voilier pour six personnes, qui vivent dans une promiscuité qui les mettent à l'épreuve, et l'immensité de l'espace qui l'entoure, où le blanc de la mer domine d'une escale l'autre.

Ces notes montrent que la vie en collectivité dans des conditions d'hygiène et de nourriture limites, de froid et d'humidité, donc rien moins que confortables, ne favorise guère les relations sereines, mais plutôt les tensions, les arrière-pensées, les non-dits.

Ces notes révèlent la complexité de toute âme humaine puisque, par exemple, la narratrice voit en C. à la fois une rivale quand elle la trouve séduisante et une soeur humaine dans cet univers clos qui est majoritairement masculin quand celle-ci est malmenée.

Les Neiges intérieures, enfin, semblent faire allusion aussi bien aux carences affectives de la narratrice, dont elle est bien consciente, qu'à ces neiges qui forment un jour une fine visière blanchâtre bordée de gris mauve derrière des montagnes brunes...

Francis Richard

Neiges intérieures, Anne-Sophie Subilia, 160 pages, Zoé

Livres précédents:

Jours d'agrumes, L'Aire (2013)

Parti voir les bêtes, Zoé (2016)


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