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Éloge du libéralisme, de Joseph Macé-Scaron

Publié le 06 janvier 2020 par Francisrichard @francisrichard
Éloge du libéralisme, de Joseph Macé-Scaron

L'émotion, l'immédiateté et l'apparence mènent le bal. Cette curieuse et furieuse trinité a accouché d'une religion monstrueuse avec son Église, son clergé, ses servants et ses inquisiteurs.

Bref l'obscurantisme est de retour et avec lui celui des Grandes Peurs:

L'essentiel est de créer la panique, de la propager, puis de condamner. L'étape du procès n'est même plus nécessaire. Il ne s'agit pas de relever le débat, mais d'élever l'estrade du bourreau...

Et la plus effroyable des menaces, c'est le libéralisme...

Le mot libéral

Mal nommer un objet est ajouter au malheur du monde, disait Brice Parain, repris par Albert Camus.

Le sens originel du mot libéral (qui convient à une personne libre), il est vrai, ne rend pas compte de ses multiples acceptions, parce qu'être libéral, c'est être pour la pluralité, la singularité, l'individu et, au final, la liberté, avec lesquels il convient désormais de découdre.

La seule certitude est en effet que personne en France ne s'affirme plus libéral et qu'il est de bon ton de communier dans sa détestation au point de l'adjectiver quand il faut l'employer:

On peut être ainsi ultralibéral, social-libéral, néo-libéral, libéral social, libéral libertaire, national libéral, libéral de gauche, libéral de droite...

Le mur de Berlin dans les têtes

Le mur de Berlin est peut-être tombé, mais il est encore bien dressé dans les têtes, il a même été fortifié puis surélevé par cette intoxication élémentaire que sont la crainte de la liberté, la peur panique du risque, la volonté d'abdiquer

Il n'est pas étonnant dans ces conditions que le libéralisme soit considéré comme le responsable de tous les maux, des camps totalitaires, du dérèglement climatique, des famines, du retour des grandes épidémies sur la planète et de l'empoisonnement des sources...

Quand on croit que l'homme descend du songe, on oublie que la raison, la modération, le doute, propres au libéralisme, sont des outils forgés patiemment pendant les siècles précédents pour se libérer des pensées iniques mais aussi, surtout, pour comprendre ou anticiper les bouleversements à venir...

On ne peut être singulier qu'en étant pluriel

Il y a autant d'appartements dans la vaste demeure libérale qu'il y a de résidents. A cela une raison toute simple: le libéralisme repose sur la capacité des femmes et des hommes à s'adapter continuellement à des conditions changeantes et imprévisibles.

Il n'y a pas de doxa libérale: tous les chemins mènent au libéralisme à partir du moment où l'on est convaincu que la liberté est comme la vie elle-même, qu'elle refuse de se laisser enfermer...

Le libéralisme est bien français: il s'inscrit dans le cours le plus intérieur de l'histoire des idées politiques de notre pays avec Tocqueville et Raymond Aron, La Boétie et Jean-Baptiste Say, mais aussi avec Madame de Staël, François de la Mothe Le Vayer, Benjamin Constant et même Stendhal...

Les pensées iniques

Les pensées iniques, ce sont par exemple:

- le refus de l'existence même des inégalités et non pas de leur simple augmentation: aucune tête ne doit dépasser, ce qui justifierait l'emploi de la violence par les envieux;

- le refus de la contradiction: vouloir débattre serait blasphématoire, voire négationniste (Ce n'est pas le doute qui rend fou, ce sont les certitudes, disait Nietzsche);

- le refus de l'individualisme, qui est tout bonnement le prolongement de l'humanisme: actuellement un individu est obligé de plonger dans le grand bain tiède du collectif au risque d'être pris pour un monstre.

Raison et déraison

Il existe un pacte pluriséculaire entre la grandeur du libéralisme et la primauté de la raison. L'individu de raison est, en effet, né de la pensée libérale. Aussi les coups portés à notre individualité fragilisent d'autant plus le libéralisme qu'il n'est pas une doctrine, qu'il s'appuie sur le doute, le raisonnement, la logique et non juste l'acte de foi.

Le recours au raisonnement suppose pour l'éprouver et le fortifier de le confronter à d'autres raisonnements, mais, pour cela, il faut respecter l'Autre et ne pas en avoir le dégoût, il faut être dans la subtilité plutôt que dans le slogan ou le dénigrement:

Nous baignons dans les larmes tout en jetant la réputation d'une femme ou d'un homme aux chiens.

La déraison, ce sont tous les phénomènes de mode tels que l'écologisme devenu acte de foi que nul ne peut remettre en cause et qui ambitionne le retour au début du XIXe siècle, le véganisme de stricte obédience qui veut en finir avec l'exploitation des abeilles par l'homme...

La déraison, ce sont les religions contemporaines, exemptées de toute attaque, de toute critique puisque cette dernière est immédiatement présentée comme une preuve d'"irrespect" et de "discrimination". Une opinion politique, comme le libéralisme, se discute. Pas une opinion religieuse même si elle semble aberrante (il est tentant d'écrire: surtout si elle est aberrante...). 

Les marchandises frelatées

L'étiquette libérale sert, depuis trop longtemps, à masquer des marchandises frelatées telles que conservatismes périmés, situations monopolistiques avec addictifs inconnus, ou autres capitalismes sous OGM.

Où est le libéralisme par exemple dans la crise des subprimes qui est partie d'un mécanisme créé par le pouvoir politique pour échapper à la règle libérale selon laquelle on ne prête pas aux personnes insolvables?

Une bibliothèque ne suffirait pas à recenser les contre-vérités véhiculées par ceux qui estiment que la liberté est un boulet et qui se pelotonnent sous l'État comme s'il s'agissait d'une grosse couette meringuée.

Tenir bon

Il existe de réelles menaces: Ce qui s'approche de nous est la tyrannie au front bas, brute, totale, épaisse, sanglante. Elle a pour visage les monstres froids que sont le totalitarisme islamique et le totalitarisme chinois:

Ces menaces ont grandi mais, en plus, elles ont aboli les distances et s'invitent dans notre quotidien. L'ère des tyrannies commence au coin de la rue.

Alors il faut tenir bon selon l'injonction de l'économiste Etienne Mantoux, c'est-à-dire:

- réapprendre à penser par soi-même

- rallumer les Lumières

- adopter le principe du risque plutôt que le principe de précaution

- ne pas céder face aux obscurantistes

- accepter l'idée que la liberté est la fin politique la plus haute (Lord Acton)

Francis Richard

Éloge du libéralisme, Joseph Macé-Scaron, 128 pages, Éditions de l'Observatoire

Livre précédent:

Ticket d'entrée, Grasset (2011)


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